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Salle Gaveau. 31-I-2014. Franz Schubert (1797-1828): Impromptu op.90 en ut mineur D899; « Wanderer » – Fantaisie en ut majeur op.15 D760; Franz Liszt (1811-1886): Le mal du pays; La Vallée d’Obermann, extraits des Années de Pèlerinage, première année: Suisse; Sonetto 123 del Petrarca; Après une lecture de Dante, Fantaisie quasi sonata, extraits des Années de Pèlerinage, deuxième année: Italie. Denis Pascal, piano.
Pour son récital à Gaveau, un rendez-vous désormais annuel que Denis Pascal donne à son public, toujours nombreux et fervent, le pianiste avait choisi le thème porteur du Wanderer (le voyageur), emblématique de la quête éperdue de l'artiste romantique en mal d'idéal et d'absolu.
Le « Wanderer », c'est d'abord un Lied que Schubert écrit en 1816 dont le thème ressurgit au coeur de la Wanderer-Fantaisie (composée six ans plus tard) qui figurait dans la première partie du programme. L'autre grand voyageur, qui a, quant à lui, sillonné le monde jusqu'en 1848 avant de se fixer à Weimar, est évidemment Franz Liszt qui fixe sur le papier à musique, dès 1834, ses « sensations les plus fortes » dans un premier recueil L'Album d'un voyageur.
Certaines des pièces, comme Mal du pays, se retrouveront, révisées ou réécrites dans l'ouvrage-somme pour le piano que sont les trois cahiers des Années de pèlerinage. Denis Pascal y puisait le propos de la deuxième partie du concert. Les extraits du Premier cahier (Suisse), Le mal du Pays précédant La Vallée d'Obermann, inspirée d'un roman épistolaire de Sénancour, sont des voyages intérieurs où la nature totalement habitée par le moi romantique est prétexte à une méditation métaphysique. Dans les deux pièces du second Cahier (Italie), Sonetto 123 del Petrarca et Après une lecture de Dante qui terminaient le récital, Liszt traduit son exaltation à la découverte de la littérature italienne qui nourrit ici une réflexion sur l'amour et la mort.
Denis Pascal nous invitait au voyage avec le très bel Impromptu op.90 en ut mineur de Schubert qui débutait le concert; la pièce construite comme un premier mouvement de sonate est écrite en 1828, l'année de la mort du compositeur; l'interprète en souligne le cheminement dramatique dans une sonorité légèrement ombrée et une admirable fluidité du discours dont il varie les éclairages avec beaucoup de subtilité. L'enchaînement avec la Fantaisie était saisissant. L'oeuvre magistrale, dont s'inspirera Liszt dans sa Sonate en si mineur, juxtapose dans un flux continu les quatre mouvements de la sonate romantique et fait converger toutes les forces en présence dans un fugato final très impressionnant. Denis Pascal sidère par la puissance qu'il déploie dans un premier mouvement énergétique et sonore où le son est toujours librement projeté et la ligne admirablement chantée. Après l'épisode lent d'une grande intériorité et si émouvant dans l'épisode central, à la faveur du toucher sensible et poétique d'un pianiste totalement habité, la résurgence du thème originel dans le scherzo est une première étape dans la montée en puissance ménagée par l'interprète vers le surgissement du thème mué en sujet de fugue. La péroraison est somptueuse, dans un contexte sonore flamboyant et éminemment contrôlé par le pianiste qui donne la mesure de cette architecture éblouissante.
Mal du siècle de Liszt introduisait tout en douceur et en mélancolie infinie la seconde partie, Denis Pascal faisant sonner tous les registres du clavier avec autant de charme que d'élégance. Moins rigoureuse dans sa construction que la Fantaisie de Schubert et plus sinueuse – mais l'errance est la vraie richesse de la pièce – La Vallée d'Obermann est un des chefs d'oeuvre du premier Cahier des Années de pèlerinage. Sous les doigts de Denis Pascal, elle offrait des instants sublimes, d'une vocalité très expressive ou d'une exaltation virtuose donnant lieu à des déferlements sonores somptueux.
Le séducteur et très célèbre Soneto 123 del Petrarca, joué avec beaucoup de sensualité, précédait la diabolique « fantaisie » Après une lecture de Dante, dernier sursaut d'énergie, et non des moindres, qu'assumait notre interprète avec une rare endurance. L'oeuvre réclame puissance et virtuosité, brillance et vision formelle: autant de qualités que déployait ce soir notre pianiste servant ici, avec un panache et une sonorité quasi orchestrale, tous les ressorts d'une imagination que Liszt sollicite ici jusqu'à l'excès.
Quatre bis, plus courts, certes – Chopin, Debussy, Bach et Scriabine – ajoutaient quelques belles images à cet « album du voyageur » que Denis Pascal avait ce soir composé pour son récital.
Crédit photographique : © http://denispascal.com/fr
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Salle Gaveau. 31-I-2014. Franz Schubert (1797-1828): Impromptu op.90 en ut mineur D899; « Wanderer » – Fantaisie en ut majeur op.15 D760; Franz Liszt (1811-1886): Le mal du pays; La Vallée d’Obermann, extraits des Années de Pèlerinage, première année: Suisse; Sonetto 123 del Petrarca; Après une lecture de Dante, Fantaisie quasi sonata, extraits des Années de Pèlerinage, deuxième année: Italie. Denis Pascal, piano.