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Bordeaux, Grand-Théâtre. 24-XI-2013. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Otello, opéra en quatre actes sur un livret d’Arrigo Boito. Mise en scène : Gabriele Rech ; décors : Dieter Richter ; costumes : Gabriele Heimann ; lumières : Thomas Shlegel. Avec : Carlo Ventre, Otello ; Leah Crocetto, Desdemona ; Laurent Naouri, Iago ; Svetlana Lifar, Emilia ; Benjamin Bernheim, Cassio ; Xin Wang, Roderigo ; Mischa Schelomianski, Lodovico ; David Ortega, Montano ; Davide Ronzoni, un araldo. Jeune Académie vocale d’Aquitaine (chef de choeur : Marie Chavanel), Choeur de l’Opéra national de Bordeaux (chef de choeur : Alexander Martin), Orchestre national Bordeaux-Aquitaine, direction musicale : Julia Jones
Otello en Abominable Hulk, il fallait oser. La metteure en scène Gabriele Rech l'a fait : de blanc vêtu et sourire « ultra-bright » au premier acte, le Maure de Venise se retrouve intégralement noir (habits et peau) à partir de la fin de l'acte III lors de sa scène de folie (et la diffusion de son visage en grand écran en fond de scène n'arrange rien).
Le reste est à l'avenant : un Lion de Venise, un mur-digue en métal rouillé et un intérieur vaguement palladien figurent la Sérénissime. Les chanteurs sont vêtus de costumes allant du début du siècle aux années 70, deux prostituées courtement vêtues de cuir noir accompagnent Iago, les premiers rôles ont des tenues militaires rappelant à peu près l'armée mussolinienne, sans parler de la chemise noire finale d'Otello… Le propos finit par devenir un peu grossier, certes Otello est appelé « Duce » dans l'opéra, c'est oublier que ce terme a existé bien avant Mussolini puisqu'il vient du latin « Dux », chef, guide, meneur d'homme. Gabriele Rech fait aussi parfois figurer les personnages principaux dans le public ou via les loges d'avant-scène, un moyen certes éculé mais indispensable compte-tenu de l'étroitesse du plateau du Grand-Théâtre.
Si la lecture de l'oeuvre peut agacer – mais elle ne gêne en rien la musique, ce qui est à souligner – la direction d'acteurs est en revanche exemplaire, et les chanteurs y répondent avec plus ou moins de bonheur. Laurent Naouri n'a pas tout à fait l'italianità nécessaire pour le rôle de Iago qu'il interprétait pour la première fois, les aigus sont un peu coincés, il campe néanmoins un personnage crédible, possède le bagage technique pour défier les nombreuses difficultés de la partition et se taille nécessairement une belle part d'applaudissements au final. L'ensemble des seconds rôles est très bien tenu par des chanteurs de premier plan, dont Benjamin Bernheim (Cassio), ténor lyrique qu'on a hâte d'entendre dans des rôles plus conséquents.
Les deux premiers rôles sont en revanche surprenants. Leah Crocetto – déjà entendue lors du concert d'ouverture de l'ONF – est une soprano comme on n'en fait plus : voix à la fois angélique et puissante, idéale pour Desdemona, dans un physique de Mrs Quickly. Carlo Ventre s'impose aujourd'hui comme le fort ténor italien spécialiste des rôles véristes et d'Otello. Certes la partition est connue parfaitement, mais interprétée d'un bloc d'airain, sans vraiment de nuances. De plus sa tendance à attaquer par en bas fait qu'il chante systématiquement en dessous. Enfin les deux sont d'assez piètres acteurs.
Dans la fosse, Julia Jones (que très logiquement le Primo Uomo vient chercher pour les saluts) renouvelle le miracle de Madame Butterfly : sonorité d'orchestre brillante, mise en place au cordeau, respect des plans sonores et des voix, valorisation de l'instrumentation – géniale – du dernier Verdi et bien sûr tout cela respire et chante. L'Orchestre national de Bordeaux donne ici le meilleur de lui-même. La Jeune Académie vocal d'Aquitaine dans sa courte intervention ne démérite pas. Quant au Choeur de l'Opéra national de Bordeaux, dont les interventions sont nombreuses dans Otello, il ne fait que confirmer une impression maintes fois relevée, celle d'une qualité exemplaire. Une production qu'on peut voir en plus d'écouter et qui malgré ses quelques défauts scéniques (et faute d'avoir sur le marché de meilleurs ténors pour tenir le rôle principal) prouve encore que la scène bordelaise est un des premiers théâtres d'opéra de France.
Crédit photographique : Carlo Ventre (Otello) ; Leah Crocetto (Desdemona, premier plan) et Laurent Naouri (Iago, second plan à droite) © Guillaume Bonnaud
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Bordeaux, Grand-Théâtre. 24-XI-2013. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Otello, opéra en quatre actes sur un livret d’Arrigo Boito. Mise en scène : Gabriele Rech ; décors : Dieter Richter ; costumes : Gabriele Heimann ; lumières : Thomas Shlegel. Avec : Carlo Ventre, Otello ; Leah Crocetto, Desdemona ; Laurent Naouri, Iago ; Svetlana Lifar, Emilia ; Benjamin Bernheim, Cassio ; Xin Wang, Roderigo ; Mischa Schelomianski, Lodovico ; David Ortega, Montano ; Davide Ronzoni, un araldo. Jeune Académie vocale d’Aquitaine (chef de choeur : Marie Chavanel), Choeur de l’Opéra national de Bordeaux (chef de choeur : Alexander Martin), Orchestre national Bordeaux-Aquitaine, direction musicale : Julia Jones
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