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Paul Daniel, retour de l’Angleterre à Bordeaux

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Paradoxe de l'histoire, c'est un britannique, 550 ans après le rattachement de Bordeaux (alors ville anglaise) à la France, qui succède à Kwamé Ryan à la tête de l'Orchestre national Bordeaux-Aquitaine. Après un premier concert triomphal dans l'auditorium Henri Dutilleux, rencontre avec , chef charismatique et reconnu, ancien directeur musical du North Opera et du Northern Sinfonietta (Leeds), de l'English National Opera et du West Australian Symphony Orchestra.

Paul-Daniel« Un auditorium devrait être la règle pour tous les orchestres symphoniques. »

ResMusica : Vous avez commencé votre mandat par un doublé Purcell / Mahler très symbolique, qui débute par une musique funéraire. Pourquoi ce choix ?

: Ce n'est pas que funéraire, c'est un parcours allant de la mort à la résurrection, le finale de la Symphonie n°2 de Mahler est porteur d'espoir. Quant à confronter Purcell à Mahler c'est pour montrer la filiation entre ces deux compositeurs, distants de près de deux siècles. Il est important pour un orchestre et pour un chœur tels ceux de Bordeaux de se confronter à la musique écrite avant Mozart, même si ce ne sera jamais leur quotidien. Et pour une formation telle que l'ONBA Mahler doit être, avec d'autres grands symphonistes, son pain quotidien.

RM : Bien que vous ayez dirigé récemment à l'Opéra de Paris vos engagements en France sont rares. Étiez-vous déjà venu à Bordeaux avant d'accepter ce poste ?

PD : Bien sûr ! Deux fois, en 2006 et 2011, pour des concerts symphoniques dans l'ancienne salle qui en fait n'en était pas une, le Palais des sports, une acoustique abominable.

RM : À Bordeaux une grande part de l'activité de l'orchestre est d'assurer le répertoire lyrique, or cette saison vous ne dirigerez que du symphonique. À quand un opéra dirigé par ?

PD : Bientôt. À mon arrivée les plannings étaient déjà bouclés pour la saison 2013 / 2014. Mais je vais tout de même diriger une version de concert de l'acte III de Siegfried. Un répertoire aussi rarement abordé car la fosse du Grand Théâtre est trop exiguë pour accueillir un orchestre wagnérien.

RM : À propos du Palais des sports [ndlr : ancien lieu de concerts de l'ONBA] vous prenez en main un orchestre qui vient d'avoir un auditorium qui lui est entièrement consacré. Cela influe-t-il sur le travail d'un orchestre ?

PD : Énormément ! Et c'est une chance exceptionnelle d'avoir un tel lieu, entièrement dévolu aux activités de l'orchestre, répétitions, actions culturelles et concerts. Cela devrait être la règle pour tous les orchestres symphoniques. Malheureusement nous en sommes encore loin. Un auditorium à Bordeaux, qui est une ville importante avec des forces musicales de première qualité, était une nécessité primordiale.

RM : Votre carrière s'est essentiellement déroulée auprès d'orchestres britanniques ou australiens, et en tant que chef invité vous avez parcouru toute la planète. Maintenant vous présidez aux destinées d'un orchestre français. Existe-t-il une « exception culturelle », un son d'orchestre ou une manière de travailler typiquement française ?

PD : Je ne sais pas… En tous cas l'Orchestre national de Bordeaux-Aquitaine a des qualités qu'on ne retrouve pas partout : le déchiffrage et la mise en place sont rapides, les cordes font preuve de beaucoup de souplesses, les vents sont très homogènes. L'ensemble des musiciens est très réactif à mes demandes, ils font preuve d'une sensibilité hors du commun, très extériorisée, très « latine » en somme.

RM : L'ONBA c'est aussi un orchestre de tradition, avec un passé glorieux. Comment envisagez vous l'avenir qualitatif et artistique ?

PD : La qualité de l'orchestre est déjà très bonne, c'est sur la diversité des répertoires et l'implication de l'orchestre dans la vie de la Cité et sa visibilité en dehors du territoire qu'il faut travailler. J'ai l'intention de reprendre une politique discographique avec eux et surtout de partir en tournée à l'international. Un tel orchestre ne s'est pas déplacé depuis des années ! Au vu de la qualité de l'ensemble, c'est un gâchis, alors que c'est un moyen formidable pour la ville de Bordeaux de se faire connaître.

RM : À propos de diversité artistique, vous avez déjà participé à plusieurs créations contemporaines. Quelle sera votre politique à ce niveau à Bordeaux ?

PD : la création contemporaine et la reprise d'œuvres récentes doivent être, au même titre que Mahler, Brahms ou Beethoven, le cœur de l'activité d'un orchestre symphonique. J'ai plusieurs projets, dont une création d'un concerto avec un DJ reconnu – pas un qui est à Ibiza non, un vrai créateur sonore, un sound designer. Une expérience déjà faite à Londres et que je souhaite renouveler ici. L'Opéra a déjà proposé des créations récemment [ndlr : Genitrix de Laszlo Tinahyi en 2007 et Slutchaï d'Oscar Strasnoy en 2012], il faut que le symphonique suive, à un rythme plus rapide forcément.

RM : La particularité de l'Opéra national de Bordeaux [ndlr : la structure gestionnaire de l'ONBA] est son implication auprès des « nouveaux publics », une des plus performantes de France. Allez-vous vous inscrire dans cette dynamique ?

PD : Évidemment ! C'est une condition non négociable pour moi. Cela fait partie de l'ancrage de l'orchestre dans la ville, sinon vous ne pouvez pas justifier de son existence. Le fait d'être soutenu par les pouvoirs publics est une chance formidable qui ouvre toutes les possibilités, et nous devons en retour nous ouvrir au plus grand public possible. L'expérience de la diffusion en direct sur grand écran [ndlr : le concert inaugural de la saison 2013 / 2014 a été diffusé place des Quinconces] doit se refaire, y compris pour les opéras. Mais cela ne suffit pas, remplir une salle d'élèves pour une générale, comme un public d'abonnés à un concert, ne correspond plus à la réalité contemporaine. Il faut accompagner ce nouveau public, le former – et aussi former leurs formateurs, les enseignants par exemple – par des initiatives où ils seront en interaction avec l'orchestre. Et développer les partenariats avec les autres structures musicales.

Crédits photographiques : Paul Daniel © Frances Andrijich

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