Éditos

Orchestres cherchent chefs ! Réponses urgentes souhaitées

 

Encore un ! Telle pouvait être la réaction des commentateurs quand est tombée la nouvelle du départ, au terme de la saison 2016-2017, de Christoph Eschenbach de la direction musicale de l'Orchestre national de Washington. Ce poste n'est pas le plus prestigieux du milieu musical, mais il est l'un des mieux payés ! Cette vacance de mandat s'ajoutait à la longue liste des postes en vue prochainement disponibles. Si l'on met de côté l'Orchestre philharmonique de Berlin, hors catégorie par son processus de désignation quasi-papal, ce n'est rien moins que l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, l'Orchestre symphonique de Londres et le Philharmonique de New-York qui sont la recherche d'un chef ! En France, l'Orchestre de Paris, l'Orchestre national de France et l'Orchestre national de Lille sont également en chasse, bientôt rejoints par leurs collègues de Lyon et de Toulouse, mais à plus long terme. Il n'en reste pas moins que choisir un directeur musical n'est pas une mince affaire.

Le directeur musical est le garant de la qualité artistique, il est l'image de l'orchestre : il doit plaire au public, ne pas déplaire aux musiciens, s'accommoder du management général et il doit rassurer les tutelles ou les mécènes tout en étant le vecteur de développement que ce soit pour des tournées ou des projets audios et vidéos. Mais à regarder le milieu musical actuel : il y a plus de postes offerts que de prétendants de niveau. Les grands aînés (Bernard Haitink, Herbert Blomstedt, Mariss Jansons, Charles Dutoit, Zubin Mehta, Dmitri Kitaenko, Yuri Temirkanov) ne prennent plus de charges ou sont déjà forts occupés alors que les trentenaires : Yannick Nezet-Seguin, ou sont déjà over-bookés. On comprend mieux dans ce cadre l'envie de l'Orchestre de Philadelphie de s'assurer la présence du brillant Yannick Nezet-Seguin jusqu'en 2022 !

De plus, tout chef brillant qui se respecte assure déjà, au moins, 2 directions musicales : est en poste à Paris et Vienne, dirige à Baltimore et São Paulo et Paavo Jarvi assure des charges à Paris, Brême et Tokyo ! On dédouche alors sur une autre donnée du problème : la disponibilité ! Car le directeur musical assure les concerts mais assiste aussi aux recrutements des musiciens et participe à des réunions avec le management des orchestres. On ne préside pas des concours de recrutement depuis le lounge d'un aéroport à l'autre bout de la planète !

Si la durée moyenne des mandats de chefs d'orchestre a fondu comme neige au soleil depuis les périodes des autocrates de la baguette, il n'en reste pas moins que remplir tous les critères est de plus en plus difficile. On fera ici abstraction de la pression « amicale » des agents artistiques, toujours prêts à refiler un cheval de retour ou un bambin à la goutte de lait qui lui pend encore au nez, et qui adorent ces jeux de chaises musicales générateurs de juteuses recettes !  Dès lors, on peut s'interroger sur la pertinence de maintenir cette vision du chef issue du XIXe siècle. En effet, le niveau technique des orchestres s'est considérablement amélioré : la réussite clefs sur porte des phalanges de São Paulo, de Kuala Lumpur ou du Borusan d'Istanbul en témoigne. D'un autre côté la polyvalence des chefs est en diminution. À de rares exceptions, rares sont ceux qui excellent de Haydn aux contemporains les plus exigeants. En partant de ces constatations, les orchestres du XXIe siècle ne devraient-il pas constituer un pôle de chefs invités : chacun travaillant dans son répertoire de prédilection pour améliorer la flexibilité stylistique des orchestres  ou assurer la présence d'un chef par saison tel un « Commissaire de programmation »? Certes, cela contraindrait les orchestres, et leur management, à se repenser, mais l'avenir n'est-il pas fait d'évolutions ?

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