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Paris, Opéra-Bastille. Giacomo Puccini (1858-1924) : La Fanciulla del West, opéra en trois actes sur un livret de Guelfo Civinini et Carlo Zangarini. Mise en scène : Nikolaus Lehnhoff. Décors : Raimund Bauer. Costumes : Andrea Schmidt-Futterer. Lumières : Duane Schuler. Vidéo : Jonas Gerberding. Chorégraphie : Denni Sayers. Avec : Nina Stemme, Minnie ; Claudio Sgura, Jack Rance ; Marco Berti, Dick Johnson / Ramerrez ; Roman Sadnik, Nick ; Andrea Mastroni, Ashby ; André Heyboer, Sonora ; Emanuele Giannino, Trin ; Roberto Accurso, Sid ; Igor Gnidii, Bello ; Eric Huchet, Harry ; Rodolphe Briand, Joe ; Enrico Marabelli, Happy ; Wenwei Zhang, Larkens ; Ugo Rabec, Billy Jackrabbitt ; Anna Pennisi, Wowkle ; Alexandre Duhamel, Jake Wallace ; Matteo Peirone, Jose Castro ; Olividr Berg, il postiglione. Choeur et Orchestre de l’Opéra national de Paris (chef de choeur : Patrick Marie Aubert), direction : Carlo Rizzi
Quand l'Opéra national de Paris décide d'acheter une production au Nederlandse Opera d'Amsterdam, scène connue pour sa qualité, il faut que ce soit la plus mauvaise. Le Regietheater à l'allemande a aussi ses seconds couteaux et ses maîtres à bout de souffle.
Nikolaus Lehnhoff, dans La Fanciulla del West de Puccini, a voulu dénoncer l'argent roi et la décadence de l'Amérique triomphante. Les mineurs du Far West à la recherche d'or deviennent des blousons noirs des années 50 du New York underground, avec une dégaine oscillant entre Dick Rivers et Eddie Mitchell dans leurs plus belles années. Minnie tient un bar / casino clandestin. Au deuxième acte la maison de Minnie est la chambre (enfin la caravane) d'une enfant attardée, toute en rose bonbon sucé et en peluches, avec vierge éclairée et deux bambis géants sur les cotés, dont les yeux brillent quand les amants s'embrassent. Quant à l'acte III, la casse de voitures (des berlines des années 50 toujours) représente le déclin. Les voitures s'écartent, laissant place à un escalier de lumières que Minnie, vêtue en star hollywoodienne, descend puis remonte avec Dick / Ramerrez, qui a troqué sa tenue de texan en smoking, pendant qu'en fond de scène le lion de la Metro Goldwyn Mayer rugit et qu'une pluie de dollars tombe. Traduction pour le public non averti : les amants vont vers un avenir factice fait de paillettes pendant que les « méchants » continuent à vénérer le Dieu Dollar. D'ailleurs Rance enlace le coffre-fort, élément central du décors en premier plan, lors du baisser de rideau. Tout cela est maladroit, mal réglé (les mouvements de foule sont très brouillons dans l'acte I), lourdingue et provoque des effets comiques involontaires, tel le chansonnier au début vêtu en Elvis Presley ou Dick tel Tarzan suspendu en l'air à sa corde de pendu quand les voitures s'écartent. Franche rigolade du public à plusieurs moments, et des huées méritées au rideau final.
Il est vrai que La Fanciulla est un ovni dans l'univers puccinien. La trame est simpliste et assez peu crédible : Minnie est la seule femme dans un univers d'hommes brutaux et aucun d'entre eux ne l'a touchée. Telle un ange, elle apporte la rédemption à chacun. Un défi pour un metteur en scène, que seule une lecture à la lettre peut justifier – d'autant qu'un siècle après la création de l'ouvrage, entre les westerns, La Ruée vers l'or de Chaplin et Lucky Luke on sait cet univers du Far West assez fantasmé. L'oeuvre en elle-même, avec ses emprunts au folklore américain, ses harmonies modernes pour l'époque et son orchestration acérée, est très marquée par le lieu de l'action. Le public d'Amsterdam a réservé un triomphe à cette production. Mais ce public ne subit pas depuis cinq ans des saisons presque exclusivement romantiques et italiennes dans des mises en scène navrantes. A Paris la lassitude a gagné les spectateurs.
Les huées ont aussi, dans une moindre mesure, concerné le chef d'orchestre. Mode parisienne ? Il faudrait qu'elle cesse : Carlo Rizzi est dans son élément, soulève à bras le corps l'orchestre et fait briller la partition la plus aboutie de son compositeur – avec Turandot. Attentif aux voix, il sait trouver un juste équilibre entre le soutien aux chanteurs et une écriture quasi-symphonique. Les couleurs sont dosées avec soin, les plans sonores finement mis en valeur, Puccini ayant su – avec génie – compenser la faiblesse dramatique du livret (surtout à l'acte I) par une création d'ambiances sonores très suggestives. Ce soir nous étions loin des chefs routiniers usuellement programmés dans ce répertoire.
La Fanciulla n'est pas qu'un casse-tête pour les metteurs en scène et les chefs, mais aussi pour les chanteurs. Les formats vocaux de Minnie et Jack Rance, essentiellement dans le medium-grave, sont quasiment wagnériens. Nina Stemme, une des rares à tenir le rôle de La Fanciulla, accuse un vibrato excessif mais tient l'opéra de bout en bout sans le moindre signe de faiblesse, avec des aigus souverains. Claudio Sgura se sort comme il peut, c'est à dire avec professionnalisme et panache, d'une tessiture trop grave pour lui, engorgeant sa voix dans certains passages. Marco Berti, qui n'est pas avare en décibels, chante banalement et n'est pas exempt de vulgarités : coups de glottes, attaques par en dessous, sanglots, tous les tics pseudo-véristes sont présents, sans parler du regard éternellement fixé sur le chef d'orchestre et d'aigus mal négociés. L'ensemble des comprimarii est bien tenu avec en particulier Roman Sadnik (Nick), Andrea Martoni (Ashby), Eric Huchet (Harry), André Heyboer (Sonora), Ugo Rabec (Bill) et Anna Penisi, unique autre rôle féminin (Wowkle). Le choeur, exclusivement masculin, se surpasse dans cette partition, d'autant que les ensembles se font parfois complexes – une réussite à accorder une fois encore à Patrick Marie Aubert.
La Fanciulla del West fait son entrée au répertoire de l'Opéra national de Paris. Il était temps. Mais pourquoi dans ces conditions ? La récente production du Staatsoper de Vienne (diffusée sur Arte) prouve, avec la mise en scène de Marco Arturo Maurelli, que le respect du texte ne prive pas du génie théâtral.
Crédit photographique : Claudio Sgura (Rance) et Nina Stemme (Minnie) © Opéra national de Paris / Charles Duprat
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Paris, Opéra-Bastille. Giacomo Puccini (1858-1924) : La Fanciulla del West, opéra en trois actes sur un livret de Guelfo Civinini et Carlo Zangarini. Mise en scène : Nikolaus Lehnhoff. Décors : Raimund Bauer. Costumes : Andrea Schmidt-Futterer. Lumières : Duane Schuler. Vidéo : Jonas Gerberding. Chorégraphie : Denni Sayers. Avec : Nina Stemme, Minnie ; Claudio Sgura, Jack Rance ; Marco Berti, Dick Johnson / Ramerrez ; Roman Sadnik, Nick ; Andrea Mastroni, Ashby ; André Heyboer, Sonora ; Emanuele Giannino, Trin ; Roberto Accurso, Sid ; Igor Gnidii, Bello ; Eric Huchet, Harry ; Rodolphe Briand, Joe ; Enrico Marabelli, Happy ; Wenwei Zhang, Larkens ; Ugo Rabec, Billy Jackrabbitt ; Anna Pennisi, Wowkle ; Alexandre Duhamel, Jake Wallace ; Matteo Peirone, Jose Castro ; Olividr Berg, il postiglione. Choeur et Orchestre de l’Opéra national de Paris (chef de choeur : Patrick Marie Aubert), direction : Carlo Rizzi