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Evian. La Grange au Lac. 28-II-2015. Tôn-Thât Tiêt (né en 1933) : Aurore de Savoie, création. Félix Mendelssohn (1809-1847) : Concerto pour violon n°2 en mi mineur opus 64 (version 1845). Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Symphonie n°41 en do majeur, « Jupiter ». Michael Barenboïm, violon. Orchestre des Pays de Savoie, direction : Nicolas Chalvin.
Edifiée à Evian pour Rostropovich en 1993, délaissée après sa disparition, La Grange au Lac revit. Pour sa troisième saison de concerts, elle accueille les 30 ans de l'Orchestre des Pays de Savoie. A la fête, ouverte par une création mondiale de Tôn-Thât Tiêt, sont conviés trois prodiges dont Michael Barenboïm, la révélation de la soirée.
Depuis 1984, dirigé par des noms familiers, d'Armin Jordan à Giuliano Carmignola, recevant des invités de choix, de François-Frédéric Guy à Patricia Petibon, l'Orchestre des Pays de Savoie a fait du chemin et son chef actuel, Nicolas Chalvin peut à juste titre se féliciter d'une phalange homogène dont il peut jouer des plus subtilement. Le beau travail accompli est particulièrement manifeste dans l'exceptionnelle acoustique de la Grange au Lac.
Installé en France depuis 1958, le compositeur vietnamien Tôn-Thât Tiêt a écouté un an durant les 19 cordes pour lesquelles il s'est laissé convaincre d'écrire un gâteau d'anniversaire de 12 minutes qu'il intitule Aurore de Savoie. Il y voit la création d'un orchestre. Commande de l'Orchestre des Pays de Savoie et de Musique Nouvelle en Liberté c'est un peu sa Schöpfung à lui que cette musique née du chaos d'avant la composition : sourds battements du côté des cordes graves, notes répétées des violons, la pièce intrigue, captive avant de se dissoudre dans un trop prompt effacement qui correspond bien à l'art d'un compositeur dont l'occident musical (en faire trop) est tancé par son orient (pudeur du discours). L'orchestre joue bien sûr à la perfection cette musique attentive, née pour lui.
Ce touchant nouveau monde laisse la place au sentier tant balisé qu'est le second Concerto pour violon de Félix Mendelssohn. Mais ce soir, l'oeuvre rabâchée est prise à bras le corps par Michael Barenboïm. Fils de qui-nous-savons, le jeune violoniste fait montre d'un alliage puissance de feu/extrême sensibilité totalement bluffant. Les aigus sont d'une tension qui n'exclut jamais l'hédonisme sonore. A 30 ans, violon solo du West-Eastern Divan Orchestra et du Quatuor Erlenbusch, ayant à son actif quasiment tous les concerti du répertoire, Michael Barenboïm est à l'évidence le prodige de la soirée. Il entraîne l'orchestre de Nicolas Chalvin à un niveau haletant, du poétique tapis de cordes des premières mesures à la véhémence des affrontements qui s'ensuivent.
Une bonne Jupiter est l'antidote idéal aux affres du Monde. La barre est placée haut après l'aventure échevelée du Mendelssohn. Les tempi mozartiens de Nicolas Chalvin sont à l'opposé de ceux de Bruno Walter dont l'ampleur a marqué notre mémoire musicale. Sa 41ème , où dès le second mouvement on se dit que l'on souhaiterait un peu d'abandon, file à toute allure. Bien que sa cohérence ne fasse pas de doute, on tend l'oreille au moment de l'irrésistible entrée fuguée des cordes graves du final, les timbales sont un peu noyées, alors que les bassons jubilent dans l'acoustique merveilleuse du lieu…Tous regrets qu'on ne pourra en revanche formuler dans une Clémence de Titus donnée en bis.
Osmose d'un lieu, d'un orchestre, d'un soliste. Belle soirée. Prenant anniversaire.
Crédit photo: Séverine Fraysse
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Evian. La Grange au Lac. 28-II-2015. Tôn-Thât Tiêt (né en 1933) : Aurore de Savoie, création. Félix Mendelssohn (1809-1847) : Concerto pour violon n°2 en mi mineur opus 64 (version 1845). Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Symphonie n°41 en do majeur, « Jupiter ». Michael Barenboïm, violon. Orchestre des Pays de Savoie, direction : Nicolas Chalvin.