Éditos

Mais contre qui hurle-t-on ?

 

Récemment le Théâtre des Champs-Elysées a été le lieu de huées, un mini-scandale un siècle après celui du Sacre et 59 ans après celui de Déserts de Varèse. Point de raisons esthétiques : une musicienne de Radio France prenait la parole pour affirmer la solidarité des choeurs et orchestres de la Maison ronde avec leurs confrères grecs de l’ERT, en voie de dissolution. Impossible pour elle de terminer son allocution, tant les huées ont fusé. Pourtant aucune politique gouvernementale, présente ou passée n’est remise en cause, le message reste relativement neutre et à l’heure où l’audiovisuel public grec se réforme dans la douleur, à l’heure où la SWR (la radio des lander de Bade-Wurtenberg et Sarre) fusionne deux de ses trois orchestres, aucune menace ne concerne les formations musicales de Radio France. Pourquoi tant de haine ?

La comédie des huées réactionnaires avait eu lieu dans le même théâtre pour la Médée de Cherubini mise en scène par Warlikowski. C’est évidemment la réalisation scénique qui était concernée. Réaction bien prévisible, mais pourquoi se tromper de cible à ce point ? Que Médée en sosie d’Amy Winehouse choque, soit, admettons, pourquoi pas. Sauf qu’aucun des chanteurs n’était vraiment à sa place ce soir-là, et là il n’y eut aucune huée… Replacez cette production dans un opéra du sud de la France ou en Italie, la mise en scène sera autant chahutée – c’est quelque part son objectif – mais le plateau ne sera pas épargné non plus.

Le concert des réactionnaires s’est encore bien fait entendre en 2012 / 2013 avec l’intervention du collectif « La Barbe » à la présentation de la future saison de l’ONP. En raillant une saison masculine, le collectif se trompe un peu de cible : si 99% des compositeurs sont masculins, c’est un fait historique. Si les femmes chefs d’orchestre sont de plus en plus nombreuses, c’est un immense pas en avant, mais elle restent encore très minoritaires. Quoi qu’il en soit le public des abonnés s’est livré à un concert de huées et de quolibets…

Rarement on aura vu autant de haine réactionnaire dans le milieu plutôt feutré de la musique classique. Même les productions ouvertement provocatrices programmées à l’ONP du temps de Gerard Mortier n’ont pas suscité de rancoeurs aussi tenaces – la preuve par l’inverse, ce sont maintenant les mises en scènes kitsch de Giancarlo Del Monaco et Jean-Louis Martinoty qui sont sifflées. Le parallèle avec le mouvement de la « Manif pour tous » est évident. Qu’un projet de loi réformatrice de la société provoque une opposition massive se comprend. Mais une fois la loi votée, « on ne lâchera pas ». Les petits drapeaux bleus et roses avec un papa, une maman, un garçon, une fille fleurissent encore les balcons de l’ouest parisien. Là d’où vient l’essentiel du public du TCE, de l’ONP et ainsi de suite.

CQFD

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