La traditionnelle semaine de musique de chambre du Schloss Elmau se clôturait avec un week-end musical, bouquet final d'une semaine partagée entre la découverte de nouveaux talents et la venue de grands noms.
Cette 61ème édition a vu défiler 29 artistes et ensembles dont : Janine Jansen, Itamar Golan, Torleif Thedéen, Mojca Erdmann, Malcolm Martineau, Alexandra Soumm, ou le quatuor Amaryllis. Fondée par Benjamin Britten et Peter Pears, la semaine de musique de chambre est un évènement très attendu des nombreux amateurs des environs. A cette occasion, même les jeunes élèves des écoles d'artisanat de Mittenwald, la capitale allemande de la lutherie, participaient aux concerts et pouvaient ainsi échanger avec des solistes renommés sur la facture des instruments.
Les deux derniers jours de la semaine de musique de chambre proposent traditionnellement deux concerts par jour dans la grande salle du Schloss Elmau. En ce vendredi soir, le pianiste ukrainien Antonii Baryshevskyi offrait un récital du terrestre au céleste avec : Scarlatti, Schumann, Silvestrov et Messiaen. On admirait la flexibilité stylistique du pianiste à l'aise avec l'équilibre classieux des sonates de Scarlatti, la force méditative épurée de Silvestrov ou les fulgurances colorées de Messiaen. Découverte de ce concert, la Sonate n°2 du mystique russe Valentin Silvetrov emportait les auditeurs dans un voyage musical fait d'alchimies mystérieuses et de clairs obscurs. Quant à Schumann et sa Sonate n°2, elle manquait un peu de détachement par rapport au strict respect du texte, mais on y saluait la force de concentration intellectuelle. En ouverture et en clôture, Scarlatti répondait à Messiaen, bel hommage à ces deux maîtres pyrotechniques du clavier. Antonii Baryshevskyi était à son affaire en pyromane des notes qu'il faisait virevolter dans un peu d'artifice de couleurs. Applaudi avec vigueur par un public nombreux, il joua en bis Ravel et Scriabine.
Le lendemain, alors que la neige tombait abondamment, le duo composé de Narek Hakhnazaryan (violoncelle) et d'Oxana Shevchenko (piano) proposait un programme romantique et brillant à travers des pièces de Schumann, Chopin, Debussy, Bronner et Paganini. Le tempérament passionné et la puissance sonore du jeune violoncelliste d'origine arménienne était à son affaire dans l'Adagio et Allegro de Robert Schumann et dans la Polonaise brillante de Chopin. Il trouvait en Oxana Shevchenko une partenaire attentive et musicale. Changement de ton avec une lecture presque expressionniste de la Sonate pour violoncelle et piano de Debussy, aux teintes noires et au dramatisme tendu. Composée, dans les années 1990, alors que la Russie traversait une terrible crise économique, The Jew, Life and Death de Mikhail Bronner présente un climat angoissé et apocalyptique, pas très éloigné des partitions ravagées et décharnées du dernier Alfred Schnittke. Les teintes hivernales du paysage et les averses de neige visibles à travers les grandes fenêtres de la salle de concert renforçaient la lourde tristesse inhérente à cette musique. Après cette partition fortement tragique, le duo se lançait à l'assaut d'une série de variations brillantes de Paganini d'après Rossini, réchauffant ainsi les cœurs et les esprits. Le public, qui en redemandait, fut remercié par le Salut d'amour d'Elgar et la Vocalise de Rachmaninov.
La clôture de cette semaine revenait à la soprano allemande Mojca Erdmann, l'une des musiciennes les plus brillantes de notre époque. Cette grande interprète de Mozart et Berg est également une amoureuse de la musique contemporaine qu'elle défend en donnant nombre de créations mondiales. Accompagnée de Malcolm Martineau, chambriste et accompagnateur exemplaire, elle proposait un parcours à travers le lied allemand de Mozart à Wolfgang Rihm, en passant par Schubert, Schumann et Richard Strauss. La prestation artistique était un modèle d'intelligence stylistique et de musicalité.
Crédits photographiques : Schloss Elmau