Festivals, La Scène, Musique de chambre et récital

Les Nuits Romantiques d’Aix-les-Bains avec… Ravel et Debussy

Dans la ville d'Aix-les-Bains et ses environs se tient le festival Les Nuits Romantiques du 21 septembre au 6 octobre, dans un magnifique cadre d'eau et de montagne.

Le 28 septembre, à la grange de l'Abbaye d'Hautecombe dont la tour hexagonale surplombe le lac du Bourget, le donne un récital intitulé « Ravel en quatuor », retraçant en condensé l'histoire du quatuor à cordes. La soirée s'ouvre avec le tout premier Quatuor de Joseph Haydn, en si bémol majeur op. 1 n° 1 « La Chasse », suivi de celui n° 2 en ré majeur d'Alexandre Borodine. Dans cette première partie, si le fameux « Notturno », puis le foisonnement irrésistible du finale de Borodine offrent de beaux moments, les quatre musiciennes semblent avoir encore du mal à prendre franchement le large ; aux quelques problèmes de justesse s'ajoute une certaine imprécision rythmique (accords répétés dans le « Menuet » de Haydn, sentiment de ralentissement dans le « Scherzo » de Borodine) ; les nuances sont timidement exprimées et les couleurs sonores peu affirmées. En revanche, le Quatuor de Ravel dans la seconde partie « rattrape » en quelque sorte ces impressions mitigées. L'interprétation devient soudain vive et colorée, notamment dans le dernier mouvement, qui est énergique mais aucunement brut. La ligne mélodique du thème initial du premier mouvement est élégamment rendue, avec tout le développement qui suit. Le récital finit ainsi en beauté.

Le samedi 29, au Théâtre du Casino, Nemanja Radulovic et nous concoctent un concert enchanteur avec un programme entièrement français de la Belle Epoque : Sonates de Debussy, de Ravel et de Franck, ainsi que Tzigane de Ravel. Le violoniste, toujours fortement inspiré et éminemment original, propose une autre manière appréhender ces « grands classiques » – ce qui implique un risque de figer toute interprétation dans un type ou un cadre. Chez lui, la notion de valeur de notes est très mobile : dans un même phrasé, une noire ou une blanche n'a jamais la même longueur et cette flexibilité, nettement audible, crée un univers propre à cet artiste. Ainsi, au début du premier mouvement de la Sonate de Franck, il joue chaque motif assez « détaché » de celui qui suit – mais très subtile dans son expression, cela ne va pas jusqu'à choquer – dans une totale sobriété, sans vibrato ni résonance. Sa manière de jouer des glissandos, si caractéristique, dans les Sonates de Debussy et de Ravel, trouve un écho dans Tzigane où il introduit une notion de micro-intervalle « à l'orientale ». Est-ce volontaire ou spontané ? Certainement les deux à la fois, mais aucun musicien de la culture purement occidentale ne saurait aborder cette pièce ainsi, même s'il peut faire des efforts pour simuler des caractéristiques de la musique indigène et y réussir plus ou moins. Au piano, adapte son jeu avec intelligence selon les partitions ; le contraste entre son attitude « impassible » et les gestes exubérants du violoniste est frappant, de même que leur « look » !

Le dimanche 30 septembre, le pianiste dessine en deux concerts un portrait du « compositeur éponge » qu'était Debussy. Des influences très variées que reçut le compositeur français, de Grieg et de Fauré dans la jeunesse de Debussy (Rêverie, Valse romantique, Deux Arabesques…) jusqu'à Chopin à la fin de sa vie (Etudes, L'Ile joyeuse…), en passant par Chabrier (Tarentelle styrienne), Liszt (Reflets dans l'eau, Jardin sous la pluie, « Prélude » de Pour le piano…) et Rameau (Hommage à Rameau), sont illustrées par quelques œuvres de ces musiciens, parfois avec des similitudes saisissantes. Le pianiste les explique au micro, en insérant des anecdotes et des citations de textes tout aussi fascinantes, avec des exemples musicaux extraits des pièces jouées dans le programme. Il montre ainsi comment Debussy retient des idées et des procédés de ses confrères, anciens et contemporains, pour les assimiler à sa manière. Nous avons particulièrement admiré son interprétation élégante, attentionnée mais aussi pleine de verve, de Chopin (Nocturne op. 27-1, Berceuse, Barcarolle), ainsi que des morceaux lyriques comme le « Notturno » (extrait de Pièces Lyriques) de Grieg, le 4e Nocturne de Fauré, ou les Reflets dans l'eau. Entre les deux concerts, le spectateur a pu déguster une collation typiquement savoyarde – saucisse produite en région, choux, fromages, tarte et vin de Hautecombe – ce qui ajoute incontestablement plus de charme au festival.

Les Nuits romantiques continuent à la Villa Caramagne, avec la 2e Académie pour les jeunes violonistes talentueux, en tout petit comité (5 stagiaires), sous l'égide de Nemanja Radulovic et .

Crédit photographique : © Maïa Brami ; Nemanja Radulovic © Caroline Doutre

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