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Bobigny, MC93. 29-III-2014. Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, dramma giocoso en deux actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Mise en scène : Christophe Perton ; Scénographie : Malgorzata Szczesniak et Barbara Creutz ; Costumes : Aude Désignaux ; Lumières : Dominique Borrini. Avec : Michał Partyka, Don Giovanni ; Pietro Di Bianco, Leporello ; Olga Seliverstova, Donna Anna ; Oleksiy Palchykov, Don Ottavio ; Andreea Soare, Donna Elvira ; Ugo Rabec, il Commendatore ; Adriana Gonzalez, Zerlina ; Damien Pass, Masetto. Membres de l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris. Orchestre-atelier Ostinato, direction : Alexandre Myrat
Il est devenu difficile pour de dépoussiérer l' »opéra des opéras », certainement davantage encore depuis que les scénographies contemporaines acceptent de moderniser le mythe afin de lui trouver une résonance socio-politique. De ce point de vue, Michael Haneke a frappé très fort avec une mise en scène redoutablement efficace et radicale.
Cette vision brutale et sévère des rapports de prédation sexuelle se retrouve dans le travail de Christophe Perton qui, loin de donner de l'ouvrage une interprétation édulcorée et donneuse de leçon, préfère contraindre le spectateur à envisager la chose comme serioso et non giocoso.
Le livret de Da Ponte gagne nettement en vigueur dans ce traitement radical qui privilégie l'action aux atermoiements des enchaînements. L'une des clés consiste à imposer un décor unique comme pour mieux contraindre l'imagination à ne pas vagabonder du côté de la machinerie ou des changements de scènes. On perçoit d'emblée avec quelle économie de moyen se dérouleront les scènes fantastiques, et personne ne s'indignera de ne pas voir une entrée de Don Giovanni aux enfers digne de Gustave Doré… Certains éléments assez frustres se font (bruyamment) percevoir ; tels ces escaliers métalliques, ces portes ou ces trappes qui, d'un côté de la scène comme de l'autre, ne cessent de s'ouvrir et de se fermer.
L'inclusion de l'imaginaire, c'est le continuiste grimé en Mozart et présent en fond de scène d'un bout à l'autre de l'ouvrage. Facétieusement, Christophe Perton glisse la Marche turque juste avant l'ouverture et dissémine çà et là des improvisations en forme d'adresses au public et qui permettent de soutenir efficacement l'attention.
La froideur du lieu jure avec la fantasmagorie des ébats, comme si l'érotisme déliquescent et pathologique se heurtait à la laideur volontaire du contexte. Rien de moins métaphysique que cette porte de garage derrière laquelle on danse en silence un sinistre bal masqué ou encore ces mannequins de celluloïd exhibant une morne pornographie sous verre. La hantise de la mort se mêle en filigrane aux références concernant aussi bien le Commandeur… que le commanditaire du Requiem. Ces allusions à la biographie de Mozart permettent à la scénographie de tenir sur deux plans à la fois distincts et s'imbriquant parfaitement.
Pas de grand Don Giovanni sans interprètes à la hauteur de l'enjeu. Force est de constater que les membres de l'Atelier lyrique sont des protagonistes parfaitement adaptés à l'enjeu. Dans le cast retenu ce soir-là, on notera que Michał Partyka est un Don Giovanni à l'émission très mate, ce qui pourra laisser en chemin des auditeurs recherchant davantage un héros méchant homme éclatant de vilenie et de stupre. Son Leporello est brillamment interprété par le baryton Pietro Di Bianco – une indéniable présence en scène et une caractérisation qui sait ne pas aller trop loin dans la truculence inutile. Andreea Soare est une Donna Elvira émouvante, avec un soin tout particulier accordé à la justesse des intonations et aux qualités de vibrato. Olga Seliverstova (Donna Anna) séduit dans un rôle plein de chausse-trappes. Son Non di mir est stratosphériquement correct, sans présumer de ses forces, ce qui lui permet de briller d'un bel éclat naturel. A ses côtés, le Don ottavio d'Oleksiy Palchykov est une intéressante alternative aux éternels niais dont le rôle fait une consommation massive. Le couple Masetto-Zerlina tourne à l'avantage de Damien Pass, assurément plus à l'aise qu'Adriana Gonzalez dans l'art difficile d'exprimer le changement d'attitudes, aux prises avec les retournements de situations. Les seules réserves iront au Commandeur d'Ugo Rabec, au timbre assez terne et court de projection. Dans la fosse, le perfectible orchestre – atelier Ostinato peine à sublimer une œuvre parfois difficile à dominer, surtout dans le vaste et bruyant espace de la MC93 de Bobigny. Alexandre Myrat impose une battue loin des urgences et des tempi suicidaires. On s'étonne de retrouver çà et là des alanguissements qui sont autant d'incises « à l'ancienne » dans une toile brossée très classiquement dans ses grandes largeurs.
Crédit photographique : Michał Partyka (Don Giovanni), Pietro Di Bianco (Leporello), Andreea Soare (Donna Elvira) © Cosimo Marco Magliocca / Opéra national de Paris
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Bobigny, MC93. 29-III-2014. Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, dramma giocoso en deux actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Mise en scène : Christophe Perton ; Scénographie : Malgorzata Szczesniak et Barbara Creutz ; Costumes : Aude Désignaux ; Lumières : Dominique Borrini. Avec : Michał Partyka, Don Giovanni ; Pietro Di Bianco, Leporello ; Olga Seliverstova, Donna Anna ; Oleksiy Palchykov, Don Ottavio ; Andreea Soare, Donna Elvira ; Ugo Rabec, il Commendatore ; Adriana Gonzalez, Zerlina ; Damien Pass, Masetto. Membres de l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris. Orchestre-atelier Ostinato, direction : Alexandre Myrat