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Philip Glass (né en 1937) : Concert of the sixth sun. Avec : Roberto Morillo Cocio : guitare ; Daniel Medina de la Rosa : violon et chant ; Philip Glass : piano. 1 CD Orange Mountain Music n°0090. Code-barre : 8 01837 00902 6. Livret en anglais avec photos couleurs. Durée : 39’25.
The Raybeats, The lost Philip Glass sessions. Avec : Don Christensen, batterie, percussion, voix ; Jody Harris, guitare, voix ; Pat Irwin, guitare, claviers, basse, saxophone, voix ; Philip Glass, claviers ; Michael Riesman, claviers ; Dora Ohrenstein, voix ; Danny Amis, guitare, basse ; Gene Holder, basse ; Bobby Albertson, bass. 1 CD Orange Mountain Music n°7008. Code-barre : 8 01837 70082. Livret en anglais avec photos couleurs. Durée : 25’52.

 
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glass_sixth_sun a toujours pratiqué le transgenre musical. Il faut remonter à l'orée des années 60 pour confondre les deux coupables, les deux responsables d'une attitude qui n'a rien à voir avec de l'opportunisme mais bien plutôt avec un sincère désir d'écoute des autres, et rappeler qu'au sortir de la Juilliard School, diplôme en main, le jeune a vécu deux rencontres majeures qui l'ont aiguillé sur d'autres voies que celles du sérialisme auxquelles tout jeune compositeur était logiquement promis (on ne dira pas condamné) : la française Nadia Boulanger dont il dit qu'elle lui a appris à « donner toutes ses émotions » et surtout l'Indien Ravi Shankar qui l'a enjoint à franchir allégrement toutes les frontières musicales.

Aujourd'hui, Glass, bien qu'auréolé de succès dans le monde de la symphonie (déjà 10 au compteur !), de l'opéra (son récent et 25ème opus dans ce domaine The perfect american créé à Madrid en avril dernier), n'a pas renié les leçons de son maître indien (avec qui il a enregistré en 1990 un beau disque à 4 mains, le bien-nommé Passages). Il reste cet être très humain toujours passionné par ses semblables, désireux de comprendre ce que la musique est vraiment, comme en témoigne deux récentes parutions chez Orange Mountain Music venant rappeler, si besoin était, qu'il n'a pas définitivement basculé du côté des ors du monde de la musique dite classique.

Devenu, à 76 ans, un compositeur mondialement fêté (privilège rare dans l'histoire de la musique !) et enfin reconnu par une critique qui ne lui a pas ménagé sa condescendance, ne se contente pas de rester sur le piédestal sur lequel il pourrait enfin souffler les bougies de ses 50 années de carrière.

Ainsi, en décembre 2012, il se trouvait, non au Metropolitain, mais au Centre Culturel de Real de Catorce, en plein Mexique, pour ce Concert of the sixth sun. À l'invitation de Victor Sanchez, auteur et chercheur, qui a consacré sa vie aux connexions existant entre l'esprit du monde indigène et l'âme des habitants des grandes villes, le New Yorkais fait dialoguer son unique clavier avec la guitare de Roberto Carillo Cocio, le violon et la voix de Daniel Medina de la Rosa, tous deux musiciens Wixarica. Rappelons que les Wixarica sont une des nombreuses peuplades indigènes qui habitent encore Mexico. Leur titre de gloire est d'être parvenus, cinq siècles durant, à résister au joug des diverses religions anthropomorphiques venues d'Europe, privilégiant au contraire leur propre chemin spirituel basé sur le principe que les forces de la nature sont la face visible du Grand Esprit qui sous-tend tout ce qui existe.

Le matériau musical est très ténu dans cette « symphonie incantatoire » à trois plus  propice à l'expérience chamanique qu'à l'analyse musicale. Le piano de Glass est d'une humilité qui confine à l'évanescence. Des quatre mouvements seul le troisième, l'instrumental Hiruki, engendre une vraie envie de réécoute. Les trois autres, Deer Flowers, Wise Men et Falling Rocks sont des pièces vocales totalement répétitives : sur une base de quelques accords installés par la guitare et le clavier, violon puis chanteur énoncent à l'envi les mêmes structures obsédantes (le livret n'offre hélas aucune traduction des textes chantés). Même si « cette musique issue de territoires isolés, au plan géographique mais aussi au plan de l'âme, est censée toucher au cœur », nous dit-on dans le livret, force nous est de reconnaître que l'on est loin de l'inspiration grandiose de l'inusable Koyaanisqatsi (bâti sur des prophécies Hopi), et, dans une moindre mesure de la Symphonie n°7, dite Toltec Symphony, elles aussi issue de questionnements autour de la philosophie des Toltèques, ancêtres des Aztèques. Loin aussi de l'expérience brésilienne Uakti de 1999, dont un très beau disque paru chez Philips a gardé la trace.

glass_raybeatsHumilité plus grande encore de Glass sur le deuxième disque intitulé The Raybeats- The lost Philip Glass sessions. Les Raybeats sont un groupe neo rock issu en 1979 de la Low wawe de l'East Side new yorkais. Des quatre musiciens qui le composent, on trouve, dès l'origine, Don Christensen à la batterie. Don Christensen est devenu depuis avec Michael Riesman un fidèle allié de la cause glassienne et même producteur de bon nombre de disques du compositeur américain.

Cet enregistement date de juin 82. À cette époque Philip Glass, entre la claque Einstein on the beach et son chef-d'œuvre Akhnaten, commençait à acquérir enfin une audience internationale. New York était aussi cette ville où tout pouvait arriver au plan de la création artistique : explorations tous azimuts au moyen d'un mélange sans complexes de tous les arts… C'est dans cette mouvance (qui atteint aussi l'Europe où le tandem Boulez-Zappa fait trembler les chapelles) que l'art de Glass se colleta à de fructueuses rencontres : sa trilogie symphonique Low, Easter et Heroes, sur des thèmes de  David Bowie vient de là, mais aussi sa collaboration avec ces Raybeats le 4 juin 1982.

Enregistré un an avant la sortie mondiale chez CBS de Satyagraha, son opéra sur Gandhi, le disque inédit de moins de 30 minutes qui nous parvient trente ans plus tard, effectue le grand écart : sur les six pièces présentées, Glass n'est crédité que sur l'écriture de trois d'entre elles et il n'y a guère que sur la première, Black Beach, que l'on reconnaît la patte des arpèges qui ont longtemps été son unique signature. Les cinq autres morceaux oscillent entre des fragrances nostalgiques fin sixties (le riff de guitare du n° 5 louche vers la chanson pop entendue dans le Théorème de Pasolini) et une manière de bande-son idéale pour le prochain Tarantino. Une énergie littéralement adolescente se dégage le plus souvent de l'ensemble. Seules deux pièces sont vocales : And I do just what I want et Pack of camels. Aux quatre musiciens originels se sont ajoutés, outre Philip Glass, cinq autres comparses, parmi lesquels des noms plus familiers du monde glassien : le clavier de  Michael Riesman, la voix de Dora Ohrenstein.

Sur ces deux disques, l'attitude très en retrait du père de la musique répétitive, dans une volonté tout empathique de laisser la place à l'autre, apparaîtra tout de même à tous ses admirateurs un brin « minimaliste.» Philip Glass semble de fait revenir ici à ses fondamentaux, à l'ascétisme mélodique de ses débuts. Curieusement, passée la stupeur de la première écoute, le charme finit par agir, un peu comme il a fini par le faire à l'époque qui a suivi la sidération des premiers opus des seventies : Music in twelves parts ou Music with changing parts.

On l'aura compris : rien à voir, au fil de ces deux parutions, avec les grands chefs-d'œuvre du maître. Et même si, en cette période que l'on dit critique, Glass fait partie de ceux qui ne connaissent pas la crise du disque, les amateurs de ce compositeur majeur de notre temps déploreront qu'Orange Mountain Music n'ait pas plutôt eu l'envie de proposer, en lieu et place de ces curiosités semblant réservées aux seuls happy fews, les intégrales encore manquantes et très attendues de certains opéras comme La chute de la maison Usher ou Appomattox, son opéra sur la guerre de sécession.

Une stratégie pour exacerber le désir ?

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