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La violoniste lettone Baiba Skride a frappé les esprits lorsqu'elle a remporté le Concours Reine Elisabeth en 2001, qui a lancé sa carrière internationale au plus haut niveau. Elle apprécie d'enregistrer des œuvres rares comme les concertos de Frank Martin et Robert Schumann, elle s'en explique à ResMusica.
ResMusica : Vous avez triomphé au Concours musical Reine Elisabeth de Belgique (CMIREB), en 2001. Quels souvenirs gardez-vous de ce concours ?
Baiba Skride : Le Reine Elisabeth a été une expérience exceptionnelle. Il était des plus stimulants de participer à une telle compétition, aussi forte historiquement. J'y ai rencontré des musiciens merveilleux, j'ai appris beaucoup sur moi-même, entre autres comment gérer la pression au fil des épreuves. Enfin, j'ai adoré l'ambiance à Bruxelles durant un mois.
RM : Est-ce que votre point de vue sur les concours a évolué au fil du temps ?
BS : Je pense généralement que les concours sont favorables au développement d'une carrière, mais ce n'est pas toujours le cas. Dans mon cas, gagner le Reine Elisabeth m'a ouvert de nombreuses portes car le CMIREB est particulèrement attentif à ses vainqueurs. Mais la chose la plus importante est de garder ouvertes les portes qui ont poussées, ce qui ne dépend que de la façon dont vous évoluez. Les attentes envers un gagnant d'un grand concours sont très élevées et il est plus facile de décevoir les gens quand ils s'attendent à quelque chose de spécifique, plutôt que de les surprendre quand personne ne sait à quoi s'attendre.
Donc, les lendemains de la victoire s'avèrent être un chemin difficile, vous devez faire vos preuves maintes et maintes fois. Et je pense aussi qu'il est important pour les jeunes instrumentistes qui décident de faire des compétitions de ne pas être trop focalisé sur la victoire et la perfection. Ce qui est plus important à mon avis est d'avoir une forte personnalité, même si cela signifie peut-être ne pas gagner.
« Dans un concours, ce qui est le plus important est d'avoir une forte personnalité »
RM: Vous avez enregistré le Concerto pour violon de Frank Martin. Qu'est-ce qui vous a incité à jouer et enregistrer cette œuvre magnifique, mais rare au répertoire violonistique?
BS: Quand, avec le chef d'orchestre Thierry Fischer, nous avons décidé que nous voulions enregistrer le Concerto de Stravinsky, nous avons commencé à chercher un autre concerto pour compléter le disque. Et Thierry Fischer a eu l'idée du Concerto pour violon de Frank Martin. Je lui suis très reconnaissante pour cette idée, parce que c'est vraiment une pièce merveilleuse, elle mérite sa place sur les grandes scènes. Je me suis mise à beaucoup l'aimer car c'est une pièce très intéressante, belle et d'un accès très aisé pour l'auditoire.
RM: Vous êtes sur le point de publier un enregistrement du Concerto de Robert Schumann, une autre œuvre peu appréciée et même un peu ingrate. Quelle est votre vision de ce concerto?
BS: Depuis quelques années, je suis venu à penser que ce Concerto est l'un des grands concertos pour violon du répertoire romantique. Les avis, par rapport, à cette œuvre sont immédiatement extrêmes : il y a des gens qui aiment vraiment cette pièce et des gens qui la détestent. Presque personne entre les deux. Je l'adore absolument et j'espère pouvoir enthousiasmer les auditeurs qui ne sont pas encore parvenus à l'aimer.
Ce concerto semble un peu ingrat, mais seulement dans le sens technique ;Il est très difficile pour le violoniste et pour les orchestres , mais musicalement, il vous récompense dans tous les sens. Le deuxième mouvement est tellement beau et touchant. Et harmoniquement, il est absolument fascinant.
Pour ce concerto, vous avez vraiment besoin de trouver des musiciens qui aiment cette pièce autant que vous et qui partagent votre vision. Le chef d'orchestre John Storgårds, qui est aussi violoniste, a enregistré les deux concertos de Schumann au violon. Il a été un partenaire formidable pour mon enregistrement et très inspirant. En ce qui concerne le Concerto pour violoncelle transcrit pour le violon – je ne cherche absolument pas à voler aux violoncellistes ce qui est l'un de leurs plus beaux concertos – c'est un morceau complètement différent quand il est joué au violon et aussi très beau. Pour moi, il enrichit même la perception de cette musique quand elle est entendue d'une manière si différente. Je suis tellement heureuse qu'il existe cette version violonistique de ce chef-d'œuvre afin que nous, les violonistes, puissions en profiter.
RM: Vous êtes née à Riga et vous avez étudié en Allemagne, est-ce que vous vous sentez appartenir à une «école de violon»?
BS: Même quand je faisais mes études à Riga, je n'avais pas l'impression que j'appartenais à un certain type d'école. Mon professeur était très ouvert à des interprétations différentes comme cela a été le cas plus tard lors de mes études en Allemagne. Bien sûr, en ce qui concerne les enregistrements qui étaient accessibles dans l'ancienne Union soviétique, ceux auxquels j'avais accès étaient principalement ceux d'artistes soviétiques. Mais j'ai quitté la Lettonie quand j'avais environ 14 ans et, depuis, j'ai eu la chance bien sûr d'être influencée par des enregistrements occidentaux également. Donc, je pense que je suis un mélange de toutes sortes d'«écoles». Mais je pense que de nos jours le monde est devenu tellement ouvert que ces écoles n'existent plus. Tout le monde peut entendre tout ce qu'il veut, étudier où bon lui semble et prendre part à toutes sortes de classes de maître. Ainsi la musique est devenue très mondiale aussi.
RM: Vous jouez un Stradivarius merveilleux, quelle est l'histoire de cet instrument?
BS: Le violon appartient aux merveilleux Gidon Kremer qui m' l'a généreusement prêté. Il est de 1734, donc tardif. J'aime beaucoup ce violon, il a une sonorité chaude et tellement de couleurs différentes. Quant à son histoire avant Gidon Kremer, il a été en Allemagne, en Russie, à Vienne et aux Etats-Unis.
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