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Cité de la Musique. 26-V-2014. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n°5 ; Henri Dutilleux (1916-2013) : Muss es sein? pour orchestre ; Métaboles pour orchestre ; Tout un monde lointain… concerto pour violoncelle et orchestre. Paul Dukas (1865-1935) : L’Apprenti sorcier, poème symphonique. Gautier Capuçon, violoncelle ; orchestre Les Siècles, direction : François-Xavier Roth.
La Cité de la Musique rendait un hommage à Henri Dutilleux disparu il y a tout juste un an, au fil de quatre concerts et un forum réunissant les deux grands spécialistes de la musique de Dutilleux, Pierre Gervasoni – qui prépare une monographie du Maître aux Editions Fayard – et Maxime Joos qui a consacré sa thèse et bon nombre de publications au compositeur des Métaboles.
Après David Grimal et son orchestre « Les Dissonances », c'est François-Xavier Roth et « Les Siècles » qui investissaient le plateau de la Cité de la Musique. Cet orchestre, qui joue chaque répertoire sur les instruments historiques appropriés, faisait dialoguer ce soir l'oeuvre de Dutilleux avec les grands classique du répertoire. La Symphonie n°5 du Maître de Bonn était censée répondre au Muss es sein ? d'Henri Dutilleux, une partition d'orchestre donnée en création française; sauf que c'était la Symphonie de Beethoven qui était entendue en premier avant l'inévitable changement de plateau et d'instruments.
La version très intéressante qu'en offre cet orchestre sous la conduite exigeante de François-Xavier Roth fait valoir l'énergie du son, plus que sa puissance, et le soin apporté aux articulations de la phrase mélodique. L'Allegro con brio initial avance de manière implacable, sans complaisance et dans une grande rigueur formelle. L'andante con moto fait ressortir avec beaucoup de dynamisme les contrastes des deux dimensions horizontale et verticale; l'orchestre met ici en valeur la transparence des textures et le son un peu « vert » de ses bois. L'Allegro du troisième mouvement est joué tout en finesse, dans des sonorités parfois quasi chambristes avant la fugue centrale générant une sorte de vrombissement très spectaculaire des archets sur les cordes en boyaux. L'Allegro final avec la surenchère de ses timbres (trombones, piccolo et contrebasson en sus) est une page somptueuse, très énergétique sous la conduite galvanisante de François-Xavier Roth mettant l'accent sur la projection du son et l'éclat des couleurs.
En seconde partie de concert, Les Siècles débutait l'hommage à Henri Dutilleux par cette courte page d'orchestre, Pièce sans titre (5′) sous-titrée Muss es sein? (« Cela doit-il être ») en référence à la fameuse interrogation associée au final du quatuor n°16 de Beethoven. Elle fut écrite en 2000 pour préluder « sans fanfare » à l'exécution de la « Neuvième ». D'une trajectoire assez insaisissable, l'oeuvre semble juxtaposer voire superposer différentes temporalités: celle du choral joué à plusieurs reprises par les cuivres, auquel s'associent des gestes sonores plus vifs, dans une orchestration toujours très ciselée où manque étrangement le pupitre des violons.
Suivait immédiatement l'un des chefs d'oeuvre du maître : la partition d'orchestre Métaboles écrite en 1964. Les titres des cinq mouvements enchaînés, Incantatoire, Linéaire, Obsessionnel, Torpide et Flamboyant suggèrent autant de gestes orchestraux différents, suscités par les métamorphoses d'un matériau sonore originel. L'habileté de l'orchestrateur est ici transcendée par la vision poétique qui ouvre des perspectives sonores très singulières. François-Xavier Roth nous faisait pénétrer dans cet univers très coloré et toujours mouvant, laissant apprécier la qualité des timbres de l'orchestre (Incantatoire) et la puissance évocatrice de la musique (Flamboyant) même s'il manquait ce soir un rien de fluidité et de cohésion au sein des différents pupitres pour donner à la trajectoire sa fulgurance.
La soirée culminait avec le concerto pour violoncelle Tout un monde lointain… qui invitait aux côtés de François-Xavier Roth, Gautier Capuçon. Le titre de l'oeuvre écrite pour Mstislav Rostropovitch est emprunté à un vers extrait du poème de Baudelaire « La chevelure » dont on retrouve des citations au sein des cinq mouvements du concerto. Jamais le compositeur n'aura laisser s'exprimer son imaginaire sonore avec autant d'élan visionnaire et de souffle poétique. Comme dans Métaboles, les cinq mouvements s'enchaînent, alternant différents épisodes qui modifient les rapports de l'orchestre avec le soliste. Irréprochable et toujours à l'écoute d'un orchestre ici très réactif, Gautier Capuçon cherche la fusion des timbres (Enigme), la plasticité de la ligne mélodique qu'irisent les sonorités orchestrales (Regard, Miroirs) et la précision rythmique (Hymne) au sein d'une écriture très exigeante qui, malgré la somptuosité de l'orchestre rehaussé d'un pupitre de percussions très sollicité, maintient le soliste toujours en dehors.
En bis, Gautier Capuçon évoquait le souvenir d'un autre grand violoncelliste, Pablo Casals, en jouant El cant dels ocells, une vieille chanson catalane très émouvante que l'artiste aimait jouer à la fin de ses concerts.
La soirée suffisamment riche et longue aurait ainsi pu s'achever… mais c'est L'Apprenti Sorcier de Paul Dukas qui venait ponctuer, certes très brillamment, le programme, reposant une fois encore la même question : Cela devait-il être ?
Crédits photographiques : François-Xavier Roth © www.francoisxavierroth.com
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