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Cologne, Oper am Dom. 30-IX-2012. Giuseppe Verdi (1813-1901) : La Forza del destino, mélodrame en quatre actes sur un livret de Francesco Maria Piave. Mise en scène : Olivier Py. Scène et Costumes: Pierre-André Weitz. Lumières : Bertrand Killy. Avec : Dirk Aleschus, Il Marchese di Calatrava ; Adina Aaron, Leonora di Vargas ; Anthony Michaels-Moore, Don Carlo di Vargas ; Enrique Ferrer, Don Alvaro ; Dalia Schächter, Preziosilla ; Liang Li, Padre Guardiano ; Tiziano Bracci, Fra Melitone ; Andrea Andonian, Curra ; Young Doo Park, Un Alcade ; Ralf Rachbauer, Mastro Trabuco ; Leonard Bernad, Un chirurgo ; Chœur de l’Opéra de Cologne (chef de chœur : Andrew Ollivant). Orchestre du Gürzenich de Cologne ; direction : Will Humburg
Cette nouvelle production fut attendue. Pour de longues semaines, l'Opéra de Cologne remplit les colonnes de la presse locale (voire nationale !), mais pour des raisons non-artistiques !
Suite à une interminable querelle sur le budget, la ville de Cologne licencia son directeur Uwe Erich Laufenberg, malgré un bilan artistique extraordinaire. A sa place fut nommé son ancienne adjointe, Birgit Meyer, qui avait évité, sagement, de prendre parti pour son chef… Même si tout avait été programmé par son prédécesseur, cette première marqua donc le début de sa direction.
Mais il y avait également une raison artistique : cette Force du destin marquait les débuts d'Olivier Py outre-Rhin qui abordait, pour l'occasion, son premier Verdi. Et Py ne choisit pas la solution facile. Confronté à un théâtre aux moyens techniques très limités – l'Opéra étant en travaux, on joue dans une sorte de tente, réservée normalement aux comédies musicales –, il se fit néanmoins construire un dispositif scénique des plus impressionnants. L'opéra est ici transposé à l'âge de l'industrialisation : un monde en mouvement où rien n'est plus ce qu'il était avant, où la certitude n'existe plus. Tout bouge en permanence – grâce à des ouvriers d'ailleurs, car la scène de dispose pas d'un plateau tournant. Tout est en noir et blanc, le sang étant la seule tâche de couleur. Un monde angoissant donc où la meule du destin est omniprésente…
Si cette idée est fascinante, si la direction d'acteur et du chœur est des plus intenses, Py est tout de même tombé dans un piège. A force de trop vouloir et surtout de trop montrer, sa mise en scène finit par lasser. Chaque fois qu'un personnage est évoqué, il apparaît en chair et os. Ainsi, le père de Leonora revient à maintes reprises, elle-même apparaît à Alvaro qui, lui, nous fait connaître ses parents. Les scènes de guerre débordent d'activité : pas content de nous montrer des soldats et le petit monde de Preziosilla, Py nous fait découvrir un hôpital militaire tout entier, des refugiés se promènent dans la salle alors que sur scène, nous sommes témoins d'une attaque au gaz. Sans parler du fameux « Rataplan » s'accompagnant d'une exécution de prisonniers et soldats.
Musicalement, le bilan est mitigé aussi. A vrai dire, le meilleur et le pire sont très proches en cette soirée de septembre. Le meilleur, nous le trouvons en la personne d'Adina Aaron, Leonora d'anthologie rappelant à la fois Leontyne Price et Martina Arroyo. Dotée d'un timbre riche en harmoniques et couleurs, capable d'aigus tour à tour glorieux ou filés, phrasant avec élégance, son chant est habité à tout moment. Et quelle actrice ! Le pire est personnifié par Enrique Ferrer. Timbre laid et engorgé, chant constamment poussif et fâché avec la justesse, cet Alvaro frôle la catastrophe en permanence. A partir du haut médium, on n'entend plus qu'une voyelle et des sons étranglés remplacent un vrai piano. Malheureusement, Anthony Michaels-Moore se présente également en méforme. Certes, la beauté du timbre est intacte, mais l'aigu est forcé et le chant est avare de nuances. Les nombreux duos ténor-baryton se transforment ainsi en un véritable calvaire…
Heureusement, le reste de la distribution est d'un tout autre niveau. En Padre Guardiano, Liang Li fait entendre une basse de velours, tout aussi à l'aise dans les graves que dans l'aigu. Dalia Schächter brûle les planches en Preziosilla, se jouant des nombreuses difficultés de son rôle, faisant ainsi oublier une voix, comme toujours, peu homogène. Tiziano Bracci est un Melitone correct, sans plus, alors que Ralf Rachbauer se fait remarquer dans le petit rôle de Trabuco.
Dans la fosse, on retrouve Will Humburg. Comme toujours, la gestuelle se fait excentrique, il anime et enflamme les musiciens comme un dompteur au cirque. Ce que l'entend, en revanche, mérite les plus grands éloges. Quelle passion, quelle intensité, mais aussi quelle beauté du son ! Dès les premières notes de l'ouverture la tension y est pour ne plus baisser qu'au bout de trois heures. C'est un exploit amplement fêté par le public – et à raison.
Crédits photographiques : Chirurgo (Leonard Bernad), Alvaro (Enrique Ferrer), Don Carlo di Vargas (Anthony Michaels-Moore); Leonora di Vargas (Adina Aaron) © Paul Leclaire
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Cologne, Oper am Dom. 30-IX-2012. Giuseppe Verdi (1813-1901) : La Forza del destino, mélodrame en quatre actes sur un livret de Francesco Maria Piave. Mise en scène : Olivier Py. Scène et Costumes: Pierre-André Weitz. Lumières : Bertrand Killy. Avec : Dirk Aleschus, Il Marchese di Calatrava ; Adina Aaron, Leonora di Vargas ; Anthony Michaels-Moore, Don Carlo di Vargas ; Enrique Ferrer, Don Alvaro ; Dalia Schächter, Preziosilla ; Liang Li, Padre Guardiano ; Tiziano Bracci, Fra Melitone ; Andrea Andonian, Curra ; Young Doo Park, Un Alcade ; Ralf Rachbauer, Mastro Trabuco ; Leonard Bernad, Un chirurgo ; Chœur de l’Opéra de Cologne (chef de chœur : Andrew Ollivant). Orchestre du Gürzenich de Cologne ; direction : Will Humburg