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Besançon. Scène nationale, Le Théâtre. 14 avril 2013. Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : Orphée et Eurydice ; révision Hector Berlioz, opéra dansé en 3 actes sur un livret en français de Pierre-Louis Moline d’après le livret originale en italien de Ranieri de Calzabigi. Mise en scène et chorégraphie : Nathalie Pernette. Décors : Daniel Pernette, Olivier Hebert. Costumes : Laurent Lefèvre. Lumière : Caroline Nguyen. Avec : Isabelle Druet, Orphée ; Marion Tassou, Eurydice ; Marie-Bénédicte Souquet, l’Amour. Chœur de l’Opéra-Théâtre de Limoges (chef de chœur : Jacques Maresh). Danseurs de l’Opéra-Théâtre de Limoges (directeur de la danse : Sergio Simón). Orchestre Victor Hugo Franche-Comté, direction : Jean-François Verdier.
Voilà des spectacles comme on les aime. Aucune impatience, aucun temps mort, mais une attention soutenue, une oreille tendue et des yeux grands ouverts.
Le choix de la version révisée par Berlioz, bien qu'étonnante, importe finalement peu, seul le résultat compte. Et cet apport discret du XIXe siècle trouve un logique écho au sein de l'orchestre moderne et nouvellement nommé Victor Hugo Franche-Comté, loin des sonorités à l'ancienne auxquelles nous sommes maintenant bien habitués. L'enthousiasme et l'élan transmis aux musiciens par Jean-François Verdier pallie donc la verdeur plus proche du texte original, et apporte une chaleur des timbres que l'on a un peu perdu avec d'autres interprètes plus à la mode. Superbes solo de flûte traversière, de hautbois, ensembles dansants, équilibre orchestral : Jean-François Verdier a su ménager les forces pour ne pas verser l'opéra dans la grandiloquence du romantisme et laisser s'exprimer chanteurs et danseurs.
Chanteurs qui par ailleurs endossent par moments les gestes et les déplacements des danseurs. L'Orphée d'Isabelle Druet, bien connue de la scène bisontine, met au service de sa partition sa très soutenue voix de mezzo colorature et reprend les vocalises faramineuses du dernier air de l'Acte I, au chromatisme total sur deux octaves. Une voix chaleureuse et agile en lieu et place du castrat originel. L'Eurydice de Marion Tassou forme un duo intelligent avec elle, un double en soprano que la mise en scène n'hésitera pas à valoriser. Difficile de prendre sa place aux côtés d'Orphée au nombre de mesures sans commune mesure, mais le duo de l'Acte III égalisera bien les chances. Marie-Bénédicte Souquet prendra elle aussi sa place, toujours bien en avant vocalement et visuellement par un costume symboliquement et opportunément rouge vif, tout droit sorti d'une revue de cabaret, avec canne magique au pommeau lumineux. Pas de vibrato insupportable pour ces deux chanteuses, absent au profit de la tenue de chant impeccable.
On pense sans hésitation que ces trois rôles auraient tenu en version scénique. La mise en scène reste pourtant essentielle dans cet opéra qui justement s'appelle « dansé ». Et l'occupation de la scène par les danseurs de Limoges dirigés par la chorégraphe Nathalie Pernette demeure en soi un spectacle à part entière.
Le décor léger reste immuable, occupe en transparences la ligne du dernier tiers du plateau, permettant des évolution aux premiers plans mais également à l'arrière plan. Il y a beaucoup à regarder dans ces chorégraphies imaginatives. Une tonalité générale de camaïeu gris ponctué de blanc et de noir habille les tenues des chœurs et des danseurs. Les chœurs à l'antique n'ont pas de grands déplacements mais jouent la danse assez suffisamment pour éviter l'immobilisme rang d'oignons souvent présent dans les représentations. Quand tout le monde est sur scène, les rôles sont clairement répartis entre solistes vocaux, solistes danseurs et masse chorale.
Nathalie Pernette, c'est un style, immédiatement reconnaissable, carte d'identité des vrais créateurs. Gestes rapides, immobilités, créations de formes, introduction du bruit volontaires des membres sur le sol ou des sifflements-cris en situation : la synthèse de cet art, on le retrouvera dans l'étonnant passage des spectres aux enfers de l'Acte II. On y retrouvera pêle-mêle de nombreuses allusions cinématographiques et picturales : le défilé des chœurs-spectres va chercher sa référence dans les alignements des travailleurs esclaves du Metropolis de Fritz Lang, les Furies s'agitent et s'amusent à créer des formes monstrueuses directement issues de l'univers fantasmagorique des tableaux de Jérôme Bosch ou du Cri de Munch. Les corps figés dans des poses en forme d'instantanés réfèrent aux corps immobiles carbonisés des victimes de Pompéï. On restera toutefois plus en retrait sur la présence de deux gros poussins blancs et deux rollers à bonnet de ski, il est vrai apaisants après de tels moments d'intensités. Le duo final entre Orphée et Eurydice est bien conçu puisqu'animé en mouvements contraires recto-verso, lecture visuelle directe de l'interdiction au premier de regarder la seconde.
Peu de choses à critiquer en résumé pour ce spectacle qui dépasse le simple divertissement, quoiqu'on puisse s'y tenir. Un bémol ? L'habit d'apparat d'Isabelle Druet ne la met pas vraiment à son avantage. Mais c'est peu de chose eu égard à la réussite presque parfaite de l'ensemble du spectacle.
Crédit photographique : © Scène nationale de Besançon
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Besançon. Scène nationale, Le Théâtre. 14 avril 2013. Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : Orphée et Eurydice ; révision Hector Berlioz, opéra dansé en 3 actes sur un livret en français de Pierre-Louis Moline d’après le livret originale en italien de Ranieri de Calzabigi. Mise en scène et chorégraphie : Nathalie Pernette. Décors : Daniel Pernette, Olivier Hebert. Costumes : Laurent Lefèvre. Lumière : Caroline Nguyen. Avec : Isabelle Druet, Orphée ; Marion Tassou, Eurydice ; Marie-Bénédicte Souquet, l’Amour. Chœur de l’Opéra-Théâtre de Limoges (chef de chœur : Jacques Maresh). Danseurs de l’Opéra-Théâtre de Limoges (directeur de la danse : Sergio Simón). Orchestre Victor Hugo Franche-Comté, direction : Jean-François Verdier.