Deux facettes de Chtchedrine

Le label russe Melodiya réédite deux œuvres très différentes du compositeur russe Rodion Chtchedrine. Le ballet Anna Karénine lui permet d'unifier en musique ses deux amours : celui pour son épouse, la mythique danseuse Anna Plissetskaïa, et sa passion de la littérature russe. Le compositeur aime puiser, dans la culture littéraire russe les sujets de ses œuvres : Nabokov, Gogol, Tchekhov et bien évidement Tolstoï pour cette Anna Karénine. Créé en 1872, à Moscou, ce ballet est évidement attaché à la personnalité de la ballerine. La musique de Chtchedrine est bien troussée, les saynètes sont narratives et orchestrées avec soin, mais il manque au ballet un souffle et une unité formelle. Il va sans dire que l'écoute s'avère un peu difficile sur la longueur.

Changement de registre avec la beauté brute et minérale de l'Ange scellé, vaste fresque chorale dans la grande tradition russe pour chœur mixte et flûte pastorale. Le compositeur, petit-fils de prêtre orthodoxe, fait du sacré un sujet d'inspiration constant dans son œuvre. Composée en 1988, cette fresque, de belles dimensions,  est un voyage musical à travers une Russie ancestrale. Les voix  ombrageuses, venant des profondeurs de la terre, s'illuminent soudain au contact d'une flûte irréelle. L'œuvre est certes exigeante, mais la magie de cette partition mérite cette concentration.

Les interprètes sont au service de cette musique et les notices de présentation du label, désormais traduites en français, sont riches en informations et pertinentes en analyses.