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Paris. Palais Garnier : Concours annuel du corps de ballet de l’Opéra. Concours Femmes : 8-XI-2012. Concours Hommes : 9-XI-2012. Présidente du jury : Brigitte Lefèvre. Membres du jury : Laurent Hilaire ; Clotilde Vayer ; Karen Kain ; Christian Spuck ; Fabrice Bourgeois (suppléant). Membres du jury élus par le Ballet : Dorothée Gilbert ; Ludmila Pagliero ; Nolwenn Daniel ; Céline Palacio ; Ghyslaine Reichert ; Karl Paquette (suppléant).
S'il y a bien un événement immuable au sein de l'Opéra, c'est le concours interne de promotion, qui permet aux danseurs de gravir les échelons de la hiérarchie du corps de ballet. Evénement solennel, il se déroule sur la scène du Palais Garnier, devant un jury composé de membres de la direction, de danseurs élus par leurs pairs, ainsi que de personnalités extérieures. Les candidats concourent classe par classe et interprètent une variation imposée et une variation de leur choix. Cette épreuve est l'occasion pour les danseurs de se montrer, de briller seul en scène. Le concours, ce sont aussi des progrès, des hésitations, des doutes, des victoires mais aussi des défaites. Certaines promotions nous ont laissé perplexes, d'autres nous au contraire paru justifiées. Retour sur les événements marquants de ces deux journées.
La classe des quadrilles Femmes ouvre le concours. Premier constat : cette classe est d'un niveau élevé. On note également que les visages de ces demoiselles nous sont connus, qu'elles sont très souvent distribuées, et qu'être « tout en bas de la hiérarchie » n'est pas forcément synonyme de naphtaline à l'Opéra. Une danseuse a dominé le concours : Sae Eun Park. La jeune coréenne, lauréate du concours de Lausanne et médaille d'or à Varna, est d'ores et déjà une grande professionnelle. Son lyrisme et ses aptitudes techniques sont remarquables. Elle est, sans surprise, classée première à l'issue des épreuves. La deuxième promue est Emilie Hasboun, une liane blonde très aristocratique énormément distribuée dans les productions de l'Opéra. Sa promotion n'avait donc que trop tardée. Marion Barbeau décroche la dernière place disponible. Espiègle et vive, cette charmante danseuse a beaucoup progressé sur le plan technique durant ces derniers mois. On mentionnera les trop nombreuses « oubliées » de la promotion. En premier lieu Léonore Baulac. Extrêmement lyrique et dotée d'une technique aguerrie, on comprend mal pourquoi cette jeune femme est systématiquement oubliée lors du concours de promotion. Lucie Fenwick, danseuse longiline et personnalité hors norme, apporte sur scène un souffle de modernité bien à elle. Des qualités qui n'ont malheureusement pas suffi à convaincre le jury. Sophie Mayoux, ravissante et très musicale, aurait elle aussi mérité une promotion.
Le niveau de la classe des coryphées s'avère beaucoup plus hétérogène. Une danseuse se détache très nettement à l'issue de la variation imposée : Marine Ganio, qui décroche la première place du concours. Cette technicienne hors pair (elle est la seule à braver sans souci les difficultés de la variation de Dulcinée) s'avère être également une interprète de talent. Elle met beaucoup d'âme et de maturité dans sa variation libre extraite des Mirages de Lifar. La suite du classement nous laisse beaucoup plus perplexe. Non pas que que Eléonore Guérineau (héritière des grandes danseuses romantiques) et Pauline Verdusen (si lumineuse et régulière), respectivement classées deuxième et troisième, aient déméritées. Cependant, deux autres danseuses auraient, à notre sens, mérité d'être promues: Lydie Vareilhes, excellente Kitri, et surtout Laetitia Galloni, qui a réussi un très beau concours. La non-promotion de cette danseuse très inspirante apparaît comme difficilement compréhensible.
La journée se termine avec la classe des sujets. Comme chaque année, la compétition s'y révèle féroce et d'un niveau exceptionnellement élevé. A la grande surprise de tous, c'est Valentine Colasante qui décroche la seule place de première danseuse disponible. Elle damne ainsi le pion à des concurrentes de haute volée déjà aguerries aux rôles de solistes. En premier lieu Mathilde Froustey, favorite du public, qui, pour la seconde année, est non classée à l'issue des épreuves. Une situation gargantuesque – et injuste – qui semble se reproduire d'année en année. On comprend mal que la direction la distribue de manière régulière dans des rôles d'étoiles, tout en lui déniant le statut officiel de soliste. Certes, la jeune femme n'est pas une bête à concours (sa variation libre, extraite du Carmen de Petit, s'est révélé un choix peu judicieux), mais elle est déjà une artiste accomplie. Le cas Froustey reste une véritable énigme. Puisse la chance enfin tourner pour elle. Oubliée aussi la ravissante Sarah Kora Dayanova, une danseuse hors pair au charisme fou. Cette artiste enjouée, pétillante et toujours très investie, a réussi un superbe concours. Elle est sensationnelle dans sa variation de Robbins. Sa sixième place constitue, à notre sens, une mauvaise farce. Amandine Albisson, autre concurrente sérieuse, ne se montre pas tout à fait à l'aise lors de la variation du Cygne blanc, qui ne sied qu'à moitié à son tempérament. Elle se montre au contraire époustouflante dans sa variation libre extraite des Mirages de Lifar. Cette jolie brune au charisme incontestable ne laisse personne indifférent. Elle termine deuxième du concours, pour la seconde année consécutive : dommage ! Héloïse Bourdon, qui faisaient également parti des grandes favorites, campe une Odette très convaincante. Les quelques petites erreurs techniques qu'elle a commis lors de sa variation libre lui ont sans doute coûté la médaille d'or. On mentionnera également Séverine Westermann, danseuse à la forte personnalité, qui a composé un magnifique cygne blanc. Face à ces incohérences, on peut arguer du fait que le concours ne gratifie qu'une prestation à l'instant X, sans prendre en compte les états de service de ces demoiselles. Mais alors, pourquoi Sabrina Mallem, qui nous a offert un sans-faute aujourd'hui, n'a-t-elle pas écopée de la seule place à pourvoir ? Ses qualités techniques et artistiques, son élégance et son charme, la mettaient en première ligne pour être promue. Elle n'a même pas été classée.
On passe ensuite au concours Hommes. De manière générale, on note que les classes garçons comptent moins de personnalités saillantes que chez les filles. Et que le niveau technique est lui aussi en deçà de ce que l'on pourrait attendre : les garçons géreraient-ils moins bien le stress que ces demoiselles ?
Deux places étaient à pourvoir dans la classe des quadrilles, qui a fait preuve d'un niveau technique plutôt insatisfaisant. Presque tous les candidats se sont heurtés aux écueils techniques de la variation imposée qui, avec ses tours et ses nombreux sauts, ne laissaient aucune place à l'approximation. Le fringant Mathieu Contat a dominé le concours. Jolies lignes, sourire ultra bright et technique solide, le jeune homme possède de nombreux atouts dans sa manche. Il a été classé deuxième. Notre deuxième coup de cœur, le très jeune et très charismatique Germain Louvet, a malheureusement été classé troisième. Sa difficile variation extraite de La fille mal gardée était pourtant enthousiasmante au possible. Au final, c'est Jérémy-Loup Quer qui remporte la première place de la catégorie. Il a interprété avec brio un extrait du ballet Marco Spada, un choix stratégique qui s'est avéré payant. Il ne nous avait cependant pas totalement convaincu durant sa variation imposée.
Deux places étaient également à pourvoir chez les quadrilles. François Alu, grand favori, s'est imposé sans aucune difficulté. Car, cette fois encore, le niveau technique de la classe nous est apparu quelque peu chaotique : le répertoire de Noureev ne semble décidément pas inspirer les garçons ! Tout comme Sae eun Park chez les filles, Francois Alu apparaît comme un ovni au milieu de sa classe. Les bonnes fées semblent s'être penchées sur le berceau de ce danseur qui allie d'ores et déjà aisance en scène et aptitudes techniques remarquables. Un cocktail enivrant qui a révélé tous ses effets lorsque le jeune homme a interprété avec une insolente facilité la variation de Solor. Yann Chailloux, qui a pourtant « fauté » lors de la variation imposée, décroche la seconde place de sujet vacante. Sa variation lente extraite du Lac des Cygnes était fort belle, mais manquait à notre sens de réelles difficultés techniques. Une petite pensée pour Axel Ibot qui a réussi un très beau concours et qui ne termine malheureusement que quatrième. Injuste aussi la non-promotion d'Adrien Couvez, un danseur atypique qui a pleinement convaincu dans sa variation extraite de l'Appartement de Mats Ek. On n'oubliera pas de mentionner la très belle prestation de Florent Mélac en Frollo.
Une seule place de premier danseur était à pourvoir. On attendait la nomination de Pierre-Arthur Raveau, un danseur qui, en à peine deux ans, s'est déjà imposé comme l'une des valeurs sûres de l'Opéra. Ce jeune danseur, doté des plus belles qualités physiques et techniques, est déjà distribué « comme un grand » ; on le verra prochainement en Basilio. Quelques petites approximations techniques lors de la variation imposée l'ont sans doute privé de la première place. Dommage car son Oiseau de feu constitue l'un des plus jolis moments du concours. Audric Bezard a donc conquis, sans réelle difficulté, le titre de premier danseur. Bezard est un danseur déjà aguerri aux rôles de solistes dans le répertoire contemporain. Il a cependant d'autres cordes plus académiques à son arc et l'a prouvé aujourd'hui : il est le seul de sa classe à avoir passé haut la main toutes les difficultés techniques de la variation du Prince Désiré. Sa haute silhouette, son visage torturé et sa forte personnalité ont également convaincu dans sa variation tirée de Carmen.
Le concours de promotion a encore une fois prouvé que le choix de la vox populi apparaît parfois bien secondaire dans ce système très (trop ?) cloisonné.
Crédits photographiques : photo 1 : François Alu; photo 2 : Marine Ganio; photo 3 : Audric Bezard © Sébastien Mathé / Opéra national de Paris
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