Le Verbier Festival entre Daniil Trifonov et Evgueni Kissin
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Verbier. Salle des Combins. 20 et 23 juillet 2014. Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Thème et variations en Fa majeur, Op.19 ; Serge Rachmaninov (1873-1943) : Variations sur un thème de Chopin, Op.22 ; Robert Schumann (1810-1856) : Etudes Symphoniques, Op.13. Daniil Trifonov, piano. Franz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano en ré majeur, D.850 ; Alexandre Scriabine (1872-1915) : Sonate-fantaisie n°2 en sol dièse mineur, Op.19 et Etudes, Op.8. Evgueni Kissin, piano
Outre les concerts des orchestres, le Verbier Festival accueille également de nombreux récitals, de grand luxe, principalement avec la crème des virtuoses pianistiques russes. Il faut dire que la forte communauté russe de Suisse se plait à déferler sur la station pour applaudir ses protégés.
Le premier récital 100% piano russe voyait le jeune Daniil Trifonov (notre entretien) se produire dans la salle des Combins. Bien qu'encore très jeune (il a 23 ans), Trifonov s'est imposé comme l'étoile montante et surbookée du piano contemporain. Auréolé de prix prestigieux aux Concours Tchaïkovski et Chopin, Trifonov a tout du virtuose 2.0 : coiffure néo-lisztienne, physique longiligne de végétarien et déjà des hordes de groupies avides de commenter ses prestations sur les réseaux sociaux. Il est d'ailleurs amusant de le voir errer dans les rues de la station de Verbier, coiffé d'un casque audio de luxe relié à son Ipad mini. Mais si la valeur n'attend pas le nombre des années, la maturation de l'art interprétatif prend plus de temps qu'une escale dans un lounge d'aéroport entre 2 vols intercontinentaux. Ainsi, ce récital posa de nombreuses questions.
Bien évidemment, on ne peut qu'admirer la maîtrise technique stupéfiante et le sens de la construction d'interprétations réglées aux millimètres. Mais au final, si la démonstration est impressionnante, l'esprit reste dubitatif, en particulier dans des Schumann, trop raides et fonctionnels, tels un bolide lancé sur un circuit de course. On fut moins déçu avec Tchaïkovski et Rachmaninov, plus taillés pour la sensibilité du jeune homme, même si l'émotion narrative en était absente tout comme les caractérisations stylistiques. Acclamé par le public, le jeune homme, tel un grimpeur fou du tour de France (qui est déjà passé par Verbier en 2009), enivré par ce triomphe, se lance dans un numéro échevelé de bis, heureux de repasser la ligne d'arrivée sous les hourras de ses admirateurs. Quant au commentateur, il fut ravi quand cette démonstration néo-olympique prit enfin fin. Trifonov a sans aucun doute les doigts d'un potentiel géant du clavier, si seulement ce milieu musical vorace et chronophage lui permet de prendre du recul et de travailler dans l'ombre.
Changement de registre avec Evgueni Kissin car assister à un récital du pianiste reste une expérience unique. La quarantaine passée, l'ex-enfant prodige semble ne plus avoir de limites à une inspiration plus libre que jamais et à des choix interprétatifs qui stimulent l'esprit. C'était donc l'affluence des grands soirs et plusieurs artistes, et non des moindres, étaient venus écouter leur confrère : Yuri Temirkanov, Martha Argerich et Steven Kovacevich…. Une sonate de Schubert en ouverture de concert est toujours un scanner impitoyable. Le premier mouvement de Kissin surprend, le ton allant et optimiste, évoque un surhomme néo-soviétique. Mais au fil des notes, le pianiste rentre dans l'esprit de Schubert et fait surgir de multiples saynètes des notes. Quant à Scriabine, il atteint, sous les doigts du virtuose, un niveau stratosphérique. Sa modernité d'écriture n'est que rarement apparue aussi évidente. Le public, en délire, acclame son icône et se voit remercié par trois bis méditatifs et échevelés.
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Verbier. Salle des Combins. 20 et 23 juillet 2014. Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Thème et variations en Fa majeur, Op.19 ; Serge Rachmaninov (1873-1943) : Variations sur un thème de Chopin, Op.22 ; Robert Schumann (1810-1856) : Etudes Symphoniques, Op.13. Daniil Trifonov, piano. Franz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano en ré majeur, D.850 ; Alexandre Scriabine (1872-1915) : Sonate-fantaisie n°2 en sol dièse mineur, Op.19 et Etudes, Op.8. Evgueni Kissin, piano