Plus de détails

Paris. Salle Pleyel.18-I-2013. Helmut Lachenmann (né en 1935): Quatuor à cordes n°3 « Grido »; Ludwig van Beethoven (1770-1827): Sonate n°4 opus 7; Sonate n°8, opus 13 « Grande Sonate Pathétique ». JACK Quartet: Ari Streisfeld et Christopher Otto, violons; John Pickford, alto; Kevin McFarland, violoncelle. Maurizio Pollini, piano.

Le cycle des « Pollini Perspectives » débuté en octobre 2011, au cours duquel l'éminent pianiste devait jouer les douze dernières Sonates de Beethoven associées aux oeuvres de quatre compositeurs contemporains, se poursuivait ce vendredi 18 janvier, avec cependant un changement notoire dans la chronologie beethovénienne envisagée, puisque les opus 101 et 109 de Beethoven étaient remplacés, et sans autre explication, par les Sonates n°4 et n°8; à défaut de la « Grosse Sonate für das Hammerklavier », toujours très attendue, c'est la « Grande Sonate pathétique » que nous entendions sous les doigts de Pollini.

Le était quant à lui sur scène en début de soirée pour donner le Quatuor à cordes n°3 « Grido » (Cri) d' composé de 2000 à 2001 et aussitôt créé par le Quatuor Arditti au Festival de Melbourne. Après Gran Torso et Reigen Seliger Geister, les deux premiers quatuors à cordes à très bas voltage, dans lesquels le compositeur cherche à « transformer l'énergie concrète en production sonore » par le biais de techniques de jeu non traditionnelles, Grido est conçu, à la demande d'Irvin Arditti, dans un univers sonore plus résonnant et coloré. Comme dans les deux oeuvres précédentes, le quatuor dans Grido devient cet instrument gigantesque à 16 cordes qui prend ses distances vis à vis de la tradition classique du genre. Lachenmann y exploite plus particulièrement, et toujours avec un grand raffinement, les coups d'archet en crescendo abrupt créant l'effet d'un son « passé » à l'envers, un des modes de jeu que les musiciens du , précis, réactifs et techniciens de haut vol, exécutent avec brio ; mais ils confèrent au geste lachenmanien un profil un rien démonstratif, voire acrobatique, qui frise parfois l'anecdotique – on rit dans la salle de quelque « grincement » outré – sans véritablement servir la cohérence d'une telle écriture et le sens qui doit en émaner: des qualités qui fondent pourtant la pensée du compositeur allemand et que l'on avait peine à retrouver ce soir sous les archets du .

Le Maître Pollini investissait la scène en seconde partie de soirée, débutant avec une autorité et une rigueur qui n'évitent pas une certaine précipitation dans le jeu de l'Allegro molto et con brio de la Sonate n°4 en mib majeur. Pour autant, la fermeté du geste instrumental, qui ne craint pas les reliefs abrupts, et la clarté de la pensée captent d'emblée l'écoute et nous mettent au coeur du discours beethovénien. Sans épanchement jamais mais dans une sonorité noble et profonde, il fait du Largo, con gran espressione le centre expressif et la clé de voute de cette sonate. Le Menuet qui suit et le Rondo final en résolvent toutes les tensions, Pollini s'attachant à la plénitude des couleurs et à l'énergie du son qui galvanise son interprétation.

La « Pathétique » sous les doigts du pianiste milanais révèle ses secrets architecturaux qui font des trois mouvements de la Sonate un tout organique, fruit d'une pensée unitaire et d'un élan dramaturgique reliant toutes les composantes du discours. L'extraordinaire courant qui passe dans le jeu de l'interprète se fait sentir dès les premières déflagrations, une matière projetée dans l'espace qui contient en germe tous les développements à venir. Pollini nous plonge littéralement dans le vif du sujet, avec cette manière impatiente mais toujours magnifiquement assumée, une logique des tempi et une vision prospective de la forme qui magnifie la pensée du Maître de Bonn: de quoi nous faire oublier notre frustration première!

Pollini revenait deux fois sur scène, offrant en bis au public Bagatelle et autre mouvement de Sonate dans le même registre radicalement beethovénien.

(Visited 164 times, 1 visits today)

Plus de détails

Paris. Salle Pleyel.18-I-2013. Helmut Lachenmann (né en 1935): Quatuor à cordes n°3 « Grido »; Ludwig van Beethoven (1770-1827): Sonate n°4 opus 7; Sonate n°8, opus 13 « Grande Sonate Pathétique ». JACK Quartet: Ari Streisfeld et Christopher Otto, violons; John Pickford, alto; Kevin McFarland, violoncelle. Maurizio Pollini, piano.

Mots-clefs de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.