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La galerie de portraits de Futura 2013

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Festival Futura 2013. Crest. 22-26 VIII.

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JontathanPrager2Pour sa 21ème édition dans « l'arène acousmatique » des Moulinages de la ville de Crest, le Festival des musiques électroacoustiques et son directeur avaient élaboré un programme autour du thème des Portraits : le portrait en tant que description, captation des traits d'une personne, souvent véhiculée par la parole ou le dialogue entre l'auteur du portrait et celui qui en est l'objet. Une importance toute particulière était accordée cette année au Hörspiel ou pièce radiophonique qui donne à entendre la voix en sollicitant l'« oreille sensible ». Par extension, le portrait est aussi évocation, appropriation intime d'un lieu, d'un instant comme « la trace de l'indicible et de l'éphémère » selon les mots de .

Dans la journée, les concerts se succèdent à un rythme soutenu, de 11h à minuit, pour s'achever, à l'issue du troisième jour, sur la rituelle Nuit blanche acousmatique, huit heures d'écoute non-stop où il est conseillé de s'allonger et de fermer les yeux pour mieux entendre!

Rappelons que toutes ces oeuvres fixées sur support CD sont interprétées à la console de projection de l'acousmonium Motus par l'équipe de (, , Eric Broitmann, Guillaume Contré, Tomonari Higaki et Jonathan Prager) que venait rejoindre cette année le jeune italien ; il s'est formé lors du stage d'interprétation que Jonathan Prager anime chaque année durant 5 jours à l'issue du Festival.

vincent laubeufAprès une vingtième édition célébrant le virtuose acousmate (cf. notre chronique Resmusica en 2012 ), place était faite cette année à la génération montante formée par ce pédagogue hors-norme en charge de la classe de composition électroacoustique du CRR de Paris. Ils étaient une quinzaine à être venus écouter leur pièce et celles de leurs camarades dans les conditions optimales qu'offre la salle des Moulinages, tant par l'espace qui laisse librement « respirer » le son que par la variété des haut-parleurs qui en diversifient les couleurs. Celles de Bâdé Sabâ (Le vent des amoureux) du jeune iranien concentrent en quelques minutes une charge émotive intense à travers des visions fugitives de l'Orient. Plus énigmatique et toute en finesse, Acetariae, sons de la forêt de laisse apparaître une constellation sonore dans un univers de silence cerné par une fréquence subliminale. Mirach, l'étoile géante rouge, inspire qui nous embarque dans un voyage interstellaire, poétique autant que dépaysant. Dans L'éclat de conscience, aborde la grande forme avec une autorité très impressionnante et un sens inné de la dramaturgie qui captive l'écoute. Tandis qu'Yves Justamante enlace le son et la voix autour des mots de son poème – Dans un jardin – dans un mouvement de spirale infinie, révèle une personnalité très singulière dans Un léger vent de néant courait dans les bruyères, une pièce au geste économe et radical laissant apprécier la beauté intrinsèque de la matière et le processus qui la transforme. Suite bleue horizon (vision fugitive de 1917) de Paul Ramage, pointant ici une référence historique, est une pièce haute en rythmes et en couleurs charriant une matière sonore riche et foisonnante que le jeune compositeur pétrit « à bras le corps » avec une énergie galvanisante.

L'appel d'oeuvres lancé chaque année par suscite également des créations. Plus d'une dizaine de compositeurs s'étaient cette année laissés porter par la thématique des Portraits. Philippe Leguerinel se fixe sur celui de Lenz, ami de jeunesse de Goethe, sorte de personnage faustien auquel s'est attaché l'écrivain George Büchner. Avec l'acuité du trait et la force expressive d'une matière sonore qu'il élabore toujours avec une grande finesse, Philippe Leguerinel adopte dans Lenz Variations le modèle classique autant que risqué du thème et variations pour projeter sur l'écran sonore le portrait de ce personnage qui sombre dans la folie. Dans Fayoum-portraits sortis de terre, Vincent Laubeuf évoque le trouble ressenti à la vue du portrait peint sur une momie que l'égyptologue W.M. découvre dans le cimetière d'Hauwarâ el-Maqta. Cet acousmate sensible et minimal nous introduit dans un univers d'étrangeté presque extatique n'étaient ces fins décrochements temporels – bruits de nature et sons anecdotiques, de pas, d'oiseaux… – relevant d'une stratégie compositionnelle dont il a le secret. Selon un processus de lente émergence, la pièce s'achève sur les résonances d'un rituel lointain empreint d'une grande émotion. Avec Bis repetita placent, Guillaume Contré impose une manière puissante et efficace en jouant sur la permanence d'un ostinato rythmique sur lequel s'agrègent des sonorités en constante évolution tandis que le socle de base s'érode à mesure jusqu'à son élimination. Tricot tricot ou le portrait d'une tricoteuse d' est une pièce assez jubilatoire dans laquelle la compositrice joue librement avec les trames rythmiques, la complexité polyphonique, la configuration de l'espace, pour entretenir durant les 25′ de cette création l'effervescence du mouvement et de la couleur. Tout en contraste, Solitude (approchez-vous d'elle) d'Eric Broitmann invite à un voyage plus introspectif en onze « stations » donnant lieu à une recherche tout en nuances des qualités expressives de la matière sonore.

UNDEFINED-0Les trois soirées du Festival étaient ponctuées par des concerts-événements qui invitaient à la console d'interprétation Jonathan Prager, l'un des grands spécialistes de la projection du son sur acousmonium. En présence de Dieter Kaufmann, il donnait Symphonie acousmatique (cf notre chronique de l'album) sorte d'autobiographie en six mouvements du compositeur autrichien qui « tente d'archiver 40 ans de création » à travers cette somptueuse arche sonore où la voix, celle de en particulier, sert de fil rouge à la dramaturgie sonore. Autre somme (84′) entendue juste avant la Nuit blanche, Tryptique électroacoustique de Guy Reibel est composé en 1973-1974, soit quelques années après L'expérience acoustique de à laquelle l'oeuvre peut être comparée, au niveau de l'envergure du projet et du travail prospectif sur le matériau qui y est engagé. Chacun des titres fixe la teneur du propos: Signal sur Bruit, Cinq études aux modulations, Franges du silence: ce sont trois « expériences acoustiques » saisissantes fixant l'écoute sur des phénomènes singuliers – le dualisme du signal abstrait et du bruit concret, l'exploration systématique du registre élevé, « en deça de tout apprentissage culturel » – qui, pour le compositeur, « reflètent nos propres mécanismes intérieurs ».

Le Ciné-concert de la seconde soirée était le moment fort du Festival. Il donnait à voir et à entendre L'Homme à la caméra de Dziga Vertov, un chef d'oeuvre du cinéma muet expérimental – sans scénario, sans acteurs, sans intertitres – de 1929 sur lequel appose ses sonorités en 1993, dans une totale « alchimie des correspondances »: « C'est une tentative de musique visuelle », ajoute le compositeur où « l'oreille joue le rôle de l'oeil »: c'est à ce spectacle total autant que fascinant de 80 minutes, très rarement donné dans cette version magistrale, que le public de était ce soir convié.

Crédits photographiques : Jonathan Prager; Vincent Laubeuf; Image extraite du film L'Homme à la caméra : DR

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