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Président du réseau « Futurs composés », Benoît Tiberghien nous présente l'action « Bien entendu », du 13 mars au 13 avril, et nous parle des enjeux de la création musicale.
« Quand une vraie dynamique collaborative se passe […] un public nouveau se forme, avec une vraie curiosité »
ResMusica : « Bien entendu » est un festival sans être un festival. Comment le définiriez-vous ?
Benoît Tiberghien : « Bien entendu » est un balayage sur un mois, sur tout le territoire national, de tout ce que les membres de « Futurs composés » organisent. C'est une mise en perspective de l'ensemble des actions menées, une façon de témoigner de l'importance, de la diversité et du déploiement géographique de la création contemporaine. Ce n'est pas un festival strico-sensu mais une compilation de tout ce qui se fait en France, donc 250 projets, rendez-vous, spectacles, créations…
RM : Quel est le message que vous voulez faire passer ?
BT : Que la création musicale contemporaine au sens large, considérée comme réservée à un petit milieu, est au contrairement extrêmement vivante, active, diversifiée et beaucoup plus qu'on ne le pense. La création est partout, dans les conservatoires, dans les espaces publics, elle suscite des débats. Il faut combattre cette image d'une musique contemporaine élitiste et confidentielle.
RM : Ces 250 événements sont-ils équitablement répartis en France ?
BT : La répartition des événements de « Bien entendu » reflète la répartition de la population. L'Ile-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'azur sont les mieux représentées. S'il y a des déséquilibres d'une région à l'autre, les membres du réseau « Futurs composés » sont présent partout en France, dans toutes les régions, à divers degrés. Paris ne concentre pas tout.
RM : « Bien entendu » sera en pleine période électorale. Un but recherché ?
BT : Les collectivités territoriales, surtout les communes et agglomérations, montent en puissance. La création musicale ne peut exister sans l'aide publique, c'est l'autre message que nous voulons faire entendre. C'est une garantie de la diversité musicale. C'est valable pour toutes les disciplines du spectacle vivant. Si la création n'est plus soutenue, la culture ne se renouvelle pas et se fossilise.
RM : Comment expliqueriez-vous la frilosité des programmateurs – et non des moindres – face à la musique contemporaine ?
BT : Toutes les grandes institutions ne sont pas fileuses. L'Opéra national de Lyon, le Festival d'Aix ou le plus modeste Opéra de Limoges prennent souvent des risques en proposant des créations. Mais effectivement on pourrait s'attendre à ce que toutes ces institutions, opéras et orchestres symphoniques largement soutenus par la puissance publique, jouent un rôle majeur dans le renouvellement du répertoire. La création vient quand même surtout de collectifs et d'ensembles en dehors des grands circuits au départ. C'est cette liberté et cette souplesse qui permet une dynamique de création plus intense.
RM : Certes, mais ces ensembles peinent à ouvrir les portes ne serait-ce que des scènes nationales ou conventionnées, qui ont aussi pour but la création musicale « savante ».
BT : Effectivement ces scènes sont relativement peu intéressées par la création contemporaine car ça ne remplit pas les salles. Leur cahier des charges est souple mais on leur demande de faire du chiffre. Aujourd'hui encore plus qu'avant cette frilosité est palpable. Le public ne suit plus, on est entré dans une ère de consumérisme. Le public devient une audience. Un directeur de scène qui n'arrive pas à fidéliser une audience sur la musique contemporaine finit par se rabattre sur un répertoire plus convenu. Ce sont dans les festivals que se font l'essentiel des créations maintenant, des prises de risques qui sont loin d'être négligeables. C'est devenu une part importante, voire essentielle, de la diffusion des ensembles spécialisés.
RM : Cette baisse des prises de risques des programmateurs n'est-elle pas en lien avec la baisse des subventions ?
BT : Les politiques publiques des collectivités pour la culture visent plus à combler une offre qu'à créer une demande. Les directeurs de scène sont entre le marteau et l'enclume : l'ambition artistique, le désir du public, les exigences des collectivités. La création en pâtit.
RM : Quelles solutions alors ?
BT : Il faut trouver d'autres biais, de nouvelles synergies avec les structures d'enseignement, spécialisé ou non. L'accueil simple d'un concert de musique contemporaine est voué à l'échec, c'est une réalité. En revanche quand un artiste ou un ensemble est en résidence, quand il y a une action culturelle ou pédagogique menée en amont, quand une vraie dynamique collaborative se passe entre les équipes artistiques, administratives et pédagogiques, un public nouveau se forme, avec une vraie curiosité. Cette alchimie, quand elle fonctionne bien, donne des résultats passionnants et satisfaisants à tous niveaux. Il ne faut pas réfléchir en offre mais en dynamique participative. Tous les membres de « Futurs composés » sont dans cette dynamique. Quand tous les ingrédients sont réunis, la mayonnaise prend.
RM : Au-delà de « Bien entendu » quelle sont les missions de « Futurs composés » ?
BT : « Futurs composés » est la réunion de deux réseaux existants autour de la musique contemporaine, « Futurs composés Ile-de-France » et « Le Living ». Mais il n'y avait pas de réseau national assez fort pour faire entendre la voix de la création musicale contemporaine, comme la ROF pour l'opéra, l'AFO pour les orchestres, France Festivals pour les festivals, etc. « Futurs composés » réunit la plupart des ensembles spécialisés, des compagnies de théâtre musical, des collectifs de musiques improvisées et les associations travaillant sur les arts sonores. On est dans une grande diversification des approches, musique écrite, musique improvisée, musique électronique. « Futurs composés » a été créé e 2009, le nombre d'adhérent a doublé en presque cinq ans.
RM : Concrètement quelles sont vos actions ?
BT : Créer des liens entre les ensembles, surtout quand ceux-ci sont isolés. Pour ça on organise des rencontres, des débats, des symposiums, à Paris comme en région, des temps forts pendant lesquels les membres se rencontrent et échangent. Un deuxième objectif est d'organiser la profession, mutualiser les informations qui peuvent intéresser les membres : politiques publiques, directives européennes, sources de financements, actions de formation, … Le troisième objectif est de représenter les membres collectivement auprès des instances de discussion, le Ministère de la Culture en premier lieu.
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