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Bien que le gros de la saison festivalière soit passé, il faut être attentif aux festivals de fin d’été. En effet, ces derniers proposent souvent des projets et des affiches alléchantes dans des lieux évacués par la cohue estivale : c’est le cas du festival de Zermatt.
Située dans la célèbre station alpestre suisse, cette manifestation est liée à la présence du Scharoun Ensemble (primé lors des International Classical Music Awards 2012 dans la catégorie « Musique de chambre »), composé de solistes du Philharmonique de Berlin. Le Scharoun, accompagné de solistes qui lui sont chers, est le centre d'une académie ouverture aux virtuoses sur la voie de la professionnalisation.
C'est justement ce concept initié par les musiciens allemands et l'exceptionnelle émulation qui règne lors de l'académie, qui font le grand intérêt du festival.
Fondé, en 1983, par des solistes de l'Orchestre philharmonique de Berlin, le Scharoun Ensemble, aime se confronter à de jeunes musiciens, pour, comme nous l'indique le contrebassiste Peter Riegelbauer, membre fondateur du groupe : « enseigner mais aussi progresser dans notre pratique instrumentale ». Pendant 15 jours, ils jouent aux côtés des jeunes musiciens. L'idée est de hisser vers le haut ces jeunes, à l'aide de conseils avisés ; une relation maître-élève autoritaire est donc absolument bannie. Quant au programme, il est des plus intenses et des dizaines de pièces sont à l'affiche : de l'orchestre de l'Académie, des tandems de musique de chambre aux cotés des membres du Scharoun, sans oublier des concerts réservés aux académiciens.
Les concerts du soir témoignent de la volonté du Scharoun Ensemble d'apporter toute la flexibilité artistique aux jeunes pousses, en proposant des concepts qui sortent des sentiers battus en mixant le répertoire symphonique à celui de la musique de chambre et en faisant exploser les barrières temporelles. Donnés dans la belle église St. Mauritius-Pfarrkirche, ces concerts furent l'occasion d'entendre des prestations en tous points admirables.
Très appréciée des grandes scènes mondiales, la soprano Mojca Erdmann proposait des airs de concerts de Mozart et Mendelssohn, domaine où elle excelle par sa sûreté technique (en particulier dans les plus vertigineux aigus) et par son timbre cristallin. On se ravit des airs de concert « Vorrei spiegarvi O Dio » et « Ah, lo previdi » pour soprano, hautbois et orchestre et l'on se réjouissait de redécouvrir le trop rare « Infelice ! Gia dal mio sguardo si dilegno » de Mendelssohn. La soprano, faisant ensuite un bond dans le temps en interprétant, avec le clarinettiste Alexander Bader, le décanté et mystérieux «Mnemosyne» du contemporain Wolfgang Rïhm.
Primé par les ICMA 2013, dans la catégorie musique de chambre, le violoncelliste Nicolas Altstaedt, est un musicien hors normes qui, par son charisme et la justesse de ses vues musicales, emporte l'adhésion. On aura ainsi rarement entendu Concerto n°1 de Haydn plus virevoltant et jubilatoire, animé d'une sève foncièrement juvénile, loin de l'image d'un Haydn drapé dans un classicisme figé et poussiéreux. L'entente avec l'orchestre, qui joue sans chef, guidé par les chefs de pupitres du Scharoun, était un exemple de style et de musicalité avec un final pétulant et endiablé.
On retrouvait Nicolas Altstaedt, entouré de ses compères, pour une lecture en apesanteur du célèbre Quintette en Ut majeur de Franz Schubert. Mené par le violoniste Wolfram Brandl, ces artistes se hissent vers un absolu musical dont la beauté restera un très grand moment. Réunie le lendemain, une autre équipe, quelque peu identique, s'attaquait à l'Octuor de Mendelssohn. Sans démériter, cette lecture, moins aboutie, ne taquinait pas les mêmes sommets. Du côté des vents, on put se réjouir d'une Sérénade n°12 de Mozart, sublimée par la palette infinie des nuances des chefs de pupitres : Alexander Bader à la clarinette et Jonathan Kelly au hautbois.
Cœur du festival, L'académie présente un cachet foncièrement international et de très haut niveau, à l'image de trois représentants français sélectionnés en 2013 : l'altiste Marc-Antoine Bier, la flûtiste Hélène Freyburger et le bassoniste Axel Benoit. Tous ces jeunes ont en commun un parcours déjà bien international et exemplaire de leur génération : ils sont passés par l'orchestre du Verbier Festival, l'orchestre des jeunes Gustav Mahler (GMJO) ou celui des Jeunes de l'Union européenne (EUYO), et ils ont en commun un parcours académique entamé en France, mais poursuivi à l'international : Zurich, Berlin ou Genève. Ils témoignaient de leur enthousiasme à participer à ces sessions aux côtés de tels professeurs, dans une ambiance conviviale mais centrée sur le professionnalisme. Ils affirmaient leur satisfaction de surmonter les défis de l'académie : déchiffrer de nombreuses partitions jusque-là inconnues, jouer sans chef dans un orchestre de chambre et aborder différents styles et compositeurs. Cette réussite est la fierté d'Anna von Lüneburg, manager du Scharoun Ensemble et directrice de l'académie et à ce titre responsable de la sélection qui cette année, aux dires des membres du Scharoun, atteignait un niveau assez exceptionnel.
Le dernier concert du festival, donné dans le cadre majestueux de la chapelle de Riffelalp, sise à plus de 2000 mètres d'altitude et accessible en train à crémaillère, est traditionnellement dédié aux membres de l'académie. Le programme éclectique et varié, préparé sous la houlette des musiciens du Scharoun Ensemble, soumettait à rude épreuve la cohésion d'ensemble et la précision technique des jeunes artistes. Dans ce type d'évènements, il y a des hauts et des bas, même si la qualité artistique globale restait des plus élevées. Il faut saluer différentes prestations : le duo du violoniste Johannes Strake et du violoncelliste Johannes König, dans une lecture étouffante de densité du Presto du Duo pour violon et violoncelle de Zoltan Kodály ou les petites pièces pour quatre cors menées par un trio de brillants souffleurs polonais (Maciej Baranowski, Grzegorz Curyla et Aleksander Pokrywka) accompagnés de Stefan de Leval Jezierski, l'un des cornistes du Philharmonique de Berlin. Dans ce concert, nos trois représentants français n'ont pas démérité, en particulier la flûtiste Hélène Freyburger, dont on nota la qualité du son et de l'intonation, alliés à une belle flexibilité et à une justesse stylistique idéale.
En 2014, le festival de Zermatt célèbrera ses dix ans. Cette étape, moment important dans l'histoire d'un jeune festival, est abordée avec confiance et sérénité par les responsables, dont la directrice Giovanna Panese, car dans le nombre exponentiel de manifestations festivalières, Zermatt est incontestablement dans la cordée de tête au niveau européen.
Crédits photographiques : Zermatt Festival @ Aline Paley
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