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Paris. Cité de la Musique. 13-XII-2014. Bernard Cavanna (né en 1951) : Karl Koop Konzert comédie pompière, sociale et réaliste pour accordéon et ensemble de dix-sept musiciens ; Trois strophes sur le nom de Patrice Lumumba pour alto solo, viole de gambe, deux contrebasses, harpe et timbales ; A l’agité du bocal, « bousin » pour trois ténors dépareillés et ensemble de foire. Pascal Contet, accordéon ; Hélène Desaint, alto ; Christophe Crapez, Paul-Alexandre Dubois, Euken Ostolaza, ténors. Ensemble Ars Nova; direction, Philippe Nahon.
Compositeur et charismatique directeur du Conservatoire de Gennevilliers, Bernard Cavanna est une des figures les plus attachantes du monde de la création contemporaine.
Sa musique surprend, amuse et terrifie tout à la fois, par l'étrangeté de son univers, l'excès de ses gestes et l'outrance de ses couleurs. Au sein du cycle Guerre et Paix, la Cité de la Musique honorait le compositeur en lui consacrant un concert monographique retentissant.
C'est l'ensemble Ars Nova et son chef Philippe Nahon, serviteur fidèle et zélé de la musique de Bernard Cavanna, qui investissait la Salle des Concerts avec toutes les composantes du son Cavannien : cornemuse, trompe de chasse, clavecin, cymbalum, accordéon et orgue de Barbarie, garé à jardin, que Pierre Charial allait actionner en seconde partie de soirée.
Pour l'heure c'est Pascal Contet et son accordéon « trois voix musette bien désaccordé » qui est au côté de l'ensemble Ars Nova pour donner Karl Koop Konzert, une œuvre dont il est le dédicataire. Cavanna rend ici hommage à son grand-père Karl Koop qui, raconte-t-il, faisait vivre sa famille avec son accordéon. Le sous-titre, comédie pompière, sociale et réaliste, nous met d'emblée « sur le pied de guerre », Cavanna instaurant au sein de l'écriture instrumentale le « grand chaos sonore » qu'il ordonne à son goût. L'œuvre a mûri sous les doigts et la baguette des interprètes et sonne ce soir dans sa belle plénitude et la multiplicité de sa palette sonore.
Plus intimistes, Les Trois Strophes sur le nom de Patrice Lumumba invitaient sur scène l'altiste Hélène Desaint à qui l'œuvre est dédiée. Le dispositif instrumental très singulier (alto, viole de gambe, deux contrebasses, harpe et percussion) instaure des rapports de timbres très subtils entre les cordes frottées. Superbe, la déploration finale sur la scansion funèbre des peaux – Isabelle Cornelis très sollicitée – faisait apprécier la sonorité ample et chaleureuse de l'alto solo.
Dernière œuvre en date de Bernard Cavanna, A l'agité du bocal sur le texte éponyme de Céline était jouée pour la septième fois depuis sa création en février 2013 à Poitiers. Un franc succès pour une œuvre d'aujourd'hui qui en dérange cependant certains. Bernard Cavanna fait paraître dans les notes de programme du concert une lettre signée d'une auditrice, outrée par le choix du texte jugé irrecevable: « … insoutenable pour le fond et d'une nullité consternante pour la forme » ! La polémique n'est pas sans déplaire au « doux provocateur » qu'est Cavanna, prenant le micro en seconde partie pour présenter sa pièce et semer la bonne humeur dans les rangs du public.
Révisé pour la troisième fois, le « bousin » fonctionne désormais à plein rendement, déchaînant une polyphonie sauvage et un son survolté qu'entretiennent souverainement les deux cornemuses et l'orgue de Barbarie de Pierre Charial, déluré autant que spectaculaire. Amplifiés mais pas trop, les trois ténors irrésistibles – Christophe Crapez yodelisant aux côtés de Paul-Alexandre Dubois et Euken Ostolaza – déclinent le texte furibard sous toutes ses éructations, entre parler et hurler. Les chanteurs sont périodiquement submergés par un orchestre au sein duquel Cavanna ménage quelques parenthèses presque silencieuses : juste le temps de glisser quelques mesures de la cadence du Concerto pour violon de Beethoven écrite pour l'émérite Noëmi Schindler qui était ce soir violon solo de l'ensemble.
C'est dans cette hétérogénéité aussi fertile que virtuose que Cavanna forge sa sonorité et sa manière subversive, au sein d'un univers où l'humour grinçant et les manifestations bruyantes d'une joie pompière masquent d'autant la face d'une réalité rien moins qu'inquiétante.
Bernard Cavanna © Christophe Couffinhal/Ville de Gennevilliers
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Paris. Cité de la Musique. 13-XII-2014. Bernard Cavanna (né en 1951) : Karl Koop Konzert comédie pompière, sociale et réaliste pour accordéon et ensemble de dix-sept musiciens ; Trois strophes sur le nom de Patrice Lumumba pour alto solo, viole de gambe, deux contrebasses, harpe et timbales ; A l’agité du bocal, « bousin » pour trois ténors dépareillés et ensemble de foire. Pascal Contet, accordéon ; Hélène Desaint, alto ; Christophe Crapez, Paul-Alexandre Dubois, Euken Ostolaza, ténors. Ensemble Ars Nova; direction, Philippe Nahon.