Chopin plus humain sous les doigts de Jean-Philippe Collard
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Frédéric Chopin (1810-1849) : Préludes op.28 ; Sonate n°2 en si bémol mineur op.35 « Funèbre ». Jean-Philippe Collard, piano. 1 CD La Dolce Volta LDV 09. Code barre : 770001901282. Enregistré en avril 2013 à Paris (France). Notice quadrilingue (français, anglais, japonais, allemand) intéressante. Durée totale : 57:25
La Dolce VoltaLiszt, pour faire comprendre à ses élèves comment interpréter Chopin, employait cette comparaison devenue célèbre : « Regardez ces arbres : le vent joue dans leurs feuilles, les fait ondoyer ; mais l'arbre ne bouge pas. Voilà le rubato chopinesque. » Jean-Philippe Collard, lui aussi, dans l'interview qu'il donne en guise de notice, se réclame d'une conception froide, maîtrisée, carrée de la pulsation, vue comme un « cadre spatio-temporel » indéformable où quelques libertés sont, à la rigueur, permises. Il semble que de tels propos soient devenus le lieu commun imprescriptible, quasiment phatique, le laisser-passer de tout pianiste désireux de rendre respectable sa vision du compositeur. Aseptisons Chopin ! c'est partout un même cri de ralliement. Qu'importe donc, une fois le cri proféré, que Jean-Philippe Collard recoure, dans les Préludes, à un rubato absolument débridé (dans le n°4, pour ne citer que lui) : l'essentiel est d'avoir protesté de ses bonnes intentions.
Et pourtant, c'est exactement ce qui fait la beauté de la lecture qu'offre Jean-Philippe Collard : elle n'est jamais une idolâtrie de la partition. Puisque jouer la musique de Chopin sans la rendre expressive serait la dépouiller de sa qualité première, à quoi bon s'en tenir, avec une maniaquerie d'élève en solfège, à l'exécution mécanique d'une succession de notes ? Ce qui prime (Chopin le disait lui-même), n'est-ce pas la conduite des phrases, l'élan intérieur qui s'exprime à travers elles ?
C'est ici, bien sûr, qu'entre en jeu la question du bon goût. On défigure aussi bien Chopin en plaquant sur sa musique un sentimentalisme ostentatoire qu'en l'objectivant à outrance. Mais le travail d'orfèvrerie auquel Collard est habitué le met heureusement à l'abri de ce danger : chaque note de la mélodie est pesée, dosée, pensée, et trouve dans la ligne sa juste place. Dans ses conditions, la trame musicale peut se dérouler avec une spontanéité parfaite, sans afféterie ni maniérisme. C'est le Chopin tel qu'on le rêve : intime, sensible, ingénu, amical.
N'oublions pas, cependant, le tempérament emporté de certaines pièces (d'un prélude sur deux, très précisément, puisque Chopin respecte assez scrupuleusement l'alternance vif-lent au long du cycle). Et c'est en effet dans ces pièces que Collard convainc moins. Peut-être moins confiant en ses capacités digitales, il prend un parti d'extrême intelligibilité, en détachant toutes les notes, ce qui nuit indéniablement à la direction générale et ralentit le tempo. Le plus décevant, à cet égard, est le Scherzo de la Sonate funèbre, une page de violence démente comme il en existe peu chez Chopin, mais qui semble ici un peu tiède, et n'offre pas tout le contraste souhaitable avec le Trio si paisible et aérien.
De cet enregistrement, on retiendra donc plus volontiers l'étonnante « Goutte d'eau » (Prélude n°15) qui, vu par Collard, est un parfait mélange de désir poétique inassouvi, et d'humaine lassitude.
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Frédéric Chopin (1810-1849) : Préludes op.28 ; Sonate n°2 en si bémol mineur op.35 « Funèbre ». Jean-Philippe Collard, piano. 1 CD La Dolce Volta LDV 09. Code barre : 770001901282. Enregistré en avril 2013 à Paris (France). Notice quadrilingue (français, anglais, japonais, allemand) intéressante. Durée totale : 57:25
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