Rousset dans Duphly, une belle réussite

Malgré l'intérêt que lui ont porté un certain nombre de clavecinistes depuis les années 1970 (Jean-Patrice Brosse, Yannick Le Gaillard, Gustav Leonhardt, Catherine Latzarus…), l'œuvre de Jacques Duphly n'encombre pas les bacs des disquaires. Né l'année de la disparition de Louis XIV et mort le lendemain de la prise de la Bastille, le compositeur est resté, comme beaucoup d'autres, dans l'ombre des deux grandes figures du clavecin français à la fin du XVIIe et dans la première moitié du XVIIIe siècle, François Couperin et Jean-Philippe Rameau.

Quatre livres de pièces de clavecin, édités entre 1744 et 1768 nous sont parvenus, dans lesquelles Christophe Rousset a puisé pour constituer le généreux programme de ce double album. Les pièces ne sont pas organisées en suites de danses mais leurs noms renvoient à des personnes célèbres à l'époque : La Victoire, une fille de Louis XV, La Boucon, claveciniste virtuose qui épousera Mondonville, La Forqueray, La de Chamlay…). Christophe Rousset excelle ici dans l'expressivité, la vélocité, l'éloquence dans le discours. Aucune fadeur, préciosité dans son touché mais au contraire un jeu très affirmé qui réhausse l'intérêt qu'on peut porter à ce « petit maître » du siècle des Lumières. La beauté de la sonorité de l'instrument (un clavecin Christian Kroll de 1776) et la prise de son très réussie de Nicolas Bartholomé rendent cette parution indispensable, surtout lorsqu'on voit la faible disponibilité des enregistrements des interprètes précités.