Cecilia Bartoli entre kitsch et délices
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Paris. Théâtre des Champs-Elysées. 7-XI-2014. Airs d’Hermann Raupach (1728-1778), Francesco Domenico Araia (1709-1770), Domenico Dall’Oglio (1700-1764), Franceco Maria Veracini (1690-1767), Nicola Antonio Porpora (1686-1768), Vincenzo Manfredini (1737-1799) et Johann Adolf Hasse (1699-1783). Cecilia Bartoli. I Barocchisti ; Direction : Diego Fasolis
La mezzo italienne triomphe dans « St Petersburg », récital consacré aux airs baroques inédits composés par des musiciens italiens et allemands pour la cour de Catherine II de Russie.
Fascinante ou exaspérante ? La réponse tient à la capacité du public à faire la part entre la leçon de chant et les exigences d'une tournée de promotion de son nouvel album chez Decca. Dans un registre alternant meneuse de revue et star lyrique, Cecilia Bartoli en connaît un rayon. C'est avec un art consommé de la séduction et de l'humour qu'elle sait glisser une salle dans sa poche l'air de rien. Pas forcément besoin de pirouettes et de roucoulades pour cela, une longue traîne de tulle blanc lors de l'entrée en scène soulève des cris enthousiastes…
Accompagnée par ses fidèles Barocchisti et leur chef, Diego Fasolis, elle débute une longue série de lamentations par Vado a morir, l'air de Minerve dans la Forza dell'amore e dell' odio, de Francesco Domenico Araia. Les extraits d'opéras signés, entre autres, par Nicola Antonio Porpora, Domenico Dall'Oglio et Vincenzo Manfredini, illustrent une part inconnue de la vie musicale européenne du XVIIIe siècle – les œuvres créées à la cour de Catherine II (« La Grande ») par plusieurs musiciens italiens et allemands invités à s'y produire.
Musiques oubliées
Point de révélations stupéfiantes dans ce florilège ressuscité pour la première fois depuis plus de deux siècles. La tonalité est quasi intégralement consacrée à l'art de la déploration et des atermoiements expressifs… une sorte d'âme musicale russe, aux confins du pré-romantisme et des couleurs automnales. La voix ample et généreuse se réchauffe progressivement sous les rayons d'un très confortable flux legato (Altsesta d'Hermann Raupach).
Il faut une bonne dose de second degré pour goûter l'ambiance Alice au pays des merveilles, avec nocturne et gazouillis obligés dans l'extrait de Seleuco de Francesco Domenico Araia. Les feux d'artifices attendront l'air de Laodice « O Placido il mare » dans Siroe, re di Persia d'Hermann Raupach. La légèreté de l'abattage se conjugue étonnamment à la fermeté du timbre, avec un sens de l'expressivité remarquable.
Toque et fourrure
La seconde partie est dominée par les deux airs de Sesto dans la Clemenza di Tito de Johann Adolf Hasse. « Se mai senti spirarti sul volto » et « Vo disperato a morte ». L'attention s'éloigne très vite d'un accompagnement réduit à des marches harmoniques et plantages de clous. L'écriture vocale resplendit de suavité et de couleurs pour exprimer le texte au plus près du sens dramatique. Le « Nobil onda » de l'Adelaide de Porpora couronne d'une pluie de feu la section « officielle » de ce récital.
Le public en délire obtient, sans trop insister, une série de cinq bis supplémentaires, parmi lesquels on admirera les langueurs éplorées de « Sovvente il sole » (Andromeda liberata) et « Sol da te » (Orlando furioso) d'Antonio Vivaldi. La (petite) surface vocale qu'elle déploie suffit . On fermera les yeux sur le numéro de music-hall entre la mezzo et le trompettiste Hannes Rux dans « A facile vittoria » d'Agostino Steffani, pour mieux rouvrir – émerveillés – dans « Destero dall'empia dite » d'Amadigi di Gaula de Haendel et le crépitant « Razverzi pyos gortani, laya » de l'Altsesta de Raupach. Toque et manteau de fourrure pour ce point final, ultime clin d'œil de la diva à un Théâtre des Champs-Elysées dont il se murmure qu'il pourrait accueillir bientôt la reprise de Norma dans la mise en scène néo-réaliste de Patrice Caurier et Moshe Leiser, donnée à Salzbourg en 2013…
Crédit photo : DECCA
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Paris. Théâtre des Champs-Elysées. 7-XI-2014. Airs d’Hermann Raupach (1728-1778), Francesco Domenico Araia (1709-1770), Domenico Dall’Oglio (1700-1764), Franceco Maria Veracini (1690-1767), Nicola Antonio Porpora (1686-1768), Vincenzo Manfredini (1737-1799) et Johann Adolf Hasse (1699-1783). Cecilia Bartoli. I Barocchisti ; Direction : Diego Fasolis