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L’Arménie au Festival des Nations de Città di Castello

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Italie. Città di Castello. Festival des Nations.

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HESPERION XXIS'il est vrai que l'âme d'un peuple se révèle dans sa musique et dans les sonorités particulières de ses chants et de ses instruments, il faut aussi des interprètes capables non seulement de laisser s'exprimer cette âme, ce qui est déjà rare, mais encore de l'incarner.

venu avec et quatre musiciens arméniens le 28 août, et , le 4 septembre, ont réussi à faire passer le souffle vivant d'une Arménie éternelle.

« Cette terre, dit , directeur artistique du Festival, la première terre chrétienne, est depuis des siècles sur la route reliant l'Est et l'Ouest; et on retrouve dans la musique arménienne des éléments stylistiques venus aussi bien de la culture occidentale que du Moyen-Orient. »

Servi par les 90 musiciens de l'excellent , le premier concert du Festival (le 27 août) présentait un programme très classique. Après la Nuit sur le Mont Chauve de Moussorgski, le Concerto de Khatchatourian, avait en soliste Anush Nikoghosyan, une jeune et gracieuse violoniste vêtue d'une robe « à la grecque », mais la virtuosité du 1er violon de l'orchestre dans la Suite Shéhérazade de Rimsky Korsakov qui a suivi, a presque fait oublier la soliste.

De tous les instruments caractéristiques utilisés dans les anciennes traditions musicales de la région, le duduk est peut-être le plus poignant. On le retrouve sous différents noms dans de nombreux pays: duduki en Georgie, balaban en Iran et en Azerbaïdjan, et balaman dans le Turkestan chinois. Il a été classé en 2005 par l'UNESCO, ainsi que sa musique, au Patrimoine mondial de l'humanité. C'est une flûte à grosse anche double en roseau, aplatie à l'extrémité, dont le son profondément émouvant semble venu du fond des âges. Habituellement joué en duo, maître et élève, cet instrument peut se faire aussi rauque et aussi doux qu'une voix humaine, guérisseuse, et porteuse de rêves.

Lors du concert donné le 28 août avec l'ensemble de , Georgi Minassyan et Haïg Sarikouyoumdjian, deux stars du duduk en Arménie, nous ont fait entendre des sons qui s'infiltrent jusqu'au creux de l'âme. La voix juvénile, claire et puissante d'Aram Movsisyan rendait encore plus intime cette musique bigarrée, toute de murmure et de souffle. Gaguik Mouradian jouait, lui, du kamancha, sorte de violon rond, terminé par une pointe, utilisé aussi en Iran et en Azerbaïdjan.

« L'aspect qui nous intéresse, a souligné lors de la conférence de clôture, est la nature problématique de l'identité culturelle. Nous tenons à souligner que les identités sont toujours le résultat d'identités différentes qui se rencontrent. »

Mario Brunello au Festival des Nations 2014 ©Andreini SavocaC'était le cas le 4 septembre. Avant le début du concert, le violoncelliste a pris le micro et a expliqué qu'il avait changé le programme pour inclure aussi un compositeur turc, de façon à jouer les musiques des trois pays liés aux atrocités du génocide arménien de 1915, parce que, disait-il, malgré l'horreur, la musique relie ce qu'il y a de meilleur. L'Allemagne était donc présente avec une Suite de Max Reger, la Turquie avec la Partita pour violoncelle du Turc et, pour l'Arménie, deux créations mondiales écrites pour l'occasion par pour , suivies de trois chants populaires arméniens anonymes.

Profondeur, gravité, espace, pizzicati d'oiseaux ou longues notes étirées vers le silence posées sur de longs traits d'archet sombres, les deux pièces pour violoncelle seul, une Danse et une Respiration, de Sharafyan construisent et déconstruisent le monde et nous transportent sur l'imaginaire des Routes de la Soie, projet dont il a justement été l'un des compositeurs officiels.

Nourris de son interprétation lumineuse et concentrée, les trois derniers morceaux joués et transcrits aussi par Mario Brunello, dessinaient une géographie planante où l'esprit va se perdre, dans un vertige tranquille. Caressant de son archet léger et puissant, la douceur rauque des vibrations de son violoncelle, Mario Brunello lui a fait produire un son nouveau, une voix proche de celle du duduk (ou du balaban).

Il nous a fait rêver d'un concert qui réunirait les musiciens de ces cultures différentes, parfois antagonistes, mais qui jouent pourtant sur les mêmes instruments.

Et il semblait que toute l'église, telle la maison de la Vierge, allait s'envoler et nous emporter vers un autre univers, celui des Voix du silence, où les différences entre les cultures pourraient s'ajouter les unes au autres, pour construire une nouvelle identité humaine, un Nouveau monde apaisé.

Crédit photographique: © Andreini Savoca

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