On savait globalement le milieu de la musique classique plutôt frileux. En temps budgétaire de plus en plus contraint, soit on fait exploser les cadres et on se renouvelle, soit on se renferme encore plus, pour faire comme avant, mais en plus modeste. Quelle a été la solution majoritairement choisie ? La seconde, évidemment.
Quand le « Primus inter pares » est une « Prima » tout juste quadragénaire qui dans « Le Monde » du 3 juillet dernier, suite aux polémiques de non reconduction de directeurs dans certains centres dramatiques nationaux, déclarait : « Quant aux autres nominations dans les établissements, j’ai renouvelé un grand nombre de personnes. Mais j’ai surtout mis en place des commissions et des procédures transparentes qui vont garantir enfin un certain renouvellement à la tête des institutions culturelles et une féminisation. Je souhaite faire bouger les lignes. Beaucoup trop de gens ont pris l’habitude de voir le monde culturel fonctionner avec des coteries, un petit monde qui vit dans l’entre-soi : ça c’est terminé. La culture, c’est le mouvement, ce n’est pas l’immobilisme ». Message reçu Madame Filippetti. Et dans les faits ?
Dans les faits, on en est pour l’instant loin. La présidence du musée des Arts décoratifs a été confiée – nous révèle le « Canard enchaîné » de cette semaine – successivement à Jean-Jacques Aillagon (67 ans) puis dernièrement à Bruno Roger (80 ans). Le premier est ancien Ministre de la Culture, ancien Président du Château de Versailles (etc.), le second administrateur des Arts déco et Président du Festival d’Aix. Certes l’emploi des seniors est aussi une priorité et la Ministre parlait de « mouvement ». En gros on prend les mêmes et on les change de place. Ses prédécesseurs Rue de Valois n’avaient pas mieux fait.
Qu’en sera-t-il des institutions musicales ? Certaines structures sont dirigées depuis près de 20 ans par la même personne. Les départs de Serge Dorny (Lyon) et de Jean-Paul Scarpitta (Montpellier) seront-ils accompagnés de ce renouvellement des cadres qui nous fait tant défaut ? Une seule femme, Caroline Sonrier, est à la tête d’un opéra (à Lille). Laurent Joyeux (Dijon), Frédéric Roels (Rouen) et Alain Mercier (Limoges) réussissent à faire un peu baisser la moyenne d’âge plutôt élevée des directeurs d’opéra, mais on assiste plus souvent encore en ce moment à des renouvellements ou prolongations de mandats de personnes établies. Pour Montpellier la « short-list » établie ne vise pas non plus au renouvellement, puisque à une exception près les candidats sont déjà directeurs d’opéras.
Rappelons à toutes fins utiles que Bernard Foccroulle, compositeur, organiste et professeur d’analyse musicale, a été nommé directeur du Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles à l’âge de 39 ans sans aucune expérience de direction d’opéra. Renouveler les cadres c’est possible, à condition d’en avoir la volonté.