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Alors qu'il vient de triompher à Aix-en-Provence avec Rigoletto, le chef d'orchestre italien Gianandrea Noseda, directeur musical du Teatro Regio de Turin et du festival de Stresa, était au Verbier Festival pour un Requiem de Verdi. En marge des répétitions, il reçoit ResMusica pour évoquer ses projets.
« Quand la crise sera derrière nous, seules les structures qui auront repensé leur développement seront encore debout »
ResMusica : Vous venez de diriger le London Symphony Orchestra à Aix-en-Provence, vous allez aussi ouvrir la saison de l'orchestre au Barbican Center de Londres. Alors que Valery Gergiev a annoncé son départ du poste de directeur musical du LSO, serez-vous le prochain chef de la phalange ?
Gianandrea Noseda : Travailler avec les artistes du LSO est une immense source de satisfaction. La qualité artistique qu'ils peuvent produire en concert est exceptionnelle. La réactivité, l'engagement et la virtuosité lors de chaque prestation sont incroyables. J'adore travailler et faire de la musique avec le London Symphony Orchestra. Si ma relation avec le LSO devait devenir plus proche et plus régulière, j'en serai très heureux.
RM : Vous êtes actif en Italie à Turin et au festival de Stresa. Quel est l'impact de la situation économique de la péninsule sur les institutions culturelles ?
GN : La situation générale très négative de l'Italie entraine des conséquences pour toutes les institutions culturelles. Les subsides sont en baisse et les budgets aussi. Cependant, il nous faut aller de l'avant et lancer de nouvelles pistes et de nouvelles initiatives : rechercher de nouveaux publics, trouver de nouvelles formules, défricher de nouveaux répertoires. Il est inopportun de prétexter de la crise pour ne rien faire et attendre que l'orage passe. Quand ces moments difficiles seront derrière nous, seules les structures qui auront repensé leur développement seront encore debout, pas celles qui ont fait le dos rond.
RM : Vous enregistrez pour le label anglais Chandos un projet centré sur des compositeurs italiens du XXe siècle : Dallapiccola, Petrassi, Casella, Respighi. Pouvez-vous nous parler de ces compositeurs et de leur place dans l'Italie musicale du XXe siècle ?
GN : C'est mon devoir de musicien italien de faire redécouvrir tous ces compositeurs qui ont été négligés. Négligés, non pas en raison d'œuvres médiocres, mais parce-que qu'ils se sont éloignés du courant dominant italien qui porte les compositeurs vers l'opéra. Bien évidemment, ces créateurs composaient des opéras, mais le lyrique n'était pas, à l'inverse de Bellini, Verdi, Puccini, le cœur de leur travail artistique. Ils ont donc été marginalisés en dépit de la très grande qualité de leurs partitions. Nous venons de sortir un album consacré à des pièces vocales de Goffredo Petrassi, c'est absolument incroyable de beauté et de richesses rythmiques et harmoniques ; on est ici au niveau d'un Stravinski. Il en va de même pour Alfredo Casella, il a été élève de Fauré à Paris et il admirait Debussy, sa musique témoigne de cette passion des timbres et des couleurs. Partout où j'ai dirigé ces partitions, comme à Francfort avec la Symphonie n°2 de Casella, les réactions du public sont très enthousiastes. Enfin, les chiffres des ventes sont très positifs et le label Chandos demande de nouveaux projets pour cette série « Musica Italiana ».
RM : En 2012, vous avez effectué vos débuts à La Scala de Milan dans Luisa Miller de Verdi. Que représente pour un chef italien de diriger à La Scala et surtout d'y diriger Verdi ?
GN : c'est évidemment important pour moi, La Scala est un théâtre mythique et je dois ajouter que c'est le théâtre de « ma » ville car je suis né à Milan. Cette production a été une réussite dont je suis fier, avec une distribution fantastique et une très belle mise en scène de Mario Martone. Il est très important pour La Scala de donner l'exemple pour l'interprétation des grands compositeurs italiens. Je retourne à La Scala diriger Aida à l'automne prochain, c'est pour moi un très grand honneur.
RM : Vous êtes un chef qui illustre la « mondialisation musicale » car vous avez occupé des fonctions en Espagne, en Angleterre et vous êtes un chef invité régulièrement en Russie, aux Pays-Bas, aux USA…Est-ce que vous vous définissez comme un chef italien ?
GN : Oui, je suis un chef italien. Toute mon éducation musicale s'est déroulée en Italie. J'essaie d'apporter mon italianité aux orchestres que je dirige, mais je m'imprègne de la culture des villes où je travaille que ce soit en Espagne, en Russie ou en Angleterre. En Italie, nous avons la chance d'avoir un héritage culturel exceptionnel, en ces temps de crise et de bouleversements, cet héritage doit nous aider, nous servir de socle et nous inciter à être meilleurs.
RM : En 2005, à Manchester, vous avez été au centre d'un projet Beethoven ; les Symphonies ont été offertes en téléchargement gratuit sur Internet. Le succès a été phénoménal avec plus d'1 million de téléchargements. Pensez-vous que la technologie représente le futur pour le classique ?
GN : Il faut toujours utiliser les moyens à notre disposition pour étendre les audiences. Cependant, la technologie reste une manière d'accroître le public, mais selon moi, elle ne remplacera jamais l'expérience d'un concert ou d'une représentation d'opéra.
RM : Vous êtes né à Milan et vous avez en poste à Manchester, et désormais vous êtes en charge de l'Opéra du Turin. Ces trois villes sont marquées par la culture du football. Etes-vous un fan de ce sport ?
GN : Oui. J'ai même joué au football et j'étais un bon joueur. Natif de Milan, j'ai été naturellement fan du Milan AC pendant mon adolescence. Cependant, depuis quelques années, je suis détaché du football professionnel, galvaudé par des scandales en tous genres et soumis à un business malsain. Je préfère l'esprit du football : un ballon et des chaussures. Des jeunes qui jouent au football sont plus près de l'esprit de ce sport que ces grosses équipes.