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Le pianiste Alessandro Mazzamuto a été désigné jeune artiste de l'année 2013 dans la catégorie instrumentale par le jury des International Classical Music Awards (ICMA). Il est né à Catane, en 1988, et il est diplômé de l'Institut de musique Vincenzo Bellini de Catane, sous la direction du professeur Epifanio Comis. Finaliste de la 58ème édition du prestigieux Concours Busoni de Bolzano(2011), il a reçu le prix spécial Gianandrea Lodovici qui lui a été décerné à l'initiative de la présidente du jury : Martha Argerich.
« Si l'artiste conserve son humilité et qu'il ne se prend jamais pour un individu hautain, il lui sera plus facile de communiquer avec un public jeune. »
ResMusica : Vous avez débuté l'étude du piano relativement tard, quelles-en sont les raisons ?
Alessandro Mazzamuto : J'avais neuf ans et demi quand j'ai commencé l'étude du piano. Mais j'avais déjà commencé à étudier la musique en jouant du violon. Pourtant, j'ai découvert le piano à l'âge de quatre ans. Il y en avait un dans la maison de ma grand-mère et j'ai alors commencé à jouer des mélodies à l'oreille. Mais mes parents m'ont dit qu'il était plus difficile de devenir pianiste professionnel que violoniste… En effet, un violoniste, s'il n'est pas soliste peut entrer dans un orchestre alors qu'un pianiste est plutôt seul face à ses touches… Mes parents étaient pragmatiques et ils parlaient en connaissance de cause : ils sont tous les deux musiciens et ma mère jouait alors dans l'orchestre du Teatro Massimo Bellini de Catane.
RM : Même si vous avez commencé relativement tard, vous avez pourtant fait votre premier concert très tôt…
AM : Après seulement trois mois de leçons, j'étais le soliste dans un concerto de Mozart lors d'un concert à Catane. Ce fut une expérience merveilleuse.
RM : Votre familiarité avec le clavier semble dans une certaine mesure innée. Comment expliquez-vous cela?
AM : Je suis surpris par la facilité et la spontanéité de mon jeu quand j'écoute des enregistrements réalisés à l'époque. Je ne sais pas comment l'expliquer : on entend même un degré de sensibilité musicale que l'on associe normalement à des musiciens plus matures. Tout ce que je peux dire, c'est que je voulais simplement être moi-même et de ne penser qu'à la musique. Et je dois ajouter que mon professeur Epifanio Comis a immédiatement reconnu les caractéristiques de mon jeu et il me donnait des leçons sept jours par semaine. J'ai plus appris en écoutant son jeu que par l'écoute de ses mots. Je lui dois tout mon développement musical.
RM : Avez-vous tendance à apprendre la musique plus à l'oreille que par la lecture à vue?
AM : Dans mon cas, les deux aspects sont importants. Il est essentiel d'écouter les autres – sans toutefois les imiter. Les imitations artificielles, même si elles sont solides, ne vous permettent pas d'exprimer ce que vous ressentez vraiment. Et il est très important de se référer sans cesse à la partition, où les souhaits du compositeur sont notés.
RM : En évoluant, avez-vous trouvé difficile de maintenir le même degré de spontanéité?
AM : J'ai commencé à avoir une sorte de prise de conscience de ce que je faisais quand j'ai étudié le Concerto n°1 de Brahms alors que j'avais quatorze ans. Brahms est un compositeur « profond » et j'ai réfléchi à ma manière d'aborder cette partition afin d'y exprimer ma sensibilité. Cette musique nécessite une réelle maturité et pour la première fois j'ai senti une énorme responsabilité artistique.
RM : Pourquoi avez-vous choisi Rachmaninov pour votre premier enregistrement en récital solo?
AM : En vérité, la décision d'enregistrer Rachmaninov n'était pas tout à fait la mienne. J'avais d'abord pensé à l'enregistrement d'œuvres de Chopin, Mozart et Bach selon Busoni. Le choix final est le résultat d'une discussion avec la maison de disques Arts et Roberto Prosseda, qui a été directeur artistique de l'enregistrement. Je lui suis très reconnaissant pour ses conseils et sa direction artistique, de même je remercie mon professeur d'avoir suivi le processus d'enregistrement
RM : La beauté du son est-elle une priorité pour vous?
AM : A mon avis, le son est une expression de la technique, mais je trouve qu'il est difficile de séparer un aspect du phrasé de l'autre. En termes de priorités, ce que je peux dire, c'est que ce qui est important pour moi quand je vais à un concert, ce n'est pas l'exactitude de toutes les notes, mais l'impact émotionnel de l'interprétation.
RM : Avez-vous des idées sur la façon d'attirer plus de gens de votre âge à des concerts classiques?
AM : Si l'artiste conserve son humilité et qu'il ne se prend jamais pour un individu hautain, il lui sera plus facile de communiquer avec un public jeune. Mais, les enfants ont besoin d'être exposés à la musique classique dès leurs premières années, ils sont notre avenir. Si nous ne cultivons pas leur compréhension de la musique maintenant, nous pourrions finir par jouer devant des sièges vides.
RM : Quel répertoire travaillez-vous en ce moment?
AM : Outre Rachmaninov, qui m'est principalement demandé depuis la sortie de l'enregistrement Arts, j'essaie de travailler un large répertoire. J'aime beaucoup la musique de chambre et je joue souvent en duo avec mon frère Lorenzo, qui en est à sa dernière année d'étude au Conservatoire de Moscou. Nous jouons des morceaux comme la Sonate en la majeur de César Franck.