Intégrale poussive des lieder de Beethoven

Les intégrales ont souvent la vie dure ! Les purs chefs-d'œuvre y côtoient parfois les premières moutures, les brouillons, les essais, les ratés… Ce coffret, qui nous présente, nous dit-on, la première intégrale des Lieder de Beethoven réalisée à ce jour, n'échappe pas à la règle. À côté des joyaux et des superbes découvertes on devra ainsi s'appuyer moult chansons à boire, manifestement composées pour mettre un peu d'ambiance dans la taverne un soir d'hiver, pour ne rien dire de tous ces chants strophiques interminables. L'inclusion d'une traduction des textes allemands aurait peut-être permis de faire davantage passer la pilule. Plus intéressante est la confrontation des différentes versions d'un même lied, comme par exemple les quatre mises en musique du célèbre « Nur wer die Sehnsucht kennt »…

L'entreprise aurait sans doute gagné en crédibilité avec des interprètes capables de varier l'expression et de susciter davantage d'émotion. On rêve de ce qu'aurait pu donner le projet avec les grands chanteurs du moment, et l'on pense par exemple à la récente intégrale Schubert chez Hypérion. La voix fausse, plate et incolore de Heidi Brunner – soprano ? mezzo-soprano ? nul ne saura le dire… – est ainsi totalement hors de propos dans un tel contexte, même si ses apparitions sont fort heureusement limitées aux seuls morceaux dont le texte exige une interprète féminine. Le baryton Constantin Graf von Walderdorff, qui se taille la part du lion, dispose d'un instrument de meilleure qualité, mais qui demeure néanmoins insuffisant à côté des Goerne, Henschel, Hampson – pour ne pas parler des Prey et Fischer-Dieskau d'antan – auxquels nos oreilles sont désormais habituées. Pauvre en graves et en aigus, sa voix se montre surtout incapable d'habiter les textes mis en musique, et les cinq CD de ce recueil finissent par distiller un ennui incommensurable.

Fort heureusement, le piano de Kristin Okerlund maintient le cap de bout en bout, et les apparitions du Gustav Mahler Chor Wien permettent de temps en temps de rompre la monotonie de ce fastidieux coffret.