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Lyon. Opéra. Biennale de la danse. 21. IX. 2014. Yoann Bourgeois : Celui qui tombe. Première mondiale. Conception, mise en scène et scénographie : Yoann Bourgeois. Lumières : Adèle Grépinet. Son : Antoine Garry. Costumes : Ginette. Interprètes : Mathieu Bleton, Julien Cramillet, Marie Fonte, Dimitri Jourde, Elise Legros, Vania Vaneau.
L'Opéra de Lyon accueille pertinemment pour la première fois du cirque avec « Celui qui tombe », le nouveau spectacle de Yoann Bourgeois, tenant de la prouesse poétique en suspens sur le thème de la lutte contre la gravité.
A l'Opéra, Yoann Bourgeois a mis sa casquette à carreaux au parterre dimanche, pour se régaler de sa nouvelle création à couper le souffle : « Celui qui tombe ». N'est pas circassien, jongleur, acteur, danseur, musicien et metteur en scène prometteur qui veut. C'est son cas grâce à un travail d'orfèvre et une réinvention de l'approche du cirque, qui manipule des objets (définition circassienne du jonglage) tandis que Yoann Bourgeois se laisse être manipulé par eux. Comme il le propose ici à grande échelle : son objet est un plateau surélevé au-dessus de la scène de l'Opéra, qui emporte ses six interprètes dans un tourbillon très étudié, explorant le sens de la gravité.
En 2012, Wu Wei créé pour les artistes de l'Opéra de Pékin, illustrait la conception taoïste du non-agir, aujourd'hui, cette même pensée s'infiltre dans le dispositif. Le plateau (tel un redoublement de la scène) se hisse à plusieurs niveaux et dans des plans différents jusqu'à se dresser à la verticale au mitan de la pièce, laissant un des interprètes se retrouver comme par magie assis tranquillement au sommet, les jambes négligemment dans le vide, pendant que les cinq autres le regardent d'en bas, interrogatifs.
Cette fable sans parole sur le drame humain de l'impossible apesanteur sur terre, est aussi une farce, d'où s'échappent des rires provoqués par ses six personnages. Ils courent, ils courent et se bousculent, se rattrapent in extremis ou se balancent au bord du plateau devenu balancelle géante. Quand ils se mettent à chanter a capella et que le plateau est hissé bien haut, une voix manque tout à coup, chacun se tait, la voix éraillée de celle qui s'est rattrapée et est encore agrippée au bord du vide, s'élève alors. Les autres la remettent sur le plateau comme sur un bateau voguant dans le ciel sans balustrade. Le ressort est comique certes mais c'est surtout la fluidité de ces êtres qui semblent aimantés au plateau et se tiennent à la diagonale, qui émerveille : ils ne tombent pas.
Yoann Bourgeois n'a pas trouvé son titre tout de suite, il pensait à « Chorème », ce qui désigne un alphabet de l'espace, mais ce mot était moins explicite que Celui qui tombe qui ne tombe pourtant pas. Le sens de l'existence est marché, dansé, propulsé et chanté par touches colorées aux signes bien agencés en effet, sur un air de My Way au début qui trotte dans la tête, tandis que chacun trace son chemin sur cette métaphore de notre terre que le plateau symbolise par sa force centrifuge. Yoann Bourgeois rend un bel hommage à notre capacité à rester debout en dépit des drames les plus fous, en rendant au cirque ce qui lui revient, à savoir l'art de dépasser les limites de l'humain par des prouesses techniques ahurissantes, auquel il ajoute sa poésie et le choix d'interprètes ultra virtuoses (venant de la danse, comme sa collaboratrice Marie Fonte, et du cirque).
Photo : © Géraldine Aresteanu
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Lyon. Opéra. Biennale de la danse. 21. IX. 2014. Yoann Bourgeois : Celui qui tombe. Première mondiale. Conception, mise en scène et scénographie : Yoann Bourgeois. Lumières : Adèle Grépinet. Son : Antoine Garry. Costumes : Ginette. Interprètes : Mathieu Bleton, Julien Cramillet, Marie Fonte, Dimitri Jourde, Elise Legros, Vania Vaneau.
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