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Besançon. Théâtre Ledoux. 29-I-2015. Franz Schubert (1797-1828). Winterreise, cycle de lieder sur des poèmes de Wilhelm Müller. Orchestration : Takénori Némoto. Mise en scène : Yoshi Oida. Lumières et scénographie : Jean Kalman, Elsa Ejchenrand. Costumes : Elisabeth de Sauverzac. Avec : Elizabeth Calleo, soprano ; Samuel Hasselhorn, baryton ; Didier Henry, baryton. Orchestre Victor Hugo Franche-Comté sous la direction de Takénori Némoto.
Créé à l'Athénée en 2012, le Winterreise orchestré par Takénori Némoto et mis en scène par Yoshi Oida poursuit sa route scénique avec une distribution quasi-renouvelée. Plutôt que d'imprimer ses pas enneigés dans notre cerveau friands d'images, ce Voyage d'hiver peine à déployer son imaginaire et revêt à l'arrivée des allures de voyage scolaire.
Loin de nous les cris d'orfraie des puristes : bien évidemment que l'on peut mettre en scène le Voyage d'hiver ! On peut même imaginer bouleverser comme ici l'ordre des numéros. Les distribuer à 3 chanteurs. A condition de le faire avec génie. L'improbable au départ Messie de Haendel mis en scène par Claus Guth est devenu à l'arrivée un des plus beaux spectacles du monde.
Le Winterreise de Schubert, ces 24 mélodies dont le compositeur eut à coeur de réviser les 12 dernières quelques heures avant sa disparition, est, comme le dit fort justement Oida, le « face à face avec la mort ».
L'hiver symbolise la dernière étape du voyage qu'est toute vie. En toute logique, Yoshi Oida opte pour un visuel très dépouillé, une sorte de Haïku scénique : devant un sobre cyclorama, posé sur un sol noir de jais, un plateau rectangulaire recouvert des stries d'une immense toile grise est planté d'un unique bouleau dépouillé. Dans ce cadre idéal une femme s'installe sur un banc. Un vieillard lui remet un volume rouge qu'elle ouvre. La musique peut démarrer. On comprend assez vite que le jeune homme qui chante le sublime « Gute Nacht » est le donateur du manuscrit, sur lequel on le verra écrire, qui sera ouvert, refermé, passera entre toutes les mains. Il est le Poète. Elle est peut-être l'Amie, la Muse, l'Amante…Un deuxième homme, plus âgé, est de toute évidence le Passeur, le Leierman qui in fine conduira le poète dans le noir de la coulisse.
Cet excellent postulat de départ est malheureusement très vite contredit par une application scénique des plus scolaires. Le spectateur est constamment irrité par des entrées et des sorties aussi systématiques que prosaïques à cour à jardin ainsi que par la façon laborieuse d'enjamber le plateau pour le quitter ou s'y hisser. Certains gestes sont exécutés avec la maladresse dévolue aux débutants (ainsi les regards-salle pour indiquer que l'on a vu quelque chose à voir). Les costumes (celui du poète excepté) sont ordinaires. La toile qui recouvre le plateau disparaît en coulisses de manière bien peu fluide. De chiches flocons de neige saupoudrent à peine la funèbre conclusion. Un comble pour une œuvre qui est un charroi d'angoisses (Schubert disait « Cycle des lieder de l'effroi »). Oïda vient du Nô. Que n'a-t'il opté pour une plus grande distanciation au lieu de cette simple mise en place, de plus mise en lumière sans davantage de génie par un Jean Kalman qu'on a connu plus inspiré.
Il n'y a plus dès lors qu'à se consoler avec la musique elle-même. En tout premier lieu avec la nouvelle orchestration de Takénori Némoto, bien connu en Franche-Comté pour ses collaborations régulières avec l'Ensemble Justiniana. N'ayant pas craint de succéder au remarquable travail de Hans Zender, Némoto, très proche de Schubert, offre au compositeur un octuor posthume qui démarre avec un somptueux Gute Nacht, se poursuit avec de délicats pizzicati sur Auf dem Flusse, se conclut par un étonnant effet de vielle sur Der Leiermann. Très belle interprétation solistique de l'Orchestre Victor Hugo Franche-comté. Beau travail !
De la distribution originelle, on retrouve le seul Didier Henry qui fut Pelléas pour Dutoit. Le peu d'investissement scénique qui lui est demandé semble alors gagner une voix qu'on qualifiera tour à tour de solide ou d'ordinaire. Nouvelle venue dans cette production, Elizabeth Calleo n'est pas un atout. Aigreur constante du timbre, chant jamais projeté, déficit de souffle : une erreur de distribution manifeste . Lauriers en revanche à Samuel Hasselhorn ! Son juvénile timbre de baryton s'avère schubertien en diable, réalisant idéalement le vœu du compositeur, effrayé à l'idée que l'on puisse sur-jouer les émotions de sa musique. Constamment juste de surcroît au plan scénique, il apporte à lui seul l'élégance naturelle qui fait vraiment défaut à ce Winterreise avare de visions.
Crédit photos: Jean-Baptiste Millot/ Elisabeth de Sauverzac
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Besançon. Théâtre Ledoux. 29-I-2015. Franz Schubert (1797-1828). Winterreise, cycle de lieder sur des poèmes de Wilhelm Müller. Orchestration : Takénori Némoto. Mise en scène : Yoshi Oida. Lumières et scénographie : Jean Kalman, Elsa Ejchenrand. Costumes : Elisabeth de Sauverzac. Avec : Elizabeth Calleo, soprano ; Samuel Hasselhorn, baryton ; Didier Henry, baryton. Orchestre Victor Hugo Franche-Comté sous la direction de Takénori Némoto.