Silke Zimmerman, musiques alpestres à Elmau
Situé en Bavière, près de la frontière avec l'Autriche, le Schloss Elmau est un festival permanent qui propose, tout au long de l'année, des évènements musicaux équivalents aux plus grandes salles du monde. Silke Zimmermann, directrice artistique de la programmation nous présente l'histoire du lieu et ses temps forts.
« Je suis plus impressionnée par l'énergie des nouvelles approches des jeunes musiciens que par les noms qui sortent des compétitions considérées comme prestigieuses. »
ResMusica : Le Schloss Elmau est un endroit magnifique, pouvez-vous nous dire quelques mots à propos de son Histoire ? Quels sont les liens entre Elmau et la musique ?
Silke Zimmerman : Le Schloss Elmau a été construit en 1916 pour offrir une retraite dans la nature, loin de la foule. Il est intéressant de voir que, même dans sa première année, il y avait 100 concerts joués dans la magnifique salle du château avec son acoustique fabuleuse. Ainsi, il a toujours été un lieu où la musique faisait partie intégrante de la vie quotidienne. Nous sommes en train de reproduire les archives (qui ont brûlé lors d'un incendie dévastateur en 2005) et nous constatons que tous les grands musiciens de leur temps sont venus jouer à Elmau. Wilhelm Kempff en fit sa « maison pianistique » plusieurs années de suite. Quant au Quatuor Amadeus, il l'appelait sa résidence secondaire. Gidon Kremer est venu après avoir quitté l'Est au milieu des années 70. Benjamin Britten et Peter Pears qui voyageaient en Bavière, se sont arrêtés à Elmau. Ils ont vu la salle et ont décidé d'initier une semaine allemande dédiée à la musique britannique. Yehudi Menuhin est venu, et par conséquent, tous les grands artistes et musiciens de chambre d'aujourd'hui, puisque la programmation s'est professionnalisée dans les années 70, se sont produits en ces lieux.
RM : Elmau propose une saison de concert presque sans interruption. Quels sont les temps forts ?
SZ : Nous avons 220 évènements par an : concerts classique, jazz, pop, des conférences, des projections de films, des débats politiques. Nous proposons plusieurs festivals dans toutes les disciplines : la semaine de musique de chambre en janvier (suite du projet initié par Britten qui en est à sa 61e édition), une semaine du lied en septembre, une semaine de littérature en novembre (cette année consacrée à Proust). Nous invitons aussi, chaque fin novembre, l'Orchestre de chambre du Verbier Festival avec des solistes.
RM : Les artistes qui se produisent sont souvent très prestigieux ! Comment réussissez-vous à les inviter et à les fidéliser ?
SZ : Schloss Elmau est idéalement situé à la fin d'une vallée naturelle spectaculaire qui ouvre sur les paysages des Alpes allemandes. Nous avons une palette de services toute aussi spectaculaire avec spa et cuisines (un restaurant étoilé y est même inclus). Mais d'abord et avant tout Schloss Elmau accueille l'une des plus belles salles de musique de chambre d'Allemagne. Nous possédons plusieurs Steinway de haute qualité. Il en résulte une ambiance unique qui permet aux musiciens de trouver une inspiration unique, des conditions de travail idéales et un cadre propice au repos pour eux et leurs familles. Dès lors, une fois charmés par ce lieu singulier, ils ont toujours envie de revenir.
RM : A côté d'affiches prestigieuses, il y a aussi de jeunes artistes. Comment les repérez-vous ?
SZ : En écoutant toutes les musiques dans tous les lieux de la planète : festivals, salles de concerts et même certaines compétitions. Mais je fréquente les concours avec parcimonie depuis qu'un pianiste très distingué m'a dit un jour que la musique ne s'épanouissait pas dans la compétition. J'aime présenter les musiciens intéressants dans tous les domaines. Je suis plus impressionnée par l'énergie des nouvelles approches des jeunes musiciens innovants que par les noms qui sortent des palmarès des compétitions considérées comme « prestigieuses ».
RM : Elmau est situé dans les Alpes bavaroises à une centaine de kilomètres au sud de Munich. Comment parvenez-vous à faire venir régulièrement le public ?
SZ : Il ne faut pas oublier que nous sommes également à quelques encablures de la frontière avec l'Autriche. Nous sommes en effet au sud de Munich, mais c'est un atout car les gens aiment quitter le tumulte de la grande ville à la recherche d'une inspiration intellectuelle. Les villes voisines de Garmisch et d'Innsbruck et tous les villages des alentours sont heureux d'avoir une salle de concert digne de ce nom dans leur propre région …. Il est intéressant de voir que nous sommes maintenant imités par d'autres institutions maintenant. Beaucoup de gens semblent rechercher une nouvelle manière d'occuper leurs temps libres, une alternative au « ne rien faire », mais plutôt en cultivant leur esprit.