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Berlin. Bayerisches Staatsballett. 29-VI-2014- Le Ballet triadique. Chorégraphie : Oskar Schlemmer (1888-1943) ; Chorégraphie version 1977 :Gerhard Bohner ; Musique : Hans-Joachim Hespos ; Costumes et décors : Ulrike Dietrich. Bayerisches Staatsballett II .
Le Ballet triadique d'Oskar Schlemmer, créateur polymorphe et scénographe du Bauhaus, vit le jour en 1922, dans un esprit de révolution artistique qui renouvela le corps à travers la forme pour mieux traduire les énergies contemporaines. Fasciné par cette sculpture chorégraphiée, dont émanent autant de poésie mathématique et de liberté contrôlée, Gerhard Bohner remodèle l'œuvre en 1977 : c'est cette version, rythmée par une partition de Hans-Joachim Hespos, que le Bayerisches Staatsballett II (Jeune Ballet de Munich) a présentée fin juin en coopération avec l'Akademie der Künste.
Le Ballet triadique : un Gesamtkunstwerk (« œuvre totale »), trait d'union expérimental entre la danse, la musique et le théâtre, qui cherche à décloisonner les champs artistiques et stimule l'interaction du geste et du costume. Élément fondamental, l'habit déforme, certes, mais il articule et génère aussi la gestuelle. Schlemmer refuse pourtant de voir son ballet comme mécanique. Selon lui, Le Ballet triadique « doit son origine à une imagination ludique, au plaisir premier de la forme, de la couleur et de matériaux particuliers avec lesquels sont fabriqués les masques et les costumes ». Ces formes seraient-elles conçues pour déstabiliser l'équilibre corporel et mental du danseur ? Schlemmer tenterait-il de développer une asymétrie constructive ?
Son centre de gravité perturbé par la lourdeur d'un tutu-assiette en bois, la danseuse (délicate Nagisa Hatano) n'a plus que le choix de « conditionner ses mouvements non plus sentimentalement mais mécaniquement, rationnellement ». Son partenaire, le scaphandrier (Nicholas Losada), s'élance telle une toupie vers sa partenaire. Privé de bras et la vue obstruée par son casque, en apesanteur, il se fie machinalement à l'espace. Comme l'a souligné l'historienne de la danse Laurence Louppe, « la force de Schlemmer est d'avoir construit ses costumes comme des récits. Chacun dicte au corps qu'il enclot la partition des mouvements possibles. Chacun est une chorégraphie : il sélectionne un certain nombre de gestes choisis en inhibant les autres. » Mention spéciale au duo de disques dont les costumes segmentent symétriquement les corps des danseurs (Alexander Bennett et Nicholas Losada) en deux ! Plus folkloriques, les costumes et accessoires turcs et la jupe à boules bigarrées de mademoiselle (pimpante Pauline Simon !), rappellent ceux de Petrouchka. Et Schlemmer de continuer à s'interroger : « La sphère, la demi-sphère, le cylindre, l'assiette, les disques, la spirale, les ellipses, etc. ne sont-ils pas les formes spatiales de la danse et les éléments de mouvement et de rotation par excellence ? »
En quête d'un équilibre entre abstraction et figuration, Schlemmer s'imprègne des lois fondamentales du Bauhaus, basées sur le minimum, l'essentiel, l'originel. Il expose alors un espace fictionnel tridimensionnel : trois interprètes dansent douze variations en trois parties, de trois couleurs (jaune, rose et noir), sous trois formes (carré, cercle et triangle). À trois, on dépasse la dualité et c'est là où commence le collectif…
En somme, la forme et les couleurs en mouvement s'inscrivent à l'intérieur d'un cadre. Cohérent dans sa démarche minimaliste, le génial Schlemmer explore, expérimente au sens artistique large du terme. Tout comme Les Ballets russes par exemple. Mais à la différence de ces derniers, la danse du peintre Schlemmer, expérience pure pour l'interprète, perd étrangement de sa substance une fois combinée aux lourds et subtils décors. Tout du moins aux yeux du public (averti !). Le danseur se fait alors davantage plaisir qu'il ne nous fait plaisir. Le Ballet triadique : une exploration aussi intemporelle qu'égoïste.
Léa Chalmont-Faedo
En partenariat avec Berlin Poche
Crédits photographiques : © Charles Tandy
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Berlin. Bayerisches Staatsballett. 29-VI-2014- Le Ballet triadique. Chorégraphie : Oskar Schlemmer (1888-1943) ; Chorégraphie version 1977 :Gerhard Bohner ; Musique : Hans-Joachim Hespos ; Costumes et décors : Ulrike Dietrich. Bayerisches Staatsballett II .