La Scène, Opéra, Opéras

Reprise en progrès de la Walkyrie à Bastille

Plus de détails

Paris. Opéra-Bastille, 17-II-2013. Richard Wagner (1813-1883) : La Walkyrie, première journée du « festival scénique » L’Anneau du Nibelung sur un livret du compositeur. Mise en scène : Günter Krämer ; Décors : Jürgen Bäckmann ; Costumes : Falk Bauer ; Lumières : Diego Leetz ; Mouvements chorégraphiques : Otto Pichler. Avec : Egils Silins, Wotan ; Stuart Skelton, Siegmund ; Günther Groissböck, Hunding, Martina Serafin, Sieglinde ; Alwyn Mellor, Brünnhilde ; Sophie Koch, Fricka ; Kelly God, Gerhilde ; Carola Höhn, Ortlinde ; Silvia Hablowetz, Waltraute ; Wiebke Lehmkuhl, Schwertleite ; Barbara Morihien, Helmwige ; Helene Ranada, Siegrunde ; Ann-Beth Solvang, Grimgerde ; Louise Callinan, Rossweisse. Orchestre de l’Opéra National de Paris, direction : Philippe Jordan.

Commencé en 2010 avec L'Or du Rhin et La Walkyrie, poursuivi en 2011 avec Siegfried  et Le Crépuscule des Dieux, voilà le Ring de l'Opéra de Paris de nouveau au programme, d'abord en version égrenée, en attendant un cycle complet en juin de cette année.

Si la mise en scène n'a subi que quelques retouches, la distribution est plus profondément renouvelée, avec, il faut le reconnaître, quelques belles réussites mais aussi des regrets.

Ce qui était constant lors des représentations 2010-2011 était la qualité et la sobriété de l'accompagnement orchestral, nous faisant dire à l'issue du Crépuscule des Dieux à propos du travail du chef et de son orchestre : « Ainsi ont-ils atteint dès leur première Tétralogie un remarquable niveau de base sur lequel il leur faut maintenant insuffler plus de vie et de feu pour bâtir une mémorable interprétation ». Si on a bien retrouvé intact le « touché » du chef et la concentration sans faille de son orchestre, le surplus de flamme attendu fut absent. Ainsi de l'Orage introductif, alertement attaqué mais qui ne donnait pas envie de se mettre à l'abri, l'entrée des premiers violons passant d'ailleurs quasi inaperçue. Ainsi du début de l'Acte II bien sage, ou de la Chevauchée assez banale. Comme dans ses prestations précédentes, le chef se montra plus à son aise dans les passages lyriques et dans l'accompagnement de ses chanteurs que dans l'illustration des enjeux dramatiques des moments les plus exaltants de cette géniale partition.

Côté mise en scène les retouches, si elles ne changent pas totalement la donne, vont dans le bon sens, celui d'une simplification détournant moins l'attention du spectateur vers des détails. Ainsi, pendant l'orage, les hordes de Hunding massacrent cette fois-ci d'un seul coup, sans viols préalables, les malheureux héros dont les dépouilles ensanglantées se retrouveront entre les mains des Walkyries pendant la Chevauchée. Sitôt le coup fatal porté ils se figent tous en chiens de faïence jusqu'à l'arrivée de Hunding (ce qui est assez long). Ainsi de la présentation des Walkyries tout de blanc vêtues jusqu'à leurs escarpins, que cette fois Brünnhilde arborent également, remplaçant les pataugas dont on l'avait affublée alors, ce qui a l'insigne avantage d'éviter au spectateur de perdre du temps à s'interroger sur les pourquoi des pataugas. Le trio des jumeaux avec Hunding a perdu la pluie incessante et s'appuie fort intelligemment sur un jeu d'ombres projetant les trois personnages sur le mur de brique tout en leur conférant une autre perspective, sans doute la plus belle idée de mise en scène de la soirée, certes loin d'être novatrice, mais parfaitement mise en œuvre. A l'opposée on ne peut toujours pas sauver du naufrage la scène de la Chevauchée, exemple malheureux de ce qu'il ne faut jamais faire à l'opéra, désynchronisant totalement le texte dit, le jeu de scène et la musique. Et on ne sera pas beaucoup plus indulgent avec les lettres GERMANIA encombrant le domaine des Dieux au deuxième acte, tout autant que le ballet des athlètes masculins et féminins tout droit issus des équipes olympiques allemandes des jeux de Berlin 1938, allusions bien trop explicites et appuyées, oubliant que le Grand Art est avant tout celui de la métaphore.

La distribution ne fut pas parfaite mais globalement homogène. Au sommet, comme souvent dans cet œuvre, c'est Sieglinde qui s'imposait grâce à la superbe prestation de , sans doute la plus belle voix de la soirée, capable de nuancer quand il le fallait et de faire vivre son personnage vocalement et physiquement. Son exemplaire et émouvante Sieglinde trouvait en un Siegmund peut-être moins complet mais sachant jouer avec ses forces et faiblesses pour composer un personnage crédible, même si sans doute pas assez héroïque. En face fut un Hunding solide et méchant comme on l'attend. Pas de Walkyrie réussie sans un grand Wotan qui porte sur ses épaules toute la dernière partie de l'Acte III. Ce soir (qui alterne avec ) ne fut peut-être pas exceptionnel mais il sut justement monter en puissance pour offrir son meilleur au meilleur moment. Restent deux déceptions avec les prestations, ce soir trop courtes de voix, de en Fricka, mais surtout de la Brünnhilde de qu'on perdit complètement bien plus souvent qu'à son tour. Du coup il faut à regret admettre que c'était une Walkyrie sans sa Walkyrie, ce qui donne forcément un gout d'inachevé.

Par rapport aux saisons 2010-2011, il semble donc que nous retrouvions dans ces reprises de l'Anneau wagnérien les mêmes belles qualités du côté de l'orchestre, mais aussi les mêmes limites. Le plateau semble, pour cette Walkyrie, plus homogène mais, en tout cas lors cette soirée, pâtissait de contres performances vocales importantes, qu'on peut toujours espérer ne pas retrouver par la suite. S'il reste encore des loupés qui peuvent irriter, la mise en scène a évolué dans le bon sens, il y a même de jolies réussites et une direction d'acteur sans faiblesse, mais, du triptyque plateau vocal, partie orchestrale, scénographie, cette dernière reste la moins passionnante.

Crédit photographique : © Opéra national de Paris/ Elisa Haberer

(Visited 770 times, 1 visits today)

Plus de détails

Paris. Opéra-Bastille, 17-II-2013. Richard Wagner (1813-1883) : La Walkyrie, première journée du « festival scénique » L’Anneau du Nibelung sur un livret du compositeur. Mise en scène : Günter Krämer ; Décors : Jürgen Bäckmann ; Costumes : Falk Bauer ; Lumières : Diego Leetz ; Mouvements chorégraphiques : Otto Pichler. Avec : Egils Silins, Wotan ; Stuart Skelton, Siegmund ; Günther Groissböck, Hunding, Martina Serafin, Sieglinde ; Alwyn Mellor, Brünnhilde ; Sophie Koch, Fricka ; Kelly God, Gerhilde ; Carola Höhn, Ortlinde ; Silvia Hablowetz, Waltraute ; Wiebke Lehmkuhl, Schwertleite ; Barbara Morihien, Helmwige ; Helene Ranada, Siegrunde ; Ann-Beth Solvang, Grimgerde ; Louise Callinan, Rossweisse. Orchestre de l’Opéra National de Paris, direction : Philippe Jordan.

Mots-clefs de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.