Mahler, encore et toujours, à Vienne, Anvers et Séoul
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En dépit de la crise du disque, Mahler reste pour les orchestres une carte de visite essentielle dans le cadre d’une reconnaissance mondiale. Rien que pour cette Symphonie n° 1, nous en sommes à la huitième lecture éditée en 2012….Le phénomène des labels autoproduits ne fait que décupler le phénomène. D’ailleurs deux des trois lectures analysées ici sont le fait de productions orchestrales locales.
Deutsche GrammophonDirecteur musical de Symphonique de Vienne depuis 2005, Fabio Luisi a beau être une baguette courue des grands orchestres, il n'en reste pas moins un chef passable et peu intéressant dans le répertoire symphonique de la fin du XIXe siècle (on pense à ses Strauss luxueux mais creux avec la Staatskapelle de Dresde pour Sony). Prélude à une intégrale, cette lecture de la Symphonie n°1 marque aussi les débuts du propre label de l'autre « grande » phalange viennoise. Mais à la différence de la plupart des labels autoproduits, l'Orchestre Symphonique de Vienne propose de véritables enregistrements de studio et non des lectures de concert.
Malheureusement le résultat est consternant. Si l'on fait abstraction d'une prise de son trop mate, la lecture du chef reste un modèle absolu d'ennui. Luisi aligne les notes dans une optique raide et les mouvements ne décollent jamais d'une déprimante lecture à vue. Les tempi, très retenus, favorisent la sieste digestive des musiciens. Les options interprétatives posent des questions : on ne comprend absolument pas la gestion des transitions thématiques foncièrement catastrophiques. Techniquement, l'orchestre est passablement décevant : il sonne sec et les vents n'ont absolument aucune personnalité. En conclusion, on oublie ce disque, navet inutile absolu par un orchestre en perdition (c'est le symphonique de Vienne quand même pas celui d'Honolulu…).
Plus au Nord, L'Orchestre Philharmonique Royal des Flandres à Anvers se lance, à son tour, dans l'aventure d'un label autoproduit. Curieuse initiative car la phalange belge n'est pas foncièrement oubliée par l'édition phonographique. On la retrouve, très active, pour différents labels, dont les néerlandais de Pentatone avec Philippe Herreweghe. Nouveau chef d'orchestre de la formation, le Batave Edo de Waart affronte, en guise d'inauguration de son mandat, la Symphonie n° 1 de Mahler. Une œuvre que le chef connait très bien pour en avoir déjà gravé deux versions à la tête les orchestres : du Minnesota (Virgin) et des Pays-Bas (RCA). Cette dernière interprétation, enregistrée dans le cadre d'un cycle complet donné au Concertgebouw d'Amsterdam est l'une des belles surprises de la discographie par sa franchise et sa fraîcheur de ton. On peut donc comprendre l'envie irrésistible du chef de se confronter, avec son nouvel orchestre, à cette partition qui lui est chère.
Malheureusement, le résultat est décevant, mais moins qu'à Vienne au regard de la relative modestie des interprètes flamands. Enregistrée dans la salle, très sèche, du Singel d'Anvers, cette lecture pêche par une battue terne et sans ambitions. Edo de Waart semble même s'ennuyer à diriger : le premier mouvement de s'éveille que dans ses dernières minutes. Quant à l'esprit de danse des mouvements centraux, il s'avère décortiqué jusqu'à l'absurde au point d'en paraitre dégingandé. On pointe, au fil de l'œuvre, une idée intéressante ou un phrasé qui attire l'oreille, mais dans sa globalité, cette interprétation s'avère tristounette.
L'orchestre s'affirme, dans son ensemble, valeureux et affûté mais la sécheresse de l'acoustique éteint les timbres des pupitres. Cette carte de visite rendra heureux les bailleurs de fonds de l'orchestre, le cercle des mécènes et les amis de la Philharmonique flamande. Ils pourront en effet montrer qu'en Belgique, il y a un orchestre pour jouer Mahler, mais juste les notes de Mahler, pas l'esprit du compositeur…
Changement de continent avec l'Orchestre philharmonique de Séoul, porte-drapeau de la Corée du Sud musicale, dirigé par Myung-Whun Chung. Nous avions précédemment noté l'excellence technique de cette formation dans un superbe album Ravel-Debussy. En introduction à une intégrale Mahler, Chung et ses troupes affirment un niveau superlatif. Chung impose un Mahler assez rapide, dynamique, animé mais aussi cultivé dans sa recherche rythmique et thématique. On sent que le chef en fait un peu trop dans le genre « plus vrai que nature » et il fait tout exploser dans un dernier mouvement emporté au panache. L'orchestre est la grosse révélation du disque : même si les timbres manquent de vécu, l'intonation, la précision et la puissance des pupitres, écrasent magistralement la concurrence européenne du symphonique de Vienne. La prise de son, ultra-narcissique mais formidable, fait briller les moindres pupitres de cette phalange (on peut se régaler de la justesse des attaques des trompettes et des cors). Si le potentiel commercial de cet album est somme toute limité en Europe, il n'en reste pas moins, à la différence des deux autres albums autrichien et belge, une belle carte de visite.
En conclusion, une confrontation typique d'un pan entier de l'édition discographique actuelle : une très belle parution « exotique » et inattendue est annihilée par des disques ternes et sans la moindre pertinence.
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En dépit de la crise du disque, Mahler reste pour les orchestres une carte de visite essentielle dans le cadre d’une reconnaissance mondiale. Rien que pour cette Symphonie n° 1, nous en sommes à la huitième lecture éditée en 2012….Le phénomène des labels autoproduits ne fait que décupler le phénomène. D’ailleurs deux des trois lectures analysées ici sont le fait de productions orchestrales locales.
Deutsche Grammophon
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