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Sise au milieu des immenses forêts sibériennes, la ville de Novossibirsk est la troisième de Russie en termes de population. Carrefour de transports, centre industriel majeur, haut lieu de la recherche russe et ville universitaire, Novossibirsk, capitale de la Sibérie, est également un grand centre artistique et culturel, sur la ligne du mythique Transsibérien.
C'est d'ailleurs cette facette que les autorités locales se plaisent à mettre tout en misant sur la notoriété de Vadim Repin, l'un de ses citoyens les plus célèbres. Cette année 2014, voit la première édition du, bien nommé, festival du Transsibérien, dont le violoniste Vadim Repin est le directeur artistique. Ce nouveau festival, intégralement supporté par des fonds étatiques et des initiatives locales, vise à réunir tous les arts, sur un peu de moins de deux semaines afin d'imposer Novossibirsk comme un lieu de haute culture et même de tourisme en Russie. Le festival voit d'ailleurs les choses en grand : 17 concerts en 13 jours avec près de 200 artistes dont des stars comme Kent Nagano, Valery Gergiev ou Didier Lockwood. Pour rejoindre Novossibirsk, les participants parcourent plus de 220.000 kilomètres soit près de 23 fois la distance du Transsibérien entre Moscou et son terminus de Vladivostok. Le festival est par ailleurs dédié au 90e anniversaire de la naissance du chef d'orchestre Arnold Katz, figure incontournable de la vie musicale locale, fondateur de la philharmonie, et avec lequel Vadim Repin grava son premier disque avec orchestre.
L'Orchestre philharmonique de Novossibirsk est au cœur de la programmation et pour ce concert il était sous la direction d'un chef invité Andrey Sladkovsky, actuel directeur musical à l'orchestre du Tatarstan à Kazan. On ne gardera pas un grand souvenir de sa conception des œuvres : Une nuit sur le mont chauve de Modest Moussorgski et la Symphonie n°4 de Piotr Illich Tchaïkovski. La vision se veut très « Russie à l'ancienne », c'est-à-dire assez lente et appuyée par des excès de rubato. Heureusement l'orchestre tient le choc et livre une belle prestation technique. Très attendue par le public, la grande mezzo-soprano Olga Borodina est à son affaire dans les Chants et Danses de la mort de Moussorgski (dans l'orchestration de Chostakovitch). Certes le timbre devient assez rauque, mais la chanteuse fait vivre les mots, ne sur-jouant jamais la prosodie économe d'effets. Cela reste quand même une leçon de chant et d'intelligence musicale.
Vadim Repin aime surprendre le public et il offre une soirée au violoniste Aleksey Igudesman. Bien peu connu dans les pays francophones, ce musicien versatile a abandonné un parcours tout tracé : Académie Menuhin et Conservatoire de Vienne, pour faire exploser les frontières entre les genres. Il est compositeur de musique de films, arrangeur, poète, chanteur, chef d'orchestre, et créateur de spectacles comme « The BIG nightmare music », qui fait exploser les audiences sur Youtube. Accompagné d'une flopée d'artistes de haut vol (les violonistes Vadim Repin, Michael Guttman, Rusanda Panfili et Didier Lockwood, le virtuose du « Bayan » accordéon russe Andreï Romanov, le roi de la Domra Andrei Kugaevsky et le vibraphoniste Andrei Pushkarev) ils proposent une soirée qui sort largement des sentiers battus. Si le violon est, pour cette soirée virtuose, il s'amuse et ne se prend pas aux sérieux à travers des pièces humoristiques d'Igudesman lui-même (dont une désopilante « Winter Polka », raillant les bataillons des tousseurs des concerts) ou une lecture ébouriffante de la Carmen Fantasy de Franz Waxman par Vadim Repin et l'orchestre de Novossibirsk dirigé par Aleksey Igudesman. Des invités de marque, on retenait le duo composé d'Andrei Kugaevsky et Andrei Romanov, sidérant de virtuosité dans le pourtant bien creux Souvenir d'Amérique d'Henri Vieuxtemps. Didier Lockwodd, au style pourtant éloigné des canons esthétiques du public, fut ovationné comme rarement. La soirée se clôt avec un Concerto pour 4 violons et demi, du maître de cérémonie avec un quatuor ½ : Repin, Guttman, Lockwood, Igudesman et Violetta Medvedko, une toute petite fille tenant la partie de demi-violon et un ensemble de violonistes dansantes dans la coda finale. Bien évidemment, le but est plus d'amuser que d'enrichir l'esprit, mais l'ambiance unique pour un concert classique, la participation déhanchée et décalée de l'orchestre de Novossibirsk et surtout le talent multiforme d'Aleksey Igudesman, font de cette soirée un moment, à part, mais plutôt magique.
Le public de Novossibirsk, habitué à une vie culturelle intense (la ville compte un opéra-ballet, un orchestre philharmonique et un orchestre de chambre) se montre attentif et heureux de découvrir de nouveau horizons. Cette première édition du festival est un succès dont Vadim Repin et son équipe peuvent être fiers, ils donnent de cette région de Russie, à mille lieux des clichés et des idées préconçues, un visage énergique et positif tourné vers un avenir entre Europe et Asie.
Crédit photographique : © Alexandre Ivanov / Trans-Siberian Art Festival 2014
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