34e Festival de Sablé, entre renouvellement et continuité
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Concerts de clôture de l'édition 2012 du Festival de Sablé.
Comme chaque été à pareille époque, la petite mais dynamique ville de Sablé-sur-Sarthe (moins de 13 000 âmes) se transforme en temple de l'expression baroque, à travers son célèbre Festival de musique, danse, mais également – c'est une des nouveautés de l'édition 2012 – de théâtre (Benjamin Lazar…). Jean-Bernard Meunier parti à la retraite en 2011, c'est Alice Orange qui dirige à présent l'association Entracte, organisatrice de l'événement et d'une saison pluridisciplinaire au Centre Culturel Joël Le Theule. Pas de thématique particulière pour cette 34e édition mais comme les années passées, un marathon de quatorze spectacles mêlaient valeurs sûres et découvertes, le tout en un peu plus de quatre jours à Sablé même et aux alentours. C'est par exemple à l'Eglise Saint-Louis du Prytanée National Militaire de La Flèche qu'était donnée le vendredi 24 août une production de la Messe en si mineur de Bach par l'ensemble Akadêmia et de jeunes solistes sous la direction de Françoise Lasserre. Aussi prestigieux soit-il, le cadre, très réverbéré, se prêtait malheureusement assez mal à ce répertoire, un lieu plus propice aux polychoralités de la Renaissance, à l'image de la Messe à 40 voix de Striggio donnée par Hervé Niquet lors de l'édition 2011. Françoise Lasserre proposait une version de cette messe avec un chœur réduit à dix-huit chanteurs, dont les quatre solistes, ces derniers chantant seuls une partie des chœurs (par exemple le « Gratias agimus tibi » ou le « Qui tollis specata mundi », dans le Gloria). Malheureusement, on déplore un manque d'homogénéité des différents pupitres du chœur, et un déséquilibre fréquent avec l'orchestre, lui plus fourni, une impression surtout sensible dans la première partie (Missa). La chef a une direction vive, animée, enthousiaste (un peu trop à notre goût dans le Sanctus), mais le résultat manque de précision, de clarté (les fugues notamment). Du quatuor de solistes, se détachent les voix graves. Mélodie Ruvio est tout à fait convaincante dans la partie d'alto, somptuosité du timbre, style, tout y est. Benoît Arnould, plus baryton que basse, est un peu juste dans le « Quoniam tu solus sanctus », beaucoup mieux dans son deuxième air « Et in Spiritum Sanctum Dominum ».
Le concert du soir se déroulait au Centre Culturel : une version de concert de l'opéra Amor aumenta el valor (Amour redonne du courage) de l'Espagnol José de Nebra (1702-1768), une vraie rareté défendue par Luis Antonio González. Le chef a d'ailleurs enregistré une version publiée par le label Alpha en 2010, avec une distribution différente. L'œuvre était à l'origine le premier acte d'un opéra collectif (trois compositeurs) destiné à célébrer en 1728 les mariages réciproques qui cimentaient la paix entre les royaumes d'Espagne et de Portugal. La musique de Nebra dans cet opéra sonne plus italien qu'espagnol, un peu dans l'esprit de Haendel, mais en beaucoup moins inspiré. La quasi totalité des rôles sont tenus par des femmes, dont deux chantent des rôles masculins, en particulier le personnage principal d'Horacio, ici plutôt bien interprété par la soprano María Eugenia Boix (très beau lamento, avec flûtes à bec « Ay, amor ! Ay, Clelia mía ! »). Dans la construction (un acte et dix scènes), à chacun un grand récitatif et une aria da capo, l'œuvre se clôturant par un duo. La distribution, de jeunes chanteuses essentiellement de langue espagnole, se tient globalement, et le chef insuffle énergie et théâtralité à l'ensemble, notamment ses musiciens de Los Musicos de su Alteza, pas toujours très en place, il faut le reconnaître, du côté des cordes en particulier. On regrette par ailleurs l'absence de surtitrage qui aurait facilité la compréhension de l'opéra, un ouvrage ressenti comme bien anecdotique. C'est, et on le déplore, malheureusement souvent le cas dans l'exhumation de répertoires en musique ancienne et baroque.
Crédit photographique : María Eugenia Boix © DR