La Vie parisienne entraîne Strasbourg dans son tourbillon

L'Opéra national du Rhin sacrifie à la tradition des fêtes de fin d'année avec une nouvelle production de La Vie parisienne de l'inusable Offenbach.

Et toujours fidèle aux jeunes talents qu'il a contribués à découvrir, Marc Clémeur en confie la réalisation scénique à son compatriote Waut Koeken, déjà en charge in loco de Aladin et la lampe magique, L'Enlèvement au sérail ou, pour rester dans l'univers de l'opérette, La Chauve-souris. Le très beau décor de Bruno de Lavenère rend hommage à l'architecture métallique du XIX^ème siècle, et tout particulièrement à la Gare devenue Musée d'Orsay, où domine une horloge dont les aiguilles s'affolent au rythme de la musique, métaphore du temps qui passe et de l'urgence à en profiter. Après un premier acte qui paye son tribut à Laurent Pelly (annonces SNCF, plan du métro et ballet de valises inclus), la mise en scène de Waut Koeken s'y distingue par son goût, sa mesure et son professionnalisme. Les ensembles sont impeccablement réglés avec la précision et l'entrain adéquats, les dialogues sont actualisés avec finesse et pondération, les caractères sont finement dessinés. Et les projections vidéo d'Etienne Guiol ménagent même des instants de poésie, comme au final du 3^ème acte où la Tour Eiffel, gagnée par l'ébriété générale, se met à tituber et valser. Même si l'on ne s'y esclaffe pas à gorge déployée, on apprécie l'absence de toute trivialité ou facilité dans ce spectacle qui avance sans temps mort et offre au plateau la possibilité d'y déployer ses talents de comédiens comme de danseurs et une énergie communicative.En tête de liste, la Gabrielle de Mélanie Boisvert assume son rôle central avec brio et aisance, y apportant son suraigu cristallin et une légèreté naturelle. On aurait juste aimé une clarté plus grande du texte et une projection plus affirmée. Tout aussi accompli, le très séduisant Raoul de Guillaume Andrieux se dépense sans compter et convainc tant par son jeu que par sa magnifique voix de baryton clair et rond. Thomas Morris est le parfait exemple du chanteur-acteur qu'il faut au rôle de Bobinet, voix assurée sans être mémorable et dons innés de comédie. En Métella, Delphine Haidan connaît quelques problèmes de soudure des registres entre graves exagérément poitrinés et aigus à la texture raréfiée mais incarne avec une certaine profondeur voire nostalgie ce personnage parfois trop superficiellement traité. Satisfecit sans réserve aussi pour Guy de Mey en bottier Fritz (et en Prosper) de grand relief, sonore et drôlissime en clone de Karl Lagerfeld, pour Jean-Gabriel Saint-Martin fringuant et superbement chantant en Urbain ou Gontran, pour l'intensité et la sensualité d'Anaïs Mahikian en Pauline ou pour le souci des nuances d'Agnieszka Slawinska en Baronne de Gondremarck. On s'avoue moins convaincu par le Baron de Christian Tréguier, bon comédien mais voix élimée, et par le Brésilien trop léger et au souffle court de Mark Van Arsdale.

Suivi par un Orchestre symphonique de Mulhouse concentré et irréprochable et par un Chœur de l'Opéra du Rhin parfait d'engagement et de netteté, Claude Schnitzler trouve à chaque instant, en grand habitué de l'ouvrage, la juste pulsation et la précision rythmique qui conviennent. Nul excès, nulle lourdeur, nul alanguissement, nul décalage avec le plateau ne viennent entacher sa direction superlative de bout en bout et qui contribue de manière décisive au succès du spectacle.

Crédit photographique : Mélanie Boisvert © Alain Kaiser