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Clairvaux subjugué par Beethoven et Levinas

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Abbaye de Clairvaux, 20-IX-2013. Ludwig van Beethoven (1770-1827) Sonates pour piano opus 27 n°2 « Clair de Lune », opus 10 n°3, et opus 31 n°2 dite « La tempête ». Michaël Levinas, piano.

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levinas-michael1Un récital Beethoven par un de ses plus ardents défenseurs, forcément, on en attendait beaucoup. Avec la célébrissime sonate opus 27 n°2 dite « Clair de Lune » (1801), a remporté un pari risqué. Dans un tempo délibérément lent, le premier mouvement émerge des brumes et se déploie avec une infinie variation de couleurs, la nuance globalement pianissimo n'engendrant aucune lassitude tant la richesse harmonique se veut perceptible. La ligne se meut d'un seul souffle et nous tient en haleine jusqu'à l'Allegretto, à tel point que le deuxième mouvement fut soudain une bouffée d'oxygène salvatrice. Sous les doigts du pianiste français, le Presto agitato qui conclut la sonate devint une véritable chevauchée fantomatique, la puissance rythmique des basses annonçant presque le final de la deuxième sonate sde Chopin.

S'ensuivait alors la sonate opus 10 n°3 (1798), une œuvre de jeunesse aux dimensions non-négligeables. Là où certains peuvent y voir une écriture légère et pleine d'humour, nous offrit en revanche un premier mouvement théâtral, à la dramaturgie assumée. En effet, l'interprétation, particulièrement intense, aurait pu tout à fait se prêter à des œuvres de la maturité, tel la sonate opus 106 dite Hammerklavier ou encore, la dernière des 32 sonates, l'opus 111. Si ce parti-pris peut donc laisser place à la controverse en raison des accents quasi schumaniens qui se devinent par instant, le deuxième mouvement a pu, à juste titre, être considéré comme le moment de grâce du concert. Ce largo e mesto aux modulations époustouflantes fut conduit avec une intelligence rare, le développement, pourtant complexe, apparaissant avec une clarté inouïe. À noter le beau jeu de lumières réalisé par Aldo Perissinotto, les éclairages changeants soulignant avec subtilité les empreints successifs durant ces précieuses minutes où le temps fut suspendu. Après un tel choc sensoriel, il faut reconnaître que le Menuetto et le Rondo clôturant cette sonate passèrent un peu plus inaperçus, et ce en dépit d'une palette orchestrale tout à fait intéressante.

C'est avec la non-moins célèbre sonate opus 31 n°2 (1802) dite « La Tempête » que s'achevait ce concert sous les yeux admiratifs du public local. L'introduction Largo et le mouvement central Adagio confirmèrent ce que l'on pressentait déjà : possède un sens aigu du phrasé qui va bien au-delà d'une simple conscience harmonique. Le dernier mouvement fut quant à lui l'occasion de (re)découvrir l'indication originale de Beethoven, soit Allegretto. Effectivement, bon nombre de versions, toutes plus fougueuses les unes que les autres, font souvent de ce final une inéluctable « course à l'abîme » ; ici au contraire, la sourde anxiété qui parcourt l'œuvre se veut la résultante de l'inlassable motif rythmique (la-fa-mi-ré) et non d'un tempo ahurissant. Choisissant de valoriser tour à tour les élans précurseurs du romantisme ou l'héritage formel du classicisme, Michaël Levinas nous offrit ce soir-là une interprétation aussi charismatique que personnelle ; une belle façon de rappeler que ces 32 sonates de Beethoven, en plus d'être un incroyable testament pianistique, constituent aussi un monument charnière entre deux mondes.

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Abbaye de Clairvaux, 20-IX-2013. Ludwig van Beethoven (1770-1827) Sonates pour piano opus 27 n°2 « Clair de Lune », opus 10 n°3, et opus 31 n°2 dite « La tempête ». Michaël Levinas, piano.

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