Un article de Mediapart a fait l’effet d’une bombe dans le milieu si feutré de la musique classique. Consacré aux dérives financières de l’opéra de Paris, il mettait en avant les faits du prince qui se règlent à coups de milliers d’euros ponctionnés sur les deniers publics. La facture de l’arrivée du nouvel intendant Stéphane Lissner se soldant par une ardoise de plusieurs millions d’euros afin de faire débarrasser le plancher, dans le respect du droit du travail, à la totalité de l’équipe mise en place par Nicolas Joël, le directeur sortant. Il n’y a rien de nouveau tant les bruits de notes de départ salées circulaient depuis longtemps même au-delà des frontières nationales, mais il revient au journaliste Antoine Perraud de démontrer, avec rigueur et sens du style, l’ampleur vertigineuse du pied de nez fait aux finances publiques et à la totalité des acteurs de la musique. Cette situation est à mettre en parallèle avec la valse des producteurs, charrette décérébrée et déraisonnée, désormais inscrite dans les mœurs, à presque chaque nouvelle arrivée d’une nouvelle équipe à France-Musique. Quand on apprend dans le même temps, (voir Canard Enchaîné du 25 juin), que le nouveau patron de Radio-France, Mathieu Gallet, aurait cherché à s’augmenter, demande fort heureusement rejetée par l’Agence des participations de l’Etat.
Il en découle un gouffre sans cesse croissant entre la majorité des musiciens et quelques institutions, hors de contrôle, pour lesquelles la ligne de crédit semble infinie et les mœurs managériales d’un autre siècle comme cette valse des têtes pensantes à chaque arrivée d’un nouveau manager, sans même parler des salaires des hauts cadres qui défient tous les barèmes de la haute fonction publique. Les sortants (bons ou mauvais) sont systématiquement remplacés par des nouveaux recrutés dans le secret des cabinets ou derrière les tentures des bureaux. Dans tous les cas, l’image est désastreuse et ne fait que renforcer la coupure entre le classique et le reste de la société. Il suffit de voir les assauts répétés de certaines municipalités contre des écoles de musique (Paris, Yerre, Orléans) sans même parler de l’absence (désormais ritualisée) des représentants du sommet de l’Etat français à un concert de musique classique lors de chaque fête de la musique pour le constater.
En cet été d’une crise économique sans fin qui rabote les budgets et les portemonnaies des spectateurs, les festivals auraient dû être une parenthèse de joies et de découvertes. Las, la crise des intermittents, longue agonie d’un régime de travail pourtant unique au monde, revient se faire entendre avec son cortège d’annulations. Pourtant le débat est faussé. Limité à une analyse purement comptable et à des manifestations radicales, le « débat » élude le fait que le premier fossoyeur de ce statut essentiel à la vie des artistes réside dans les abus en tous genres, principalement dans le chef de grosses institutions de France-Télévision à Radio-France, si souvent décriées pour les carences de leur management.
Pourtant, c’est cette floraison de festivals (petits ou grands) et cet engagement des artistes (qui de plus en plus n’hésitent pas à fonder leurs propres évènements) qui permettent à la musique classique de survivre loin des querelles d’égos et des carnets de chèques institutionnels.
La réalité économique qui veut qu’on ne peut vivre éternellement à crédit va s’imposer à tous, à la musique classique comme aux autres secteurs culturels. Des révisions difficiles s’annoncent pour le monde de la musique classique tel que nous le connaissons aujourd’hui, mais elles permettront aux initiatives les plus innovantes de progressivement émerger et de trouver leur public.
La rédaction de ResMusica vous souhaite, malgré ces nuages menaçants, un bel été des festivals, et vous rappelle qu’une sélection d’entre eux est gratuitement téléchargeable dans notre guide de l’été.