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Bordeaux, Grand-Théâtre. 21-Iv-2013. Jacques Offenbach (1819-180) : Orphée aux enfers, opéra-bouffe en deux actes sur un livret d’Hector Crémieux et Ludovic Halevy. Mise en scène : Laura Scozzi ; décors : Juliette Blondelle ; costumes : Jean-Jacques Delmotte ; chorégraphie : Olivier Sferlazza ; vidéos : Stéphane Broc ; lumières : Marc Pinaud. Avec : Mathieu Muglioni, Orphée ; Mélody Loulédjian, Eurydice ; Eric Huchet, Aristée / Pluton ; Francis Dudziak, Jupiter ; Isabelle Vernet, l’Opinion publique ; Rodolphe Briand, John Styx ; Julie Pasturaud, Junon ; Daphné Touchais, Cupidon ; Orianne Moretti, Vénus ; Eve Christophe-Fontana, Diane ; Franck Cassard, Mercure. Choeur de l’Opéra national de Bordeaux (chef de choeur : Alexander Martin), Orchestre national Bordeaux-Aquitaine, direction : Samuel Jean
Comment mettre en scène Orphée aux enfers d'Offenbach ? Comment éviter de transformer le Galop infernal en revue du Lido ?
Laura Scozzi en a peut-être une réponse avec cette transposition dans notre monde actuel en bousculant les idées reçues, parfois au grand dam de la bourgeoisie locale. Et c'est tant mieux. Eurydice ? Une coiffeuse écervelée, obsédée par le sexe – elle collectionne Ophée, Jupiter, Pluton et John Styx à son palmarès. Orphée ? Un artiste raté coureur de jupons. Aristée ? Un chômeur qui vit d'allocations. Les dieux sont en perte de vitesse, vieillards décatis dans une maison de retraite – mais les réflexes restent, Vénus est nymphomane, Junon jalouse, Diane chasseresse – mais avec un fusil, … l'Olympe est en faillite comme le reste de la Grèce. Après tout, les religions antiques n'ont plus d'adeptes, et on voit Mahomet, Dieu et Bouddha visiter les lieux accompagnés par un agent immobilier. Les enfers de Pluton sont le temple des paradis interdits : on y cultive de la marijuana, Khadafi, Staline, Ben Laden et Hitler (ce dernier en réalité John Styx) y servent de l'alcool et des hamburgers avant de distribuer à tous de la cocaïne : tout le monde à sa paille, et c'est parti pour le fameux Galop infernal en sniffant le sol. Nos dieux vieillards en sont tout ragaillardis. D'habiles projections vidéos du visage d'Eurydice en gros plan rendent crédible la transformation de Jupiter en mouche – qui bien sur se perd dans les seins de la dame avant de descendre plus bas…
La réussite scénique est indubitable. La réussite orchestrale aussi. Galvanisés par Samuel Jean, l'ONBA en « petite » formation (une quarantaine d'instrumentistes) fait pétiller la musique d'Offenbach sans tomber dans les travers du pompeux et du trivial. L'articulation est précise, les attaques fusent, le tout avec un grand sens du légato et une belle couleur orchestrale. Le choeur se surpasse, même si dans l'agitation scénique on peut regretter d'inévitables décalages scène – fosse.
En revanche, le plateau de solistes déçoit par son inégalité. Francis Dudziak, doyen de la troupe, à plus d'une leçon à donner à ses jeunes partenaires de plateau. En grand héritier de la tradition française, son timbre de baryton est clair avec une diction soignée et une projection solide : à l'heure où de plus en plus d'opéras français du XIXe siècle sont ressuscités on s'étonne encore de ne pas voir plus souvent ce nom à l'affiche. Eric Huchet est un Aristée / Pluton sonore, aux aigus insolents. Parmi les seconds rôles signalons l'excellent Cupidon de Daphné Touchais et le désopilant John Styx, lui aussi bien en voix, de Rodolphe Briand. En revanche, le « couple star » déçoit. Appréciée sur cette scène dans des seconds rôles, Mélody Loulédjian avait laissé une impression mitigée dans les vocalises du rôle du Feu de L'Enfant et les sortilèges à Paris. Sa prestation en Eurydice, avec des vocalises mal assurées et une voix hétérogène, nous laisse sur notre faim. Mathieu Muglioni possède un joli timbre de ténor, mais l'extrême-aigu n'est pas là, et avoir une formation de violoniste à l'origine est peut-être un « plus » pour le rôle d'Orphée mais ne justifie pas tout. Isabelle Vernet enfin confirme qu'on ne peut pas être et avoir été. Si le personnage de bourgeoise coincée est désopilant et joué avec brio, la voix est définitivement partie.
Vivement une reprise de cette lecture décapante d'Orphée aux enfers. Mais avec un plateau plus solide. A priori ce devrait être le cas à Marseille, scène co productrice, en décembre prochain.
Crédit photographique : © Guillaume Bonnaud
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Bordeaux, Grand-Théâtre. 21-Iv-2013. Jacques Offenbach (1819-180) : Orphée aux enfers, opéra-bouffe en deux actes sur un livret d’Hector Crémieux et Ludovic Halevy. Mise en scène : Laura Scozzi ; décors : Juliette Blondelle ; costumes : Jean-Jacques Delmotte ; chorégraphie : Olivier Sferlazza ; vidéos : Stéphane Broc ; lumières : Marc Pinaud. Avec : Mathieu Muglioni, Orphée ; Mélody Loulédjian, Eurydice ; Eric Huchet, Aristée / Pluton ; Francis Dudziak, Jupiter ; Isabelle Vernet, l’Opinion publique ; Rodolphe Briand, John Styx ; Julie Pasturaud, Junon ; Daphné Touchais, Cupidon ; Orianne Moretti, Vénus ; Eve Christophe-Fontana, Diane ; Franck Cassard, Mercure. Choeur de l’Opéra national de Bordeaux (chef de choeur : Alexander Martin), Orchestre national Bordeaux-Aquitaine, direction : Samuel Jean