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Soliste à l'Orchestre national de Lyon, est l'un des plus grands timbaliers actuels. À l'occasion des 40 ans de l'Auditorium de Lyon, il vient donner la première audition mondiale du Concerto pour timbales de . Alors qu'il publie simultanément une anthologie des grandes pièces pour timbales (Artalina), nous parle de son instrument et de ses actions pour le décloisonner.

Benoit-Cambreling

« Il n'y a aucune différence je pense entre un bon timbalier, un bon pianiste, un bon violoncelliste ou un bon trompettiste »

ResMusica : Vous venez de créer le Concerto pour timbales de . Comment s'est décidée cette commande d'un concerto pour timbales ?

 : De manière très simple et très inattendue. Un jour , Conseiller artistique à l'Orchestre national de Lyon m'a téléphoné pour me faire part d'une idée à propos de la semaine de concerts pour célébrer les 40 ans de l'Auditorium. Il envisageait de me faire jouer en soliste un concerto de timbales avec l'ONL sous la direction de mon frère Sylvain. Cela en raison du fait que je suis l'un des derniers musiciens de l'orchestre qui étaient présent lors de la semaine d'inauguration de cette salle. De plus, Sylvain était chef d'orchestre à Lyon à cette époque, donc tout cela était cohérent. ayant été désigné compositeur en résidence pour cette période, c'est tout naturellement que la direction lui a passé cette commande.

RM : Comment se passe le travail avec le compositeur car si les compositeurs sont habitués à traiter le piano, le violon, le violoncelle, qu'en est-il des timbales ?

BC : Bruno Mantovani connait très bien la percussion en général, et les timbales en particulier, en ayant joué lui-même, donc nous nous sommes compris très vite. Je lui ai juste fait part des tessitures souhaitées pour chacune des timbales afin que cet aspect ne soit pas un problème selon les modèles d'instruments utilisés.

RM : Comment pouvez-vous décrire ce concerto de Bruno Mantovani ?

BC : En dehors de son intérêt musical évident, on retrouve les caractéristiques déjà connues dans ses autres pièces pour percussions, (Moi, jeu…, Le grand jeu), une virtuosité extrême et une vélocité sans limite. Ce qui donne à l'auditeur l'effet d'une immense énergie se déversant sur lui. J'aime dire que cette musique se joue « les doigts dans la prise électrique »

RM : C'est votre frère Sylvain qui dirigeait l'Orchestre national de Lyon pour ce concerto. Est-ce que cela ajoute un petit quelque chose en plus à l'ambiance de cette création ? Est-ce que l'on se sent plus en sécurité en tant que soliste avec son frère au pupitre ?

BC : Ce n'est pas parce qu'il est mon frère que je me suis senti  à l'aise avec lui, mais parce qu'il est un chef d'un rare professionnalisme, notamment dans le domaine de la musique contemporaine, (il crée de quinze à vingt pièces par an depuis des dizaines d'années), et lorsqu'il arrive au pupitre, il connait parfaitement la pièce qu'il va diriger, c'est cela qui est sécurisant. Par contre au niveau de la complicité, il est évident que c'est un plus.

RM : Vous vous occupez des Rendez-vous internationaux de la timbale (RIT) et du Concours de timbales de Lyon. Pouvez-vous nous les présenter brièvement ? 

BC : Au fil des années, il m'est apparu comme une évidence que les timbales ne trouvaient pas leur place dans le paysage musical de la percussion contemporaine. J'ai donc décidé de créer une structure afin d'inviter compositeurs, interprètes et fabricants à réfléchir et à débattre de cela. Alors que le répertoire pour clavier (marimba, vibraphone) et pour multi-percussions est très large et comprend de nombreux « tubes », il faut bien constater celui des timbales est très pauvre en qualité. J'ai alors pensé qu'il fallait peut-être, pour intéresser les compositeurs, créer l'offre et la demande afin de favoriser l'élargissement de celui-ci. En créant le seul vrai concours  international uniquement axé sur les timbales c'était chose faite. Depuis l'édition de janvier 2004, c'est une dizaine de nouvelles pièces qui ont été écrites, soit sur commande des RIT, soit à la demande des candidats par des compositeurs connus ou moins connus. Malheureusement, la crise économique a contrarié nos projets dès l'automne 2008, et malgré nos efforts, nous n'avons pour le moment plus les moyens de financer cet événement. Cependant, en dehors du concours, les RIT continuent d'organiser chaque année un concert de création (en partenariat avec le Grame de Lyon), ainsi que des master-classes en France ou à l'étranger. De plus un nouveau prototype de timbale vient d'être créé par la marque ADAMS selon mes indications et celles de , directeur de la maison Rythmes et Sons, alliant les qualités sonores des modèles haut de gamme pour orchestre, à la maniabilité des modèles plus adaptés au répertoire contemporain. C'est un premier pas, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, et j'espère bien arriver à satisfaction.

benoit cambrelingRM : Certains jeunes apprentis musiciens rêvent de devenir pianiste, violoniste ou chef d'orchestre, mais comment devient-on timbalier ?

BC : Je ne sais pas si on rêve de devenir directement timbalier. Pour ma part, je rêvais de devenir batteur de jazz. J'ai même étudié auprès de et au début des années 70. Mais malgré certaines facilités dans ce domaine, je me suis vite rendu compte que ce monde ne m'attendait pas. Et c'est en jouant Beethoven, Brahms et Tchaïkovski avec l'orchestre du Conservatoire supérieur de musique de Paris que j'ai ressenti mes « premiers émois » sur ces instruments. Dès lors, ça ne faisait aucun doute, je me suis senti timbalier.

RM : Les timbales c'est de la technique mais aussi de la subtilité et du dosage. Comment apprend-t-on à s'adapter aux styles des œuvres, si différentes, jouées par un orchestre symphonique ?

BC : Jusqu'au milieu des années 80, en France il fallait se débrouiller seul pour se créer la culture propre au timbalier. Depuis 1985 les choses ont progressivement changé suite à de nombreux stages d'été qui se sont créés. Egalement des master-classes ont été dispensées aux élèves, notamment sous l'impulsion de créateur du Forum des percussions d'Auvergne qui a duré une vingtaine d'années. Au début, il y avait surtout des percussionnistes français réputés, parisiens ou non, puis des célébrités étrangères firent leur apparition dans ces sessions d'été. Cela contribua à faire évoluer l'école française de timbale. Récemment la France a comblé un manque sérieux au niveau de l'enseignement, car alors qu'à peu près partout dans le monde, depuis les années 50, les timbales sont enseignées par des spécialistes, ce n'était pas le cas chez nous (excepté au conservatoire de Strasbourg, on sent là l'influence de la culture germanique). En effet, en 2012, Bruno Mantovani, Directeur du CNSMDP, sur la demande de , professeur principal de la classe de percussion, a désigné deux assistants spécialisés dans le répertoire d'orchestre, pour les percussions, et moi-même pour les timbales. C'était une véritable révolution.

RM : Vous publiez un album centré sur des pièces contemporaines pour timbales (pour le label Artalinna), pouvez-vous nous présenter le concept de cet album ?

BC : L'idée est de présenter un panorama dans un espace-temps, du répertoire solo ou en musique de chambre. J'ai donc choisi, à partir du socle que constituent les huit pièces pour quatre timbales du compositeur New-Yorkais Elliott Carter, un programme issu de compositeurs de différents pays, le japonais pour l'extrême orient, le français et l'italien pour l'Europe. Les pièces de ces deux derniers sont des commandes des RIT.

RM : Sur cet album, vous jouez les illustres pièces pour timbales d'Elliott Carter, considérées comme un monument de votre instrument. Qu'est-ce que ces pièces ont d'exceptionnel  ?

BC : Leur incroyable avant-gardisme ! Huit pièces totalement différentes dans leur forme, dans leur mode de jeu, dont les deux dernières qui datent de 1966, Adagio et Canto, restent à ce jour d'une audace telle qu'aucun compositeur n'a osé poursuivre sur les voies proposées. Écoutez-les attentivement, et songez que les six autres ont été écrites en 1949. C'est totalement ahurissant ! Le problème est que rare sont les timbaliers qui se sont penchés réellement sur les difficultés de leur texte. La plupart, se simplifient la tâche en ignorant, volontairement ou non, une foule de détails, pour en faciliter leur exécution, trahissant ainsi totalement le compositeur. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles elles sont restées dans l'ombre si longtemps. En effet, il existe vraiment peu d'enregistrement à ce jour. Ce n'est qu'après les avoir étudié pendant près de quarante ans que je me suis enfin décidé à les enregistrer, répondant ainsi à une attente de plus en plus insistante autour de moi.

RM : Sur la biographie éditée sur le site de l'Orchestre national de Lyon, on y lit que vous êtes à l'origine  « du renouveau de l'utilisation de la peau de veau », que vous jouez presque exclusivement depuis plus de trente ans. En quoi cet usage de peau de veau est-il important à vos yeux ?

BC : C'est très simple, de Lully à Ravel, puisqu'il n'existait rien d'autre que les peaux naturelles, les compositeurs n'avaient que cette sonorité de timbale dans l'oreille, et cela est évident pour qui connait bien les timbales. Ce n'est qu'au milieu des années 50 que sont apparues les peaux synthétiques. Et à part peut-être pour Edgard Varese, le jeu sur les peaux naturelles pour le répertoire antérieur reste infiniment préférable. Depuis, il est manifeste, surtout dans le répertoire solo et de musique de chambre, que les peaux synthétiques offrent assez souvent de nombreux avantages.

RM : Quelles sont les qualités que vous exigez de vos étudiants du CNSM de Paris pour en faire les meilleurs timbaliers ?

BC : Il n'y a aucune différence je pense entre un bon timbalier, un bon pianiste, un bon violoncelliste ou un bon trompettiste, à savoir qu'il est nécessaire, de soigner et de varier la palette sonore, de connaitre les différents styles d'interprétation au fil des époques, d'avoir une excellente intonation, un sens du phrasé musical, et celui de l'écoute des autres musiciens.

RM : En une phrase, quelle pourrait être la devise d'un timbalier ?

BC : Je reprendrai celle de mon Maître Cloyd Duff, le légendaire timbalier de l'Orchestre de Cleveland du temps de George Szell, et Lorin Maazel : « d'abord musicien, ensuite technicien ».

Crédit photographique : © Laurent Colibn

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