Jeune talent russe du violon, Yury Revich en est probablement un. Pourtant, ce premier enregistrement laisse un arrière-goût d'insatisfaction. En grande partie, cela est dû au choix du programme, choix thématique tournant autour de « l'âme slave », âme qui se veut représentée toute personnellement par un choix sélectif d'auteurs- symboles de cette notion ô combien aléatoire. Du plus ancien – l'inconnu Khandoshkin – au plus récent – l'emblématique Chostakovitch – l'auditeur partira donc à la recherche de cette fameuse notion.
Mais un énorme problème se pose : peut-on résumer Rachmaninov à la sérénade op.3, à la folklorisante Danse hongroise et à l'inépuisable Vocalise dont il a été tant fait de transcriptions que l'on ignore presque que l'original pour voix et piano ne sera jamais égalé ? Peut-on ramener Tchaïkovsky à des valsettes gentillettes ? Et que dire des arrangements violonistiques de préludes pour piano de Chostakovitch, d'une étude scriabinienne ? Les très conservateurs Balakirev et Glazounov représentent-ils si bien l'âme slave ?
On se croirait revenu aux débuts du microsillon où l'on enregistrait ce genre de morceaux salonnards. Seul, dans cet amas de banalités parfois grand public – le Vol du bourdon ! – la sonate n°2 de Prokofiev émerge. Et là, la confrontation avec les plus grands est impitoyable : tempos confortables, sagesse de l'expression, prudence à tous les étages, manque évident d'engagement. Le mordant, l'incisivité, la hargne, les grincements et la folie d'un Kogan, par exemple, sont laissés au vestiaire au profit d'une version au premier degré digne d'être proposée à des apparatchiks du parti. Le maître mot semble : surtout ne pas déranger et arrondir les coins. La jeune pianiste qui l'accompagne le suit bien évidemment dans ces voies.
Yury Revich est soit victime d'un programme médiocre, soit violoniste au talent brimé par la peur de la réussite commerciale d'un premier disque. Le risque est gros pourtant d'en rester là. Attendons la suite, s'il y en a une.