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A Stuttgart, une Cendrillon trop simpliste

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Stuttgart. 30-VI-2013. Gioacchino Rossini (1797-1868) : La Cenerentola, opéra en deux actes sur un livret de Jacopo Ferretti. Mise en scène : Andrea Moses ; décors : Susanne Gschwender ; costumes : Werner Pick. Avec : Diana Haller (Angelina) ; Catriona Smith (Clorinda) ; Maria Theresa Ullrich (Tisbe) ; Enzo Capuano (Don Magnifico) ; Bogdan Mihai (Ramiro) ; André Morsch (Dandini) ; Adam Palka (Alidoro). Staatsopernchor Stuttgart (préparé par Christoph Heil) ; Staatsorchester Stuttgart ; direction musicale : José Luis Gomez.

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Il faut parfois accepter de ne pas être au diapason de tout un public : l'ovation qui a salué cette Cenerentola, à égalité pour solistes, chef et équipe de mise en scène, à l'issue de cette première est des plus fortes qu'on ait entendues ces dernières années, et c'est bien à regret que nous devons avouer ne pas avoir pu nous associer à l'émotion du public de Stuttgart, qui sans doute n'a pas souvent eu l'occasion de s'abreuver aux délices rossiniennes ces dernières années – il ne reste alors qu'à encourager les lecteurs à s'en faire une idée par eux-mêmes.

La mise en scène d', metteuse en scène en résidence à Stuttgart, se place exactement entre deux interprétations antithétiques de l'œuvre, l'une toute entière tournée vers la farce, telle que l'illustrait avec des abîmes de vulgarité le spectacle d'Irina Brook au Théâtre des Champs-Élysées, l'autre soulignant avec raison que la comédie est ici profondément nourrie de quêtes identitaires, de douleurs anciennes et de mondes en transition, comme avaient su le faire admirablement Patrice Caurier et Moshé Leiser à Londres, ou plus encore Arpád Schilling dans un spectacle bouleversant pour les jeunes membres du studio lyrique de l'Opéra de Bavière. Comme eux, Moses situe sa version dans un monde qui nous est familier – le chœur d'hommes, dont certains déguisés en rombières, prend avec beaucoup de conviction et d'énergie le rôle d'un « conseil d'administration » qui remplace l'héritage princier. Elle ne manquait pas d'idées pour construire une interprétation ambitieuse : elle sait donner à Alidoro – , une présence scénique étonnante et le meilleur chanteur du spectacle – un rôle de factotum à la fois souriant et compassé qui en fait le véritable fil conducteur de l'histoire ; on aime aussi beaucoup ce moment où Angelina, quand Alidoro lui ouvre la porte d'un destin plus glorieux que son médiocre présent, tente d'empêcher le minable salon de Magnifico de descendre dans les entrailles du théâtre : même si on vous promet la lune, il est difficile de renoncer à tout un pan de sa vie.

Mais pour bénéficier de ces quelques beaux moments, il faudrait accepter tant d'autres – la fin de l'admirable quintette du premier acte, d'une densité véritablement mozartienne, l'orage – où le souci de divertir le public prend le pas sur l'écoute de l'œuvre, sur l'attention aux émotions des personnages ; et c'est finalement cet aspect-là, qui finit par obliger le comique intrinsèque de la musique et du livret à céder le pas à la surcouche de gags et de slapstick qui lui est inutilement ajoutée.

Dans le rôle central, la jeune Croate convainc largement : son timbre corsé avec une pointe d'acidité écarte à lui seul tout risque de fadeur ; la virtuosité, à défaut d'être impressionnante, est présente et efficace – seule manque la capacité à assurer les parties de chant syllabique rapide sans y perdre toute projection. À ses côtés, on ne peut pas parler de découverte pour qualifier le Ramiro de , d'abord parce que le public français a déjà pu l'entendre dans le récent Barbier de Séville du Châtelet, ensuite parce qu'on aimerait un peu plus de netteté dans l'intonation pour donner à l'écriture rossinienne toute sa force de frappe, mais le résultat n'en est pas moins solide, investi et vivant.

Chez les basses, , qui apporte au rôle du « vieux maître » Alidoro une jeunesse inattendue, se tire admirablement de son air, avec un abattage qu'on y attend mais qu'on y entend rarement, et un timbre coloré que n'ont pas ses collègues, si grande que soit l'expérience d' ou l'élégance d' ; à aucun moment leurs capacités techniques ou leur compréhension du rôle ne sont contestables, mais on attend ici plus de relief et de variété. Il est vrai que, dans la fosse, le jeune , produit du Sistema vénézuélien, ne fait pas grand-chose pour aider ses chanteurs : sa direction se veut vive et bigarrée, mais il dispense trop souvent ses effets en gros quand tout dans cette partition doit l'être en détail ; comme la metteuse en scène, son approche trop simpliste de l'œuvre le conduit à ne pas savoir mettre en valeur le mélange subtil de burlesque et de mélancolie qui fait de cette version hors des sentiers battus de la légende de Cendrillon le plus grand chef-d'œuvre comique de Rossini.

Crédit photographique : © A.T. Schaefer

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