Pierre Henry à la Cité de la Musique: un homme seul pour une symphonie
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Paris. Cité de la Musique. 29-IX-2012. Pierre Henry (né en 1927): Le fil de ma vie (CM), pièce électroacoustique; Etienne Bultingale, ingénieur du son; Pierre Lefèvre, régie du Son/Ré; Interprète à la console, Pierre Henry.
Il régnait ce soir une atmosphère un rien singulière dans la Salle des concerts de la Cité de la Musique où un orchestre de haut-parleurs, toutes tailles confondues, envahissait la scène et les parois latérales pour la projection live de la nouvelle pièce électroacoustique de Pierre Henry, une commande passée à ce trouveur génial et solitaire par l'Etat et la Cité de la musique. Quelques fumigènes d'ambiance conféraient à cette scénographie originale l'allure d'un grand vaisseau futuriste.
Ce concert anniversaire qui affichait complet célébrait en effet les 85 ans du pape de la musique concrète dont les compositions, souvent portées par la chorégraphie de Maurice Béjart, ont fait le tour du monde. Les fameux « jerks électroniques » de la Messe pour le temps présent créée au Festival d'Avignon en 1967 consacraient la célébrité de cet aventurier du son devenu l'idole de la jeune génération électro. Mais depuis 1949, date à laquelle il rejoint Pierre Schaeffer dans les locaux de la Radio, Pierre Henry va consacrer sa vie à « sculpter » le matériau sonore, dans le studio Apsome de la rue Cardinet à partir de 1960 puis dans son home-studio Son/ré où il aime désormais recevoir les aficionados de la musique électroacoustique.
Accompagné de ses fidèles collaboratrices (Bernadette Mangin et Isabelle Varnier) et ovationné par son public, Pierre Henry s'installait à la console de projection pour interpréter Le fil de ma vie, un voyage intérieur, âpre et sans concessions comme il aime en concevoir, mais cette fois « en marchant lentement sur ce fil qui se déroule depuis trois quarts de siècle » tel qu'il l'exprime dans son Prologue-poème imprimé dans la notice de programme: une sorte de journal tenu au fil de la composition, qui mêle ses réflexions personnelles à des bribes de texte de Beckett extraits de Textes pour rien.
Le fil de la vie qui s'articule en quatre mouvements est une sorte de symphonie acousmatique d'une heure quinze environ; son matériau sonore, économe et abrasif, projeté le plus souvent de manière frontale, provient d'une pièce antérieure, Mouvement-rythme-étude, datant des années 70, « qui sera redécoupée et hachée menu dans son ensemble » précise le compositeur. Toute la pièce est construite sur la résonance centrale, vibrante et profonde, d'une voix rappelant celle des chants mongols; elle ouvre un espace où les sons vont tourner dans un lent mouvement de spirale qui s'interrompera de manière assez surprenante: concert de « flûtes des Andes » stylisées, ambiance exotique d'oiseaux électroniques pour les lignes horizontales très aériennes que Pierre Henry strie de chocs lourds, secs et obsessionnels, dans cet « esprit frappeur » qui n'a cessé de hanter sa musique. Si le temps semblait un rien s'étirer en longueur, le spectacle auriculaire, conçu d'ailleurs dans un environnement lumineux original, que nous offrait ce soir le maître acousmate n'en conservait pas moins sa facture puissante, radicale et épurée.
Crédit photographique : Pierre Henry © DR
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Paris. Cité de la Musique. 29-IX-2012. Pierre Henry (né en 1927): Le fil de ma vie (CM), pièce électroacoustique; Etienne Bultingale, ingénieur du son; Pierre Lefèvre, régie du Son/Ré; Interprète à la console, Pierre Henry.
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