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L’Espagne confortable de Guillaume Coppola

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Enrique Granados (1867-1916) : Allegro de concierto ; Danzas españolas. Guillaume Coppola, piano. 1 cd Eloquentia EL 1236. Code barres : 3760107400369. Enregistré Salle Debussy, Joigny en juin 2012. Livret bilingue (français-anglais) de Christiane Le Bordays. Durée totale : 66’52

 

La couleur de la pochette, bien choisie, de l'orangé, alors qu'on aurait pu avoir du rouge vif, va comme devant une intention artistique.

Nouveau pianiste qui a déjà fait ses preuves, dont la musicalité n'est pas à mettre en doute, ni la virtuosité ; texte de présentation hagiographique de Christiane Le Bordays comme spécialiste de la musique espagnole ; portrait de l'artiste, les grands yeux bleus ouverts, veste sur l'épaule sur fond orangé ; packaging agréable et à la mode (à bas le plastique, vive le carton)… et la musique de Granados. Une question sera permise : pourquoi enregistrer de prime abord les Danzas españolas alors que suite au récital Liszt qui l'a précédé, il aurait été plus judicieux d'aborder les Goyescas, à l'écriture et au contenu autrement consistant ? Bon, cela viendra peut-être, et sans doute que aura voulu se faire la main avec les piécettes gentillettes – mais pas toujours faciles, nous l'admettons – d'un des grands virtuoses de son époque.

La promesse d'un retour aux sources manuscrites du compositeur à l'Académie Granados-Marshall et au Museu de la Música de Barcelone, sources enrichies par les éditions critiques d'Alicia de Larrocha, ne doit pas nous abuser : il s'agit de minimes variantes concernant une ou deux mesures, et encore pas sur toutes les pièces. Pour nous en persuader, on peut voir , au dos de la pochette, consciencieusement assis, penché sur une partition, gants de chirurgiens scrupuleusement portés, étudier un manuscrit qui curieusement… semble être une partition d'orchestre !

Les danzas de l'artiste souffrent, comme tous ceux qui s'attellent au piano espagnol, de la concurrence inégale de l'indéboulonnable – et pour cause – sus-mentionnée Alicia de Larrocha. Une écoute comparative avec ses premières versions des années 60 sera révélatrice : si chez l'espagnole, tout transpire l'évidence et l'exactitude au niveau du style et de l'esprit, dans l'incroyable pulsation rythmique, si son Granados est sec comme un coup de trique, griffant comme un coup de navaja et trépidant comme des taconeos de danseur flamenco, chez le français, les morceaux prennent de l'embonpoint, le danseur ibérique se transforme en bourgeois légèrement pansu, la chaîne de montre pendant de la petite poche de son gilet, marchant dans la rue en jetant de droite et de gauche des regards intéressés, regardant si on le regarde. C'est très confortable avec Guillaume, les tempos itou, et on ne cherche pas l'esbroufe, sauf peut-être avec l'assommant Allegro de concierto, d'une virtuosité qui laisse froid : on sait très à l'aise devant ses quatre-vingt huit touches, et on n'a pas besoin de ça pour nous le prouver.

Ainsi donc, l'aspect plus sécurisant du texte nous donne parfois l'impression fâcheuse de traîner en longueurs et en redites, mais bon, l'artiste n'est pas le compositeur ; mais il doit aller au-delà de l'anecdote et le plus soporifique morceau sera de toute manière sublimé par l'artiste génial, ce qui aurait transformé ces pièces d'un romantisme tout de même confortable en vigoureuses populaires.

Nous avons apprécié toutefois l'exquise délicatesse, presque trop, et la retenue du jeu qui par moment donne véritablement l'impression d'une improvisation – là où se complaisait Granados. Ceci est bien vu, et le pianiste ne pousse pas le texte en en faisant trop, ce qui ne donnerait qu'une mauvaise farce d'un goût douteux.

Un enregistrement qui ne bouleverse pas la donne, ne colle pas sur son siège pendant 66'52, mais qui reste séduisant par l'intention à venir – nous l'espérons – qu'on y décèle dans de futures « grandes pièces ».

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Enrique Granados (1867-1916) : Allegro de concierto ; Danzas españolas. Guillaume Coppola, piano. 1 cd Eloquentia EL 1236. Code barres : 3760107400369. Enregistré Salle Debussy, Joigny en juin 2012. Livret bilingue (français-anglais) de Christiane Le Bordays. Durée totale : 66’52

 
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