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Arthur Nestrovski, directeur artistique de l’Orchestre Symphonique d’Etat de São Paulo

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La tournée européenne de l’Orchestre symphonique de São Paulo en octobre 2013, qui a commencé à Paris, est la plus ambitieuse qu’il a jamais réalisée. En 20 jours, il donnera 15 concerts dans 13 villes à travers 6 pays, et pour la première fois il jouera à la Philharmonie de Berlin, au Royal Festival Hall et à la Salle Pleyel.

Arthur Nestrovski

Les deux autres principales tournées de son histoire datent de 2010 et 2012, et comprenaient d’autres salles prestigieuses comme le Concertgebouw et le Musikverein à Vienne. ResMusica a rencontré Arthur Netstrovski le jour de leur concert à Pleyel (lire la critique) pour comprendre l’origine du développement récent mais intense de cet orchestre qui figure désormais parmi les meilleurs mondiaux.

« L’orchestre est un melting-pot comme São Paulo. »

ResMusica : Qu’elle-est la cause du développement énergique de l’Orchestre Symphonique d’État de São Paulo (OSESP) au cours des 10 dernières années, avec des chefs tels que John Neschling et récemment Marin Alsop?

Arthur Nestrovski : Cette tournée célèbre le 60ème anniversaire de l’orchestre, qui a connu un bon nombre de hauts et de bas – surtout des bas – jusqu’en 1997. John Neschling en est devenu le directeur musical et le chef d’orchestre et ce fut une révolution. Je dirais que le vrai début est venu en 2005 avec la mise en place de ce que nous appelons «l’organisation sociale», un modèle créé en 2002 par Fernando Henrique Cardoso le Président du Brésil. Suivant ce modèle, l’État délègue la gestion des services qu’il considère comme essentiels, mais pour lesquels il n’a pas l’expertise. Une fondation a été créée pour gérer l’orchestre, et celle-ci signe un contrat avec l’Etat qui est renouvelé tous les 5 ans. Le budget et les activités sont passés à la loupe, et en contrepartie l’orchestre dispose d’une visibilité de 5 ans pour construire et développer son activité. M. Cardoso lui-même est président de la Fondation depuis 2005.

RM : Comment êtes-vous financés ?

AN : Nous avons un budget de 33 millions d’euros en 2013, ce qui n’est pas énorme, mais cela nous permet de réaliser un certain nombre d’activités. Nous sommes financés à 58% par l’État de São Paulo, et le reste provient de la vente de billets, la location de la salle, des sponsors et des donateurs. Cela nous permet d’inviter des solistes de haut niveau en provenance du Brésil et de l’étranger. Pour ne citer que des artistes français, Nathalie Stutzmann est notre artiste en résidence cette année et Jean-Efflam Bavouzet le sera en 2014, et invitons Jean -Yves Thibaudet et Yan Pascal Tortelier. Notre devise a été assez forte dans les 3-4 dernières années pour nous aider à le faire.

RM : Durant le mandat de John Neschling, l’orchestre a commencé à enregistrer avec des labels comme Bis, Chandos et Naxos, ResMusica a d’ailleurs décerné une  » Clef d’Or ResMusica 2009″ pour le coffret de 7 CDs de l’intégrale des Choros et des Bachianas Brasileiras de Villa- Lobos. Quels sont les projets que vous développez ?

AN : Nous venons d’annoncer que nous enregistrer pour Decca, avec des œuvres de Villa- Lobos dirigées par Marcelo Lehninger – un jeune prodige de 32 ans – d’autres musiques brésiliennes par Marin Alsop. Marin va continuer son intégrale Prokofiev chez Naxos (lire notre chronique du premier volume avec la Symphonie n°5), et l’intégrale des symphonies de Villa- Lobos chez Naxos (Symphonies 6 et 7 déjà parues).

RM : Quels sont les objectifs de votre tournée européenne ?

AN : Nous voulons avoir de la couverture par les médias, et ce pour deux raisons. La première est de faire partie de la scène internationale, et attirer les artistes. Les solistes viennent pour diverses raisons, dont cet aspect. Ceci est stratégique. Nous sommes loin des grands centres musicaux, nous devons donner être incitatifs. La deuxième raison est notre légitimité au Brésil, pour montrer que nous avons accès à de tels lieux et musiciens. Cette tournée a été montée depuis deux ans, et j’ai été le directeur artistique pendant quatre ans. Je n’ai pas commencé à partir de zéro.

RM : Vos musiciens sont aussi très internationaux…

AN : Un tiers de nos musiciens sont des étrangers venant de 17 pays. L’orchestre est un melting-pot comme São Paulo.

RM : Quel est le répertoire de l’orchestre ?

AN : C’est tout d’abord Brahms, Beethoven, Schumann, Mozart, pour lesquels nous sommes la référence dans notre contexte. Deuxièmement, il y a la musique du XXe siècle. Troisièmement, la musique brésilienne, car si nous ne la défendons pas, qui le fera? Enfin c’est la musique contemporaine.

Nous n’avons pas seulement l’orchestre, nous avons aussi un orchestre de chambre, un chœur de 55 chanteurs, un quatuor à cordes, nous proposons des récitals, nous avons aussi une académie de 20 jeunes instrumentistes et 20 chanteurs depuis 2006 – 4 d’entre eux ont rejoint l’orchestre. Nous effectuons 3-4 concerts par semaine, et la salle est remplie à 80% par les abonnements. Pour la première fois en 2012, nous avons organisé un festival d’hiver en juillet, Campos Do Jordão, qui est notre Tanglewood. Nous avons aussi une maison d’édition qui publie 6 nouveaux ouvrages par an de compositeurs brésiliens. Nous passons également des commandes en coproduction d’œuvres d’artistes internationaux tels que John Adams ou Marc-André Dalbavie.

RM : Est-ce que l’orchestre développe une spécificité brésilienne ?

AN : Ce qui le rend un orchestre brésilien est le caractère encyclopédique de notre travail. En Amérique latine, il n’y a rien qui nous soit comparable en taille et en stature. Nous sommes un orchestre international, nous faisons vraiment partie de votre monde.

RM : Comment voyez-vous l’avenir de la musique classique ?

AN : Le format de concerts va changer, il y aura plus de programmes de découverte, peut-être plus de concerts en extérieur, plus tard en soirée ou alors dans l’après-midi, des concerts numériques – nous avons enregistré et diffusé sur internet 5 de nos concerts jusqu’à présent – en revanche je ne m’attends pas à une évolution du répertoire. Et nous prenons soin des nouvelles générations, ainsi nous avons 120.000 enfants et adolescents qui fréquentent nos concerts chaque année!

RM : Quel est votre rêve, en ce qui concerne la musique classique ?

AN : Je voudrais que les gens viennent dans les salles de concert classique comme ils vont au cinéma, pour entendre les nouveaux auteurs, et de temps en temps y aller pour des classiques. La musique classique est le seul art où les gens n’écoutent que les œuvres anciennes ! Pour notre tournée européenne, nous avons proposé beaucoup de choses mais la Symphonie n°5 de Prokofiev est le choix le plus avancé que nous eu le droit de jouer ! Nous avions proposé la Sinfonia de Luciano Berio mais elle n’a été acceptée que dans un seul endroit, à Londres.

RM : Quels sont les compositeurs qui seront joués dans 20 ans, comme le sont aujourd’hui Prokofiev ou Chostakovitch ?

AN : Je dirais Kalevi Aho (lire notre entretien et étude de ses symphonies), Magnus Lindberg, Thomas Adès, John Adams, Anna Clyne. Au Brésil, vous avez de talentueux compositeurs dont la musique est à la frontière avec la musique populaire, tels que Clarice Assad et André Mehmari. Je pense aussi à Enrico Chapela, au Mexique.

RM : Il y  a eu dernièrement des déclarations controversées de différents conducteurs de haut niveau en France et en Russie au sujet de la capacité des femmes à avoir une carrière en tant que chefs d’orchestre. Avez-vous eu a également dû faire face à des problèmes de perception semblables avec l’arrivée de Marin Alsop comme chef principal de l’orchestre São Paulo ?

AN : Pas du tout. Il est difficile de croire que la question du sexe continue à être un sujet à notre époque. Le président du Brésil est une femme, et l’ancien maire de São Paulo est une femme. São Paulo est une ville cosmopolite et ouverte, et nous sommes très fiers à l’Orchestre symphonique de São Paulo d’avoir Marin Alsop comme chef d’orchestre – non pas parce qu’elle est une femme, mais parce qu’elle est un grand chef d’orchestre, et une figure inspirante pour chacun d’entre nous. Elle est venue en septembre 2010 pour la première fois pour la 7e de Mahler. Elle était censée venir juste pour une fois, mais le deuxième jour nous discutions déjà des projets à faire ensemble. Quelques mois plus tard, elle était nommée chef d’orchestre principal de l’orchestre à partir de 2012 !

Crédits photographiques : © DR

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