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A Gaveau, Le phénomène Simone Kermes

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Paris, salle Gaveau. 25-X-2012. Simone Kermes, soprano. Airs, concertos et ouvertures de Porpora, Vivaldi, Hasse, Scarlatti, Pergolesi, Leo, Haendel, Broschi. Magnifica Comunità Ensemble, direction: Enrico Casazza

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Un vent de folie vient de souffler sur la salle Gaveau, la tumultueuse et sulfureuse soprano a fait voler en éclats toutes les conventions du récital avec un aplomb et une aisance confondants : entrée fracassante, tenues vestimentaires spectaculaires, le regard perçant, des cheveux de braise, et une présence scénique outrancière qui pourraient aisément déstabiliser un public non averti. Se serait-on trompé de concert ? Car la soprano allemande s'ingénie à faire de son récital un spectacle rock'n'roll. Elle bondit, danse, interpelle le public: le show rock est complet ! Alors devant tant d'artifices, on se met à douter, tout cela masquerait-il quelques faiblesses vocales ? Mais dès son premier air, la chanteuse dissipe toute forme de doute possible ! Rompue aux exigences techniques du baroque, sa pyrotechnie semble sans faille : vocalises endiablées, rythmes les plus fous, pianissimi, soufflets et tenues de notes d'une grande finesse…, le tout servi avec un engagement démesuré, et de  périlleuses prises de risque vocales !

On ne sait plus alors quoi louer le plus : les airs virtuoses échevelés ou bien les plaintes ductiles et éthérées… En effet, comment résister aux notes piquées de l'air « Son qual nave in ria procella » de Leo, le tout chanté dans une cadence infernale, ou bien ses notes suraiguës chantées pianissimo dans l'air dialoguant avec le seul clavecin « Consola il genitore » de Hasse. Mais au final, c'est bien dans les plaintes que l'artiste excelle véritablement et ferait taire les plus sceptiques, lorsqu'elle s'abandonne enfin. Elle rend les armes et nous désarme en nous susurrant dans la plus totale sobriété un « Lascia ch'io pianga » de Haendel telle une prière, ou encore un fragile « Alto Giove » de Porpora, qui touche au sublime et pousse l'humble critique à poser son stylo et se laisser gagner par le plaisir d'une ineffable émotion.

Qu'importe alors ces quelques excentricités ou autres dérapages, l'artiste n'en n'a que faire, et finalement nous aussi, car seul le spectacle compte : le one woman-show d'une personnalité unique  est total, la fougue communicative, et les sensations fortes garanties !

Pour l'accompagner dans ce spectacle musical détonnant, la soprano s'est entourée d'une petite formation italienne, spécialiste du répertoire. Citons le violon solo particulièrement chantant et virtuose d', qui fait notamment des merveilles dans le très contrasté concerto de Vivaldi dit « Il Favorito » et du bondissant violoncelliste Giuseppe Mule. Portée et soutenue par leur grande complicité musicale, la reine de la soirée peut donner libre cours à ses fantaisies et entraînera même le public à battre bruyamment le rythme de l'air « Son qual nave » ! Après une longue standing ovation et ce plein d'émotions, le public sort chamboulé d'un spectacle insolite qu'il n'est pas prêt d'oublier.

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